Du Verseau à Orion ...et un peu de rab

Saluts enneigés à tous !

En cette incroyable fin d’automne (ou début d’hiver !) aux frimas extravertis, je n’en reviens toujours pas d’avoir vécu cette superbe soirée d’observation du 12 décembre dernier !

La précédente sortie remontait au 22 novembre, qui elle-même survenait après une longue disette …

Le 12/12 donc, comme d’habitude la consultation des sites météo en journée ne montrait rien d’optimiste. Et pourtant, dès la fin d’après midi, cela a commencé à se dégager, puis de plus en plus pour offrir un ciel tout épuré au crépuscule ! Cela ayant l’air de tenir, tout incrédule et presque penaud par tant de chance, je me mets à monter le 300 sans plus attendre en arrivant du boulot, pour le mettre en température.

Avant le repas, n’y tenant plus, je commence par quelques galaxies secondaires du Verseau. Je ne sais pas trop quel est le délai « réglementaire » que vous respectez concernant la mise en température d’un 300 stocké à 18° et placé à 2°. Après quelques dizaines de minutes le piqué des étoiles me satisfait déjà, pas besoin de haute définition pour le moment.

Au fait, je suis à chaque fois sidéré de la facilité et de l’efficacité de la collimation, avec un simple œilleton, alors que je redoutais cet exercice avant d’avoir le Dob !

Désolé si les petites galaxies qui suivent ne déchaînent pas les foules, elles figurent sur mes listes comme des objets notables de ces constellations d’automne, et ce sera plus intéressant à la fin du CROA.

NGC 7606 n’est peut-être pas la galaxie la plus brillante pour se mettre en jambes, mais avec une pupille de plus de 5 mm elle est déjà facilement perçue sans être brillante. C’est un vaste fuseau orienté entre 2 étoiles assez lumineuses, visible en direct à 170 X mais très étendu en vision indirecte. Je note une petite étoile de mag 14 ou plus sur l’extrémité Ouest.

Elle reste diffuse et reprend la configuration classique d’une galaxie spirale de côté, à savoir un tout petit noyau faible au sein d’un bulbe plus diffus mais encore facile, le tout prolongé par des extensions diaphanes et souvent accessibles uniquement en décalé.

Le duo bien séparé NGC 7723 / NGC 7727 est ensuite intéressant, de par la différence d’aspect des deux objets. Les deux sont faciles, mais la première est ronde, plus vaste et diffuse, alors que la seconde est plus brillante et contrastée. A 170 X, sur cette dernière, on devine des sortes d’allongements dans plusieurs directions, comme des extensions, mais cela reste du domaine de la suspicion.

Direction maintenant les Poissons, pour NGC 488, peut-être la plus facile de cette constellation (avec NGC 524). La configuration est intéressante, la galaxie forme un angle droit avec une chaîne de 3 étoiles et son aspect diffus contraste bien avec l’étoile la plus proche. Mais son noyau très brillant ressemble aussi à cette étoile ! Le halo de la galaxie dégage une lumière très douce et diffuse, c’est magnifique mais pour autant les détails sont les mêmes qu’à plus petit diamètre.

NGC 520 ensuite est « techniquement » bien plus intéressante, même si les 300 mm sont un peu justes pour révéler vraiment sa forme typique. Assez facile, à la limite de la vision directe, elle reste assez pâle mais montre une structure irrégulière : plus marquée à l’ouest, et plus diffuse et évasée à l’extrémité est. A 170 X on note une étoile de mag 14,6 (d’après l’atlas Arp) dans le prolongement ouest de la galaxie, entre autres.

L’image la plus contrastée semble être autour de 100 X. La séparation existante dans cette galaxie ne sera pas vue.

A noter que cet objet reste très difficile par contre dans une petite lunette, même sous de bons ciels.

La Baleine se positionne ensuite rapidement au méridien. J’avais bien aimé le trio NGC 596 – NGC 584 – NGC 615 à la lunette, voyons ce que cela donne au T300 !

C’est un joli couple de galaxies brillantes, évidentes en vision directe. Même si NGC 596 se situe près d’une étoile brillante, elle est bien accessible, mais plus petite et un peu moins brillante que l’autre. Elles sont assez semblables, légèrement ovalisées, avec des centres peu marqués.

NGC 615 (mag 11,7) est facile en vision directe, très allongée, mais semble un peu irrégulière et granuleuse en surface, ce que j’ai du mal à retrouver sur les photos.

La nouveauté, c’est que je perçois maintenant très faiblement NGC 586 (mag 13,2) près des deux premières galaxies, et aussi la très faible et peu contrastée NGC 600 (mag 12,2) comme une très vague zone plus claire dans le ciel.

NGC 720, facile, est déjà brillante à 56 X. En grossissant, elle montre un bel étirement de rapport 4/1 environ, son centre demeure marqué mais allongé et non ponctuel.

La petite spirale barrée NGC 936 me déçoit quelque peu car j’attendais peut-être plus d’elle.

Fort brillante et contrastée, elle offre pourtant une belle image à grossissement modéré, près d’un arc stellaire.

C’est seulement en poussant à 270 X que je devine un aspect très légèrement allongé de la condensation centrale, comme une petite barre, mais ça reste diffus. Par contre, cela a une orientation bien différente du vaste halo périphérique ovalisé, ce que l’on retrouve bien sur les photos.

Mais je prends le premier vrai choc sur M77 ! A la lunette, elle reste une boule diffuse avec un centre très brillant. Ici, c’est toujours vrai, mais les détails commencent à apparaître, lui donnant un aspect assez différent d’avec un petit instrument.

Le gradient entre le noyau et le halo est fort, mais ce dernier est bien plus étendu et ovalisé N/S. Je note une étoile ou une nodosité à environ 30’’ sud du noyau, en décalé.

Mais surtout, à 270 X, le halo montre une structure courbée, avec une extension plus marquée au S/SE. On voit aussi des zones plus lacunaires en matière.

Très intéressant, même si c’est un peu juste pour attraper plus de détails en bordure du centre.

La proche NGC 1055 a toujours fait figure d’épouvantail à la lunette, de par son aspect très diaphane et furtif, dû à sa bande sombre.

Ici, autre belle surprise, elle reste faible mais se dévoile généreusement en vision oblique, comme un beau fuseau très allongé, montrant presque des irrégularités de surface. Quel contraste avec les étoiles très brillantes à proximité !

La bande n’est pas visible mais l’un des côtés semble plus tranché.

Orion est déjà bien montée à l’est, j’étais peut-être resté légèrement sur ma faim lors d’une précédente observation très rapide de M42 à 56 X seulement. Sans en faire un suivi « officiel » ce soir, je vais voir ce que cela donne à environ 100 X ….Le choc !!

Comment décrire ce que j’ai vu et surtout l’impression ressentie ? En premier lieu, plus qu’un éclat monumental, c’est surtout les zones obscures qui m’ont sauté au visage, bien plus marquées qu’à la lunette, et presque en 3D ! Ensuite, bien sûr, tout le reste, je ne vais pas rentrer dans le détail de ce que tout le monde ou presque connaît : le trapèze nettement résolu en 6 étoiles, dans un trou de nébulosités, M43 complexe et détaillée à souhait, les extensions plus filamenteuses et « dures » que diffuses comme à la lunette, et surtout des détails, des moutonnements, des variations dans la texture, du « poilu » …Mais surtout, cette noirceur des nébuleuses obscures, ces golfes de ténèbres qui nous renvoient aux mystères de l’Univers, et oui, directement à notre propre création …Un choc visuel mais aussi métaphysique, philosophique …

Pour redescendre vers des choses plus raisonnables,dans Orion, la nébuleuse planétaire la plus facile (mais dépassant tout de même les 11 points de magnitude) est NGC 2022, bien placée au nord de la constellation. J’hésite presque à la chercher tant le champ est riche ici, mais rapidement je vois bien une petite bulle gris verdâtre, assez nette, légèrement ovalisée N/S. L’annularité est assez bien marquée en vision indirecte (elle n’est pas non plus très flagrante sur les photos), mais surtout je suis interpellé par une minuscule zone plus brillante sur le bord sud, étoile ou condensation ? Le site de B. Laville mentionne cette particularité, en signalant que même sur une photo de Hubble on ne peut trancher entre étoile ou nodosité.

A 390 X ce détail reste tout aussi difficile à percevoir, et rien de plus n’est vu.

A noter qu’aucun filtre n’a été utilisé sur cette NP.

Pour finir, car il est quasiment minuit et je travaille le lendemain, une autre nébuleuse planétaire dans Orion, au nord : Abell 12. Il n’y a pas plus facile à repérer : elle touche presque l’étoile Mu Orionis.

J’avais cru la déceler à la FC-100 (très probable).

Ici, sans filtre, rien d’autre que l’éclat puissant de l’étoile …

Avec le précieux OIII, le miracle s’accomplit : on voit facilement un disque uni, pâle, mais assez net, émerger du halo de Mu, un peu comme une excroissance. Intéressant et original, mais pour bien isoler la NP du halo, je suis monté à 270 X. Par contre, pas de détail sur ce petit disque grisâtre.

Voilà pour cette superbe soirée impromptue, qui m’a certes bien réconcilié avec la supériorité du T300 sur la lunette dans bien des domaines !

En rab je vous livre maintenant les objets principaux d’une nouvelle sortie hier soir, mais perturbée par un horaire peu adapté, des passages nuageux pénibles, des recherches fastidieuses de galaxies jamais trouvées, bref du temps perdu …

En plus de 3 galaxies secondaires du Verseau et des Poissons, j’ai pu observer la fameuse Helix (NGC 7293).

Le ciel était transparent sans plus si près de l’horizon, correct mais rien à voir avec un ciel plus de montagne. Après de trop longs moment d’un repérage hasardeux, je tombe enfin avec une pupille de 5 mm sans filtre sur une très vague et pâle nébulosité difficile et peu contrastée ! Vite, je mets le OIII et là heureusement c’est bien mieux ! A 56 X et 96 X, la forme connue se pressent, l’annularité se dessine en vision oblique avec une partie N plus marquée, et une zone au SE assez irrégulière. Je note une teinte très blanche. Est-ce l’OIII, mais je ne remarque pas de centrale, seulement 2 étoiles sur la nébuleuse à l’ouest. C’est globalement très intéressant ! Toutefois, F. Morat aux jumelles géantes de 141 mm a attrapé une extension que je n’ai pas vue au 300, marquant l’adéquation des jumelles pour cet objet (et je n’ai certes pas l’expérience et l’excellence de Fabrice !!)

En fin d’observation, un peu déstabilisé par des recherches infructueuses et des voiles menaçants, je choisis du facile avec M31.

Globalement, même si l’on doit reconnaître à ce monstre son status de classique (très facile, très grande …), tout comme à la lunette son aspect me déçoit quelque peu.

Je la trouve plus esthétique et claquante aux jumelles sous très bon ciel.

Hormis un centre très marqué, les extensions sont rapidement diaphanes et diluées dans le ciel, à cause du grossissement. Je note le faible amas NGC 206, guère mieux qu’à la lunette. Par contre M31 montre maintenant une bande de matière parallèle à son côté le plus tranché, comme un bras spiral, mais c’est faible, uniquement en vision décalée.

En revanche, je suis plus enchanté par ses satellites, M32 concentré d’énergie lumineuse et déjà bien allongée, et surtout M110, très vaste, remarquablement ovalisée et étendue, avec une luminosité subtile mais suffisante, et plus forte au centre. Le champ regorgeant d’étoiles très piquées est très spectaculaire aussi, avec une fine étoile dans le halo de M110 !

Ces objets méritent toutefois un excellent ciel, car sur les plateaux très purs de Haute-Loire j’avais été davantage enchanté par M31 que d’habitude, et ce à la petite FC-100. Qu’en serait-il avec ce tromblon dans les mêmes conditions excellentes ?!

Voilà.

Je pense qu’avec ces séances s’achève plus ou moins le ciel d’automne pour cette année. En effet, la lune et les fêtes de fin d’année arrivant, cela va être difficile avant début janvier de s’y remettre. Il y aura moins de galaxies alors, et plus de nébuleuses et d’amas, objets encore très peu vus au T300.

Tout un programme …

En tous cas, je suis vraiment content de n’être pas passé à côté des deux occasions claires de ces dernières semaines !

Bon ciel et bonnes fêtes à vous !

Merci pour ce CROA riche et détaillé comme à ton habitude.

Le 300 commence à parler sérieusement, ça augure du très bon pour ce printemps. Je sens venir le Croa du siècle... Enfin, sans te mettre la pression hein, c'est tout ce que je te souhaite.

La perspective d'amener le 300 sous un ciel parfait semble commencer à te titiller aussi, ça paraît inéluctable maintenant que tu l'as bien en main.

Je n'ai pas de commentaire à apporter sur tes datas factuelles (référence au commentaire de Patte sur le fil des 80 à l'heure qui m'a fait mourir de rire), toutefois je garde ce Croa précieusement sous la main pour me frotter aux cibles les plus faciles avec le 250, donc merci beaucoup pour le partage c'est réellement précieux.

Pour M31, mon nouveau tube préféré est le dob 100/400, du champ du champ et encore du champ rien que pour elle je vais garder ce petit "jouet" un moment.

Et sinon c'est vraiment un début d"hiver catastrophique pour la météo, tu as eu de la chance d'attraper ces deux soirées, comme tu dis leur souvenir risque de nous accompagner jusqu'à l'année prochaine.

Je te souhaite également de très bonnes fêtes de fin d'année.

Encore un CROA qui se déguste !

Notamment pour sa partie conclusive avec les riches notations concernant M 31 et ses voisines que j'adore.

Bravo et meilleures opportunités célestes pour toi dans les semaines à venir...

Merci pour ce CROA, ça me fait d'autant piaffer d'impatience car..

Et sinon c'est vraiment un début d"hiver catastrophique pour la météo, tu as eu de la chance d'attraper ces deux soirées

Cela va faire fait 2 mois que mon télescope n'a pas pris l'air : les 2 uniques nuits potables étaient des nuits de pleine lune. Ceci dit je garde un vague espoir pour samedi soir

Salut etoilesdesecrins !

Tu as eu de la chance d'avoir pu profiter de ces rares fenêtres d'observations, chez moi le ciel est couvert depuis que je suis en vacances, pas la moindre occasion pour observer. La dernière fois que j'ai eu la possibilité de le faire, c'était dans la nuit du 14 au 15 novembre.

ça fait plaisir de lire ton Croa, ça motive pour les prochaines nuits qui seront peut-être plus favorables...

J'ai hâte de retrouver les cibles célestes hivernales que je vois régulièrement avec mon télescope de 203mm, et je voudrais faire un tour dans les constellations de Céphée, Cassiopée et Persée, que j'avais délaissées l'hiver dernier...mais pour ça il faudrait que le ciel se dégage...et là, c'est pas gagné...!

En tout cas, merci à toi pour ton partage et pour ce Croa:cool: !

Bonnes observations au 300mm !

Et bonnes fêtes de fin d'année (en espérant toujours une éclaircie:rolleyes: !)!

A plus;) !

Philippe.