Le champ du Cygne

Amis du soir, bonsoir !

Après une disette astro (déplacements, boulot, gnagnagnaaaaa...) dont la longueur n’a fait qu’augmenter ma frustration et mon envie de me casser dans un trou paumé et noir élever des chèvres, j’ai eu l’occasion ce week-end de re-découvrir du ciel d’été en compagnie d’amis qui n’ont jamais mis l’œil dans un oculaire. Une petite séance découverte, l’occasion d’une balade interstellaire pour se remettre dans le bain (ça tombe bien, c’est l’été).

Je me retrouve donc avec mon ami dans une petite ferme équestre du Var, assez isolée et éloignée des lumières urbaines qui nous parasitent notre plaisir, à nous, explorateurs du ciel... Et d’après les dires, « y a un ciel pas mal, faut que tu viennes nous montrer les étoiles avec ta lunette »... ils voulaient parler de mon Newton 150 (dit « le Gros »).

L’endroit est charmant, c’est presque la campagne.

Je profite qu’il fasse encore jour pour dégoter le meilleur emplacement dans le grand terrain qui cercle la maison. Jupiter me nargue déjà au Sud-Est.

Je retrouve le plaisir de saisir mon matériel entre mes mains, et le regret de ne pas avoir 12 bras pour ne faire qu’un voyage... mais à plusieurs, tout le matos (le trépied, le tube, la mallette n°1 avec monture, la mallette n°2 avec oculaires/chercheur/bouquin/laser vert/cartes du ciel/picastro/câbles, et la batterie), est vite rassemblé à l’emplacement choisi.

Après une mise en station rapide, et même si la nuit n’est pas encore tout à fait là, j’embrasse mon tube pour le caler sur Jupiter (pas de Juju ni de Jupi, ça ne me plait pas et j’ai peur qu’elle prenne mal ces familiarités... c’est quand même la plus grande de notre système !). Je la cale au 25 mm, puis au 14 mm... et notre amie boude.... pourtant, lorsqu’elle se lève les soirs devant ma fenêtre, au dessus des toits où l’on y voit comme en plein jour, je la salue... mais dernièrement je n’ai pas trop eu le temps de m’approcher d’elle... elle m’a peut être oubliée...

On aperçoit ainsi difficilement les deux bandes rouges parallèles au milieu du globe lumineux. La planète fait sa timide... et se cache derrière une turbulence qui fait virevolter son disque blanc pââââle.... arggg... on va attendre qu’elle se lève un peu, mais je n’ai pas trop d’espoir... je rejoins la table et le repas.

La nuit tombée, je sors pour juger de la qualité du ciel .... pas mal, surtout vers le Nord et l’Est. Les étoiles pétillent, la Voie Lactée se dessine majestueusement. Elle étire sa longue traînée laiteuse puis plonge au Sud... vers un horizon orangé ... Ce n’est pas le Luberon, les Causses ou l’Auvergne, mais ça se défend !

Le petit groupe me rejoint près du télescope.

« La vache, mais c’est qu’il est super gros ton engin ! » (et bien ! Au pied du 625 mm de Catluc, ils tomberaient par terre !!)

«Tu peux voir les cratères sur la Lune avec ça ? » (ça, je savais qu’ils me demanderaient la Lune... évidemment elle n’est pas là... c’est pourtant le plus plaisant à observer, pour les novices).

J’entame par une petite reconnaissance rapide du ciel avec les constellations d’été... ils sont enchantés par le Triangle de l’été et la constellation du Cygne.

Et là c’est le drame.... je souhaite leur montrer les constellations du côté Sud-Ouest.... j’aperçois alors une des plus impensables profanations du ciel nocturne qu’il puisse exister : deux odieux faisceaux de projecteurs de discothèques sont braqués vers le ciel et balaient Hercule, le Bouvier, la Couronne Boréale et leurs compagnons... vous me direz, ce côté-là est celui où la pollution lumineuse est présente à l’horizon.... oui mais ces horreurs nous agressent quasiment jusqu’au zénith là ! Je les en remercie en pestant allègrement et leur dit poliment d’aller se faire voir, bande d’enfoirés...

Comment expliquer que dans la zone du Sagittaire, on regarde vers le centre de notre galaxie, zone très dense en étoiles, alors qu’on n’y voit rien que du orange ?

Mais le plus dur à faire comprendre, c’est notre position dans la galaxie et le fait que la Voie Lactée de notre ciel corresponde à notre galaxie vue par la tranche... j’ai fini avec une assiette dans les mains... Ça a marché.

La troupe n’en peut plus d’attendre, car ils savent que mon scope et son moteur poursuivent la course de Jupiter, je leur propose alors de mettre l’œil dans l’oculaire....ici.

- Non, ça c’est le chercheur, Nico... Non, n’allume pas la lampe frontale parce que tu le voit pas !!!!

Ouf, ils sont tout bonnement émerveillés par cette Jupiter pâlote ! Tant mieux ! Je dirige leur observation en leur demandant ce qu’ils voient sur le globe, et autour... Oui, des bandes rouges (ils ont eu du mal à les voir, c’était pas facile avec la turbu), et des étoiles autour de la planète... les satellites.

« ... sans déc’? Eeeeh mais quand on regarde un point à côté, ça fait comme un anneau.... non ? Ou alors c’est un phénomène optique ? »

« ?? Je sais pas ce que t’as fumé, ya pas d’anneau autour de Jupiter !! »

....... Vous battez pas, ça doit être quand il a fait la mise au point. Et puis il y a des anneaux autour de Jupiter, mais s’il les voit avec mon scope, c’est qu’effectivement il a pris des substances illicites !

Cap sur Albiréo... un des premiers objets que j’ai vu dans un instrument... ils sont contents, c’est l’œil du Cygne, et du côté opposé aux lueurs barbares. Du côté « noir ».

« Ouaiiiiis !!! entre Véga et Alta-truc !! » (... eeeh mais c’est qu’ils m’ont écoutée en plus!!! )

Paf ! Voila la double... Je chausse le 14 mm.... et là mes amis... le temps s’est arrêté et c’est comme si Albireo m’apparaissait pour la première fois, moi qui l’ai observée à chaque sortie où elle était visible, qui l’ai vue se coucher derrière les collines... Quel champ ! Quel piqué ! J’ai senti mon œil gauche s’ouvrir pour capter toute la beauté de ce champ stellaire qui m’a aspiré vers l’infini... Non. J’ai plutôt eu une impression de chute, un plongeon vers Albireo, vers les yeux vairons du Cygne, bleu et orangé. J’ai respiré profondément et j’ai plongé.

Je reviens de là-haut et m’arrache de l’oculaire, car des paires d’yeux attendent avec impatience de voir, eux aussi.

Albiréo les intrigue... le fait que cette étoile, seule à l’œil nu, soit en fait un système de deux corps, avec ces couleurs différentes, les surprend.

« On peut zoomer ?? » (bande de mécréants...c’est tellement beau comme ça !)

- On peut mettre le 10 mm ou le 5.7 mm, mais la mise au point sera plus délicate et les étoiles seront toujours ponctuelles.... (et puis le champ ce sera pas pareeeeeil !) allez je vous montre...

« Aaaah là elle plus prêt, Albiréo !!» (mais elle étouffe, tu le sens pas..... ?)

Tout le monde a vu ? J’en profite pour remettre le 14 mm et m’éclater la rétine

Je n’ose pas virer de bord sur M27 ou M57, je redoute leur désintéressement. Je monte vers Cassiopée puis dévie vers le Double Amas de Persée. Je leur situe l’endroit dans le ciel, leur précisant qu’il est visible à l’œil nu. Bien entendu, ils ne voient rien... je leur indique la technique de la vision décalée... mais ils ne savent pas se servir de leurs bâtonnets. Au télescope, les amas ne les raviront pas plus que ça. Ils sont pourtant superbes ! Peut être trop ouverts, pas assez évidents et étonnants alors ?

Entre chaque observation, les étoiles filantes déclenchent des « ooooh... ! » et des « aaaaaahh... ! » et je ne sais combien de vœux ont été secrètement émis ce soir-là.

Mon ami aimerait voir M13... oserai-je ? Je dirige le tube du côté maudit du ciel... je dois alors pointer Hercule tout en évitant les épais faisceaux lumineux (mais qu’est ce qu’ils cherchent ? Ils n’ont pas compris qu’à force d’éclairer les étoiles, ils les éteignent ? Je me dis que dès que j’ai fini de déménager, je m’occupe de mon adhésion à l’ANPCEN )...

Notre amas n’est malheureusement pas au sommet de sa forme avec toute cette agitation céleste. Mais force est de constater que son statut d’amas globulaire lui permet d’être mieux perçu par un œil non averti. Les amis entraînent leurs bâtonnets avec la vision décalée. Et M13 plaît, surtout quand on souligne qu’il contient plusieurs centaines de milliers d’étoiles. On se sent petit.

Je propose de retourner sur Jupiter, pour voir. Mon chéri la pointe et la centre avec la télécommande : il se régale... bzzzz, bzzzz, bzzz... bon ça va, elle est centrée et recentrée là, c’est pas la Playstation!

00h30, il commence à se faire tard (pour eux, moi j’suis lancée là...)... une bonne infusion les attends ... Moi j’en profite pour me retourner vers la Lyre... je veux renouer avec la Nébuleuse Annulaire M57. Pan, dans le mille. Ça me rassure, parce que si j’arrive plus à trouver M57, c’est que je suis vraiment une bouse.

Une partie de la troupe m’a rejoint. Je m’en apercevrai après, ils ont bu leur tisane dans le noir pour ne pas me déranger.

Je leur décris alors ce que j’ai dans mon oculaire, tout en indiquant dans le ciel la position de l’objet et leur précisant qu’il va falloir jouer des bâtonnets. Je sais pertinemment que ça va pas être simple de les sensibiliser aux « taches floues qu’on voit presque pas».... C’est pourtant tellement fascinant !

Pendant qu’ils jettent tous un œil, je leur explique ce qu’ils observent : une étoile en fin de vie qui a éjecté son enveloppe externe. Ils voient bien une tache, mais l’anneau ne leur apparaît pas comme une évidence. Tant pis.

Ils retournent à l’intérieur, et apparemment il reste du gâteau au chocolat et à la noix de coco... ( !!??)... ok j’arrive

Je pointe rapidement M27, pour m’assurer que je n’ai pas oublié. C’est le silence, il n’y a que la brise tiède qui me caresse le cou. Il fait bon. Je rentre à l’intérieur, même si dehors il ne fait pas froid.

J’ai soudain envie du ciel d’hiver, de gants et de chaussures de montagne. J’ai envie d’avoir froid, dans une nuit claire, et en même temps d’un noir si noir, que je devrai chausser mon 14 mm à tâtons, mes pupilles dilatées au maximum.

J’ai envie d’être heureuse de me les geler, heureuse de tâtonner d’étoile en étoile, jusqu’à la cible tant désirée, jusqu’à ces beautés insoupçonnées, ces spectacles que nous ne domineront jamais et qui nous remettent à notre place de tout petits. Moi ça me fait relativiser la vie. Nous ne sommes qu’un battement de paupière dans l’histoire de l’Univers. Un frisson... j’ai presque froid.

A l’heure de ranger le matos, les faisceaux illuminent toujours le ciel au Sud-Est. Leurs boites de nuit avec leur tectonik’ et leurs chansons de déjantés...

Moi je préfère le champ du Cygne. Surprenant, intense et doux à la fois. Inoubliable.

Spéciale dédicace à Gégé et Zozo, parce que l’Antarès 14 mm est un cadeau, au sens propre comme au sens figuré. Et parce que ton trépied, Gégé, chaque fois que je le regarde, je pense aux mains qui l’ont façonné pour moi, il est unique.

Et merci aussi Gibus, parce que c’est ton picastro, tes moteurs et tes câbles, parce que sans toi je serai encore en train de galérer avec mes molettes et mon tube, et parce que je sais que pour les cours d’astrophoto, je pourrai compter sur toi. Et vive les tâches floues !

Et à tous, parce que j’oublie pas tout ce qu’il me reste à apprendre de vous.

:wub::wub:coucou ma Petite Papillon! ah mais quel bonheur.....quel bonheur de te relire!......

Tu sais quoi? tu nous as manqué.....et on se demandait si tu n'étais pas finalement partie rejoindre une autre galaxie, avec moins de discothèque et de techtonic...

Aaaaaaah.......alors, il te plaît ce 14? j'en suis bien heureuse tu sais. Et c'est un vrai cadeau de te lire et de savoir ce que tu en penses, et surtout, qu'il te convienne vraiment....

Je suis bien contente que tu aies pu renouer contact avec le ciel, le temps d'une douce nuitée.... c'est vrai qu'après s'être plongée dans le vâââste univers, on se sent tellement si petit, si petit....

Au plaisir de te relire une prochaine fois et peut-être un jour, se rencontrer enfin, qui sait?

Bons cieux, Petit Papillon des Etoiles!

Pichou

Eh bien tu vois, cette phrase:

....il n’y a que la brise tiède qui me caresse le cou. Il fait bon. Je rentre à l’intérieur, même si dehors il ne fait pas froid.

 

J’ai soudain envie du ciel d’hiver, de gants et de chaussures de montagne. J’ai envie d’avoir froid, dans une nuit claire, et en même temps d’un noir si noir, que je devrai chausser mon 14 mm à tâtons, mes pupilles dilatées au maximum.

J’ai envie d’être heureuse de me les geler, heureuse de tâtonner d’étoile en étoile, jusqu’à la cible tant désirée, jusqu’à ces beautés insoupçonnées, ces spectacles que nous ne domineront jamais et qui nous remettent à notre place de tout petits. Moi ça me fait relativiser la vie. Nous ne sommes qu’un battement de paupière dans l’histoire de l’Univers. Un frisson... j’ai presque froid.

...ce basculement brutal de la légèreté à l'aveu de l'émotion profondément ressentie, ce basculement si soudain, que l'on n'attendait pas et qui nous saisit, les mots qui tout à coup s'enchaînent et s'emboîtent, tout ça, il n'y a que toi qui sait le faire!

C'est dire si tu m'as manqué, si tu nous a manqué! Ne pars plus, reste avec nous, petit Papillon.....

Et un grand merci pour ce récit, comment disais tu, déjà? Ah oui: chui grande!

PS: Heu.... pour adhérer à l'ANPCEN, clique dans ma signature....

un peu moins de finesse : suis sur le cul, mais tendrement

Merci Pap'

l'été c'est bien aussi à mater les étoiles en espadrilles / T shirt non?

Et bien, il était temps que tu reviennes parmi nous

Re bienvenue et quel plaisir de te relire enfin.

Ah enfin ...! J'me demandais si tu en faisais encore .. Joli retour.

Dis donc, un 150, l'antares de 14 mm ... Tu as de quoi bien t'amuser... J'ai le même matériel.

Au plaisir de te lire encore, souvent.

Merci, heureuse d'être de retour parmi vous

A la fin du mois je pars 2 semaines en Corse, et j'emmène mon matos... Et autant vous dire que je vais me péter les noeil... le village de mon grand-père est dans la zone grisée sur la carte de pollution lumineuse !!!!

Les CROA vont fleurir !!

ça fait plaisir de te relire enfin pap'

Très beau CROA tout en douceur comme d'hab!

C'est gentil Céd

Quand c'est qu'on lit un CROA de toi?

Et oui un papillon ça voyage par tous les temps sur terre et dans le ciel.

Quand c'est qu'on lit un CROA de toi?

Ben écoute j'ai failli en faire un hier soir suite à une obs de jupi démentielle, mais j'ai rien fais, manque d'inspiration ou de volonté... ou peut être la fatigue:confused:

Mais des que je refais une vrai obs, j'en fais un

Ah, j'en ai du retard dans la lecture des CROAs, mais quel plaisir de découvrir dans les récits de l'été, ce champ du Cygne.

A la fin du mois je pars 2 semaines en Corse, et j'emmène mon matos... Et autant vous dire que je vais me péter les noeil... le village de mon grand-père est dans la zone grisée sur la carte de pollution lumineuse !!!!

 

Les CROA vont fleurir !!

 

 

Pffff......

Bonnes vacances, Pichou! Tu seras la seule au soleil, je crois!

J’ai soudain envie du ciel d’hiver, de gants et de chaussures de montagne. J’ai envie d’avoir froid, dans une nuit claire, et en même temps d’un noir si noir, que je devrai chausser mon 14 mm à tâtons, mes pupilles dilatées au maximum.

J’ai envie d’être heureuse de me les geler, heureuse de tâtonner d’étoile en étoile, jusqu’à la cible tant désirée, jusqu’à ces beautés insoupçonnées, ces spectacles que nous ne domineront jamais et qui nous remettent à notre place de tout petits. Moi ça me fait relativiser la vie. Nous ne sommes qu’un battement de paupière dans l’histoire de l’Univers. Un frisson... j’ai presque froid.

NO COMMENT !

Merci, j'en ai la chaire de poule à te lire

Merci à tous de m'avoir lu

Eeeh Chonchon, je suis pas encore en Corse, je pars fin aout!! (juste un problème d'accès à internet depuis mon déménagement... )

Le papillon va voyager sur terre, dans le ciel, mais aussi en mer ! (Jeannot )

...ça approche... le tuyau est impatient, et moi (nous) aussi !

J'avais juste envie de faire remonter ce très, très beau CROA.

Merci Gégé d'avoir remonté ce superbe CROA que vu mon ancienneté sur ce forum je ne connaissais pas.

Quelle jolie dédicace de Papillon qui sent bon l'amitié sincère entre astropotes.