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The philosophical writings of Niels Bohr, Volume I


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The philosophical writings of Niels Bohr, Volume I : Atomic theory and the description of nature.

 

 

 

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Les écrits philosophiques de Niels Bohr, volume 1 : Théorie atomique et description de la nature.

 

 

Présentation générale du troisième recueil bohrien (chronologiquement premier).

Après Physique atomique et connaissance humaine (le volume 2 des écrits philosophiques de Niels, en fait), et le volume 3, et dans un ordre peut-être discutable, voici le volume 1, qui regroupe quatre essais écrits entre 1925 et 1931... Comme pour le volume 3, on pourra regretter qu'il ne soit pas disponible dans une traduction française. Cela dit, le volume 2 (Physique atomique et connaissance humaine) est sans doute le plus important et intéressant, et celui-là est disponible en Folio, dans une bonne traduction de Roland Omnès (et Edmond Bauer), revue par Catherine Chevalley, et complétée par cette dernière d'une excellente présentation de l'oeuvre philosophique de Bohr, d'un appareil critique copieux, et d'un glossaire riche et détaillé, fort appréciable. :cool:

 

Cela dit, l'intérêt de ce premier volume est indiscutable, la période couverte correspondant à la genèse agitée de la MQ. Bohr conclut ainsi sa préface à la réédition de 1961: « Even if the old articles, which are here reprinted, thus contain utterances which now may be formulated in a more precise manner, acquaintance with the early discussions might, however, be helpful for a full appreciation of the new situation in natural philosophy with which the modern development of physics has confronted us. » (Même si les articles anciens qui sont réimprimés ici contiennent des énoncés qui pourraient maintenant être formulés de façon plus précise, la connaissance de ces discussions premières pourraient, toutefois, être une aide utile pour une compléte appréciation de la nouvelle situation en philosophie naturelle à laquelle le developpement moderne de la physqiue nous a confrontés.)

 

 

Le titre choisi pour ce recueil, évoquant la description de la nature, dénote la phase initiale dans laquelle on se trouve encore, dans les années 20, les recueils d'essais suivants mentionnant eux la connaissance humaine (Atomic physics and human knowledge / Physique atomique et connaissance humaine).

 

Le recueil est précédé d'une assez longue introduction de Bohr, datée de 1929, qui présente les 3 papiers qui ont été réunis pour publication dans le Year Book 1929 de l'Université de Copenhague, avec un addendum de 1931 présentant le quatrième article, écrit sur la base d'une conférence donnée en 1929 devant le Scandinavian Meeting of Natural Scientists.

 

Le premier essai, paru en Anglais dans Nature en 1925, Atomic theory and mechanics / Théorie atomique et mécanique, retrace l'histoire de ce qu'on voit parfois nommé « la première Mécanique Quantique », à partir de l'atome de Bohr (1913), jusqu'à l'introduction de la mécanique matricielle d'Heisenberg (1925), en passant par le principe de correspondance et la tentative BKS de « sauver » un peu de mécanique classique. Il est basé sur une conférence donnée la même année devant le Scandinavian Mathematical Congress a Copenhague.

 

Le second texte, paru en Anglais dans Nature en 1927, The quantum postulate and the recent development of atomic theory / Le postulat quantique et les récents développements de la théorie atomique, est basé sur les fameuses conférences de Côme, et Solvay (à Bruxelles), la même année, et peut être considéré comme le texte fondateur de l'interprétation de Copenhague, avec notamment et surtout l'introduction du concept de complémentarité. J'ai parlé de ce texte dans mon fil sur Copenhague.

 

Le troisième essai,, paru en Allemand en 1929 à l'occasion du 50ème anniversaire du Doctorat de Planck, The quantum of action and the description of nature / Le quantum d'action et la description de la nature, creuse les aspects épistémologiques avec la question de la distinction sujet/objet, avec pour la première fois des références comparatives ou illustratives hors du champ de la physique (psychologie, et vie). Dans ce texte, Bohr a renoncé au terme de complémentarité pour lui préférer réciprocité, qui lui semble alors plus apte à montrer le caractère de mutuelle exclusion des concepts classiques qu'implique la théorie quantique. Il reviendra à complémentarité ultérieurement, le mot réciprocité étant déjà utilisé dans des théories classiques avec un sens totalement différent.

 

Enfin, pour le quatrième texte, paru en Danois en 1929, The atomic theory and the fundamental principles underlying the description of nature / La théorie atomique et les principes fondamentaux à la base de la descrption de la nature, l'accent porte sur le fait que ce que nous ont appris les derniers développements de la physique sur le cadre limité de nos modes de perceptions habituels, peut contribuer à nous aider à mieux comprendre la position des organismes vivants dans notre représentation du monde (« our picture of the world »).

 

 

Introduction survey (pp 1 – 24)

 

Avant de donner une brève présentation de chacun des 4 essais, Bohr consacre quelques pages au lien entre les développements de la physique et la théorie de la connaissance. Ce qui le conduit, évoquant les évolutions vers l’électromagnétisme, la Relativité et les quanta, à mettre en évidence comment la conception mécaniciste a été progressivement mise en défaut.

 

On trouve d’ailleurs en page 3 une consideration en rapport avec le débat sur l’éther dans le fil sur la vitesse de la lumière : “However, the conception of a universal ether, which was so useful in the development of the electromagnetic theory, appeared in this theory as an absolute frame of reference for the space-time description. The unsatisfactory character of this conception, from a philosophical point of view, was strongly emphasized by the failure of all attempts to demonstrate the motion of the earth relative to this hypothetical universal ether. :refl:Toutefois, le concept d'un éther universel, qui a été utile dans le développement de la théorie électromagnétique, apparaissait dans cette théorie comme un cadre de référence absolu pour la description spatio-temporelle. Le caractère insatisfaisant de ce concept, d'un point de vue philosophique, fut fortement accentué par l'échec de toutes les tentatives de mettre en évidence le mouvement de la Terre relativement à cet hypothétique éther universel."

 

Sur les quanta, avec la renonciation à la causalité et la limitation de la distinction entre phénomène et observation que cette théorie a imposées, il est intéressant de voir comment ceci est analysé et présenté par Bohr, non comme une quelconque renonciation à comprendre, une capitulation de la science, mais bien au contraire comme une nécessaire modification de nos points de vue sur la nature, un élargissement de notre vision, et une compréhension plus fine et plus profonde au plan épistémologique. La série d’articles, suivant la chronologie serrée de ces années cruciales, est supposée bien rendre compte de l’élucidation graduelle des concepts, et par le fait, est une aide précieuse pour en comprendre toute la profondeur.

 

Les pages suivantes de l’introduction (7 à 24) sont consacrées aux notes, commentaires, et « guiding remarks » destinés à faciliter la lecture des essais qui suivent.

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Atomic theory and mechanics (1925).

 

Ce qu’il y a d’intéressant, avec les écrits de Bohr, c’est que l’on peut avoir l’impression d’entrer dans un petit texte de causerie, des considérations historiques et didactiques sur un sujet d’intérêt général, sans façons et sans complications particulières…Les textes sont assez courts, ou en tout cas de longueur très raisonnable (celui-ci fait 27 pages, le plus court du recueil est à 10 pages, le plus long – la conférence de Côme - 40 pages). L’entrée en matière ne paie généralement pas de mine…:cool:

 

Ici, cela commence par « L’analyse de l’équilibre et du mouvement des corps ne forme pas seulement les fondements de la physique, mais a aussi fourni au raisonnement mathématique un champ riche, qui a été excessivement fertile pour le développement de méthodes de mathématiques pures » (il parle devant des matheux).

 

La lecture est de prime abord aisée, agréable, mais en avançant, on prend conscience de la densité du texte, de la richesse, de la complexité et de la subtilité de ce qui est présenté sous l’aspect d’une simple rétrospective historique sur l’évolution récente de la physique. Du coup, il faut relire, et relire encore…La confusion semble s’installer. Sur certaines phrases, on n’est plus très sûr de savoir de qui et de quoi il parle…Le discours se fait sinueux…La facilité d’une discours peut-être trompeuse sur la compréhension. Ici, il faut s’arrêter, et bien réfléchir, revenir en arrière, puis continuer… :refl:

 

Partant des théories classiques en physique, et du rôle central des maths dans leur genèse et leur évolution, Bohr passe aux Relativités, puis chemine du postulat quantique de Planck, à l’hypothèse photonique d’Einstein, à son propre modèle d’atome, au principe de correspondance, à la théorie des oscillateurs virtuels (BKS, pour Bohr – Kramers – Slater), pour conclure avec la percée majeure que constitue la mécanique matricielle d’Heisenberg, Born et Jordan.

 

Le fil conducteur apparent est bien le rôle fondamental des mathématiques dans cette histoire brève et mouvementée de la « première MQ » qui devait aboutir à 1927, l’incroyable destruction de la représentation classique du monde. :ninja:

 

Mais le fil réel, sous-jacent, c’est la méthode, l’obstination à tenir le plus longtemps possible les représentations classiques, en faisant donner toute l’artillerie mathématique disponible ou découverte le long de la route, jusqu’à ce que l’image classique cède devant l’expérience, point par point, après avoir livré toute la connaissance qu’il était possible d’en tirer, connaissance tant physique que mathématique… Le « principe de correspondance » avait d’ailleurs pour objectif avoué de maintenir coute que coute la possibilité d’un « lien » quantique-classique (la réalité classique devenant une sorte d’approximation asymptotique de la réalité quantique) pour pouvoir avancer…

 

La partie 5 de l’essai (Insufficiency of mechanical pictures), aux pages 42 à 47, évoque sobrement l’ultime tentative pour préserver une image classique à l’explication des phénomènes spectroscopiques, la théorie BKS (1924), et son échec qui ouvre la voie à la seconde Mécanique Quantique, via Heisenberg et les matrices.

 

Bohr conclut la brève présentation (partie 6, The development of a rational quantum mechanics / Le développement d’une mécanique quantique rationnelle) des travaux d’Heisenberg du moment (1925), ainsi que l’essai, par cette considération : " It is to be hoped that a new era of mutual stimulation of mechanics and mathematics has commenced. To the physicists it will at first seem deplorable that in atomic problems we have apparently met with such a limitation of our usual means of visualization. This regret will, however, have to give way to thankfulness that mathematics in this field, too, presents us with the tools to prepare the way for further progress / Il est à espérer qu’une nouvelle ère de mutuelle stimulation entre mécanique et mathématiques ait débuté. Pour les physiciens, il semblera déplorable dans un premier temps que nous ayons apparemment rencontré dans les problèmes atomiques une telle limitation de nos capacités de visualisation. Toutefois, ce regret devra laisser la place à la gratitude que dans ce domaine, les mathématiques aussi nous offrent des outils qui préparent la voie pour des progrès futurs.

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The quantum postulate and the recent development of atomic theory

 

Papier publié par Nature en 1928 sur la base d’une conférence donnée à Côme pour le centenaire de la mort de Volta en septembre 1927, conférence reprise à Bruxelles un mois plus tard (Solvay), est le texte majeur à la fois du recueil ici présenté, et de cette période clé pour la physique moderne.

 

J’ai pu trouver sur la toile un lien vers une copie de cet article de Nature (sur le site de la revue, il est en accès payant) : Supplément Nature, 14 Avril 1928.

J’en avais donné un aperçu très général dans le fil sur l’interprétation de Copenhague, que je rappelle ici :

 

L’article « fondateur » de Bohr, n’est pas d’un abord très aisé, 40 pages riches et denses, et mériterait une analyse serrée et méticuleuse. Il aborde le quantum d'action, le formalisme matriciel et relations d'incertitude d’Heisenberg, le formalisme de Schrödinger, les états stationnaires de l'atome, et l’ébauche de la théorie quantique des champs de Dirac…

 

L’essentiel à retenir dans la démarche de Bohr, c‘est l’ambition de conserver la capacité de décrire avec nos concepts classiques ce que nous pouvons apprendre de la réalité quantique, cet apprentissage se faisant par l’observation (ou mesure) de phénomènes (mis en évidence au moyen d’expériences), un phénomène observé n’étant, in fine, que la trace classique et irréversible d’événements mettant en jeu des objets quantiques.

 

Il ne s’agit en aucun cas de prétendre qu’en dehors des mesures, il n’y aurait pas de réalité physique objective du monde quantique, mais « simplement » de dire qu’on ne peut pas en parler, car nous n’avons pas de concepts quantiques dans nos cerveaux.

 

Et il ne s’agit pas non plus de dire que notre conscience et/ou notre action d’observateur influerait sur la réalité quantique, mais de constater qu’elle influe sur la façon dont nous en prenons connaissance, avec notre appareillage d’observation (que ce soit nos concepts ou nos appareils de mesures).

 

Voyons de plus près quelques points de cet article :

 

La notion de complémentarité y est introduite avec le problème posé par le quantum d'action sur le principe de causalité, rendu incompatible avec la représentation spatio-temporelle (« The very nature of the quantum theory forces us to regard the space-time co-ordination and the claim of causality, the union of which characterizes the classical theories, as complementary but exclusive features of the description, symbolizing the idealization of observation and definition respectively. » (p 54) du recueil Atomic theory and the description of nature, The philosophical writings of Niels Bohr, Volume 1).

 

Bohr développe ensuite ce concept en examinant successivement la « dualité » onde-particule, de la lumière, les impacts cinématiques du quantum d'action, la question des mesures en théorie quantique, la complémentarité des formalismes matriciels et ondulatoires (il précise et insiste sur la caractère formel de ces représentations, qui ne sont que des transcriptions symboliques des questions de mouvements et de localisation en mécanique classique, étendus au domaine quantique, seulement valables dans le cadre du postulat quantique) et termine en présentant les travaux de Dirac pour intégrer la relativité dans le formalisme quantique unifié à partir des représentations d'Heisenberg et Schrödinger.

 

Avec une conclusion qui est, bien entendu avec Bohr, une ouverture :

 

« I hope, however, that the idea of complementarity is suited to characterize the situation, which bears a deep-going analogy to the general difficulty in the formation of human ideas,, inhérent in the distinction between subject and object. »

 

Présentation plus détaillée :

 

Cet article d'une quarantaine de pages est divisé en 7 sections : 1 Quantum postulate and causality, 2 Quantum of action and kinematics, 3 Measurements in the quantum theory, 4 Correspondence principle and matrix theory, 5 Wave mechanics and the quantum postulate, 6 Reality of stationery states, 7 The problem of the elementary particles.

 

Ce qu’en dit Bohr lui-même dans l’introduction du recueil, aux pages 9 à 15 (“The main purpose of this article is to show that this feature of complementarity is essential for a consistent interpretation of the quantum-theoretical methods / L'objectif principal de cet article est de montrer que cette notion de complémentarité est essentielle pour une interprétation cohérente des méthodes quantiques théoriques.") peut nous permettre dans un premier temps de focaliser l'attention sur la section 1 et les remarques finales de la section 7, pour les considérations épistémologiques (" ...the main emphasis has been placed upon that purely epistemological attitude, which is particularly apparent in the first section and in the concluding remarks /... l'accent a été mis principalement sur cette attitude purement épistémologique, ce qui particulièrement visible dans la première section et dans les remarques de conclusion."), celles qui nous intéressent le plus ici.

 

1 Quantum postulate and causality (Postulat quantique et causalité)

 

Après une introduction prudente dont il est accoutumé, Bohr va introduire la complémentarité en examinant les conséquences du postulat quantique en termes de renonciation à une description à la fois spatio-temporelle, la localisation, et causale, la conservation de l'énergie-impulsion des processus atomiques. Et donc, soit dit en passant, pas du tout sur la prétendue dualité onde – corpuscule de la lumière.

 

Le propos doit être suivi, phrase par phrase. Le postulat quantique implique une interaction entre phénomène observé et dispositif d'observation. La notion de réalité indépendante s'évanouit. Le concept d'observation devient arbitraire, car il dépend de quels objets on inclut dans le système observé. Et la façon dont on interprète une observation d'un phénomène « quantique » devient une question de commodité (convenience) quant à la façon de positionner l'irrationalité du postulat quantique dans le dispositif...Ce qui amène Bohr à énoncer que la nature même de la théorie quantique nous force à considérer la co-ordination spatio-temporelle et la causalité comme des attributs complémentaires mais exclusifs de la description des phénomènes.

 

Les termes et la formulation sont très importants...Il n'est jamais question d'une réalité que nous observerions en en constatant l'étrangeté, mais de notre façon de décrire la chose, des limites de nos concepts et des particularités conceptuelles que nous devons mettre en oeuvre pour saisir (tant par définition que par observation) des comportements qui semblent contradictoires dans nos représentations usuelles.

 

L'exemple de la lumière est alors proposé. Nous avons un description (ondulatoire) qui rend bien compte de la propagation spatio-temporelle de la lumière. Et une expression adéquate des aspects liés à la conservation de l'énergie et de l'impulsion avec l'idée de quantum de lumière mise en avant par Einstein. Et ces deux vues expriment la complémentarité de notre façon de pouvoir nous représenter le phénomène lumière. "The two views of the nature of light are rather to be considered as different attempts at an interpretation of experimental evidence in which the limitation of the classical concepts is expressed in complementary ways / Les deux représentations de la nature de la lumière doivent plutôt être considérées comme des tentatives différentes d'interprétation de faits expérimentaux dans lesquels les limites des concepts classiques sont exprimées d'une façon complémentaire."

 

On est, on le voit, très loin de la fausse idée assez répandue que la complémentarité traduirait une supposée double nature de la lumière. :refl:

 

Bohr étend ensuite son propos à la matière, avec les preuves expérimentales à la fois sur l'aspect corpusculaire et sur l'aspect ondulatoire (il mentionne les idées originales de Broglie), précisant encore "here again we are not dealing with contradictory but with complementary pictures of the phenomena, which only together offer a natural generalization of the classical mode of description / ici encore, nous n'avons pas affaire à des images contradictoires, mais complémentaires des phénomènes qui, ensemble seulement, permettent une généralisation naturelle du mode de perception classique."

 

Il y a à ce point du texte, le rappel (qui me valut quelque critique de Dodgson sur un autre fil où je l'avais cité :cool:) que les ondes dans le vide et les particules matérielles ne sont que des abstractions, et que nous n'en savons sur eux que par le seul résultat de leurs interactions avec nos dispositifs d'observation.

 

Tout est à peu près dit dans cette première section de 5 pages, mais selon son habituelle démarche en spirale approfondissante, Bohr va peu à peu cerner et préciser cette complémentarité selon plusieurs aspects.

 

La section se termine avec la mention de la récente contribution d'Heisenberg (le principe d'indétermination, of course) qu'il décrit comme soulignant l'incertitude réciproque qui affecte les mesures en physique atomique...

 

Et, avant de revenir plus en détails sur ces résultats d'Heisenberg, un exemple sur des concepts élémentaires est annoncé avec la section 2, Quantum of action and kinematics.

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Dans la section suivante, 2 Quantum of action and kinematics (cinématique, qui s’intéresse aux mouvements sans considération des forces et de l’énergie, par opposition à dynamique), Bohr commence par mettre en avant le contraste fondamental entre le quantum d’action et les concepts classiques avec les formules de base du postulat quantique,

 

E*Tau = I*Lambda = h (E = énergie, I= impulsion, Tau = période et Lambda = longueur d’onde),

 

qui lient les grandeurs corpusculaires (E et I) aux grandeurs ondulatoires (Tau et Lambda), sous l’arbitrage de la constante de Planck, h.

 

Raisonnant sur les aspects ondulatoires (De Broglie), il fait ensuite apparaitre un caractère complémentaire dans la description de la cinématique des particules, l’utilisation des groupes d’onde (wave groups) impliquant une indétermination sur les périodes et les longueurs d’onde…et ipso facto, sur l’énergie et l’impulsion. (Note perso : Il apparait clairement sur cet exemple que la complémentarité n’est pas forcément « binaire », mais peut se traduire par des grandeurs mutuellement exclusives de façon progressive, en quelque sorte, comme les relations d’indétermination d’Heisenberg le montrent.)

 

Par la formule initiale, on peut passer des indéterminations sur Tau et Lambda à celles sur les grandeurs liées aux aspects corpusculaires (énergie et impulsion) :

 

Delta t * Delta E = Delta x * Delta Ix = Delta y * Delta Iy = …= h

 

qui donnent la précision maximum atteignable pour définir l’énergie et l’impulsion d’une « particule » ("individuals associated with the wave field"). Bohr considère ces relations comme l’expression symbolique du caractère complémentaire de la description spatio-temporelle et de l’exigence de causalité ("the claims of causality"), expression qui permet de réconcilier les lois de conservation de l’énergie et la localisation ("space-time co-ordination") dans les observations.

 

La section 3, Measurements in the quantum theory, est consacrée au principe d’indétermination d’Heisenberg et à ses conséquences générales sur les mesures et le degré de connaissance que l’on peut acquérir sur un système. "The essence of this consideration is the inevitability of the quantum postulate in the estimation of the possibilities of measurement / Ce qui est, par essence, ici considéré, c'est le caractère incontournable du postulat quantique dans l'évaluation des possibilités de mesures."

 

Ce qui aboutit à une remise en cause de l’idée même d’observation, considérée comme appartenant au mode de description, « classique », causal et spatio-temporel.

 

Cette notion d’observation ne peut être utilisée de façon consistante en théorie quantique qu’au prix de l’introduction de l’indétermination heisenbergienne.

 

La section est ainsi conclue :

 

"Just this situation brings out most strikingly the complementary character of the description of atomic phenomena which appears as an inevitable consequence of the contrast between the quantum postulate and the distinction between object and agency of measurement, inherent in our very idea of observation / Cette seule situation met en évidence de façon frappante le caractère complémentaire de la description des phénomènes atomiques, qui apparait comme une conséquence inévitable du contraste entre le postulat quantique, et la distinction entre objet et dispositif de mesure inhérente à l'idée même d'observation.”

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4 Correspondence principle and matrix theory

 

Principe de correspondance et théorie matricielle

 

A ce point du développement de son argumentation, Bohr considère qu’il faut maintenant passer de ces considérations un peu générales à un examen plus précis des phénomènes d’interaction.“The situation implies, however, that the main stress has to be laid on the formulation of the laws governing the interaction between the objects which we symbolize by the abstractions of isolated particles and radiation / Cette situation implique, toutefois, que l'accent principal doit porter sur la formulation des lois qui gouvernent les interactions entre les objets que nous symbolisons par les abstractions de particules isolées et de rayonnement.

 

Examen qui, dans un premier temps, amène au principe de correspondance (connexion formelle avec les idées classiques « aux limites » où les discontinuités quantiques peuvent être négligées), énonçant qu’asymptotiquement, le phénomène décrit en prenant en compte le postulat quantique tend vers une description classique.

 

”Through this connection, it was possible to a large extent to interpret the regularities of spectra on the basis of our ideas about the structure of the atom / Par cette "connexion", il a été possible dans une large mesure d'interpréter les régularités des spectres sur la base de nos idées sur la structure de l'atome."

 

Le principe de correspondance a pour but de pouvoir considérer la théorie quantique comme une généralisation rationnelle des théories classiques.

 

L’étape suivante est « l’émancipation » par Heisenberg des vues classiques (le concept classique de mouvement), avec l’introduction des matrices directement liées aux processus quantiques individuels, en lieu et place des grandeurs mécaniques et cinématiques habituelles. Une attaque qualifiée d’ingénieuse du problème de la dynamique (ie les énergies) en théorie quantique.

 

Born, Jordan et Dirac ont donné de cette théorie matricielle une formulation générale et consistante. De là, Heisenberg aboutit à une formulation très générale d’indétermination:

 

Delta q * Delta p <-> h

 

(“The general expression for the maximum accuracy with which two canonically conjugated variables can simultaneously be observed / L'expression générale de la précision maximum avec laquelle deux variables canoniques peuvent être simultanèment mesurées.")

 

Nous sommes, chronologiquement, revenus au point où nous étions parvenus dans la section 3, avec les relations d’indétermination. Bohr ne progresse jamais de façon linéaire. :be:

 

“In connection with the complementary nature of the quantum theoretical description, we must, as already mentioned, constantly keep the possibilities of definition as well as of observation before the mind / En relation avec la nature complémentaire de la description quantique théorique, nous devons, comme déjà mentionné, avoir constamment en tête les possibilités de définition et celles d'observation."

 

La spirale continue, avec l’annonce par Bohr, dans la section suivante, de l’examen de la mécanique ondulatoire développée par Schrödinger, et de sa relation avec la formulation générale des lois quantiques par le biais de la théorie matricielle.

 

 

5 Wave mechanics and the quantum postulate

 

Où il est montré que l’approche ondulatoire de Schrödinger et l’approche matricielle d’Heisenberg sont complémentaires de la description des phénomènes atomiques (collisions, rayonnement,…)…et, plus généralement, apparait la complémentarité cinématique-dynamique…

 

Après avoir présenté les avancées de l’approche de Schrödinger, complétée de la contribution décisive de Born sur l’interprétation statistique des fonctions d’onde, Bohr fait état de l’’espoir de Schrödinger de parvenir à une description classique avec la fonction d’onde. Mais ça ne marche pas. Ce formalisme, ainsi que celui d’Heisenberg, ne peut être interprété qu’avec le postulat du quantum d’action.

 

Là encore, les deux formulations de l’interaction (ondes et matrices) doivent être vues comme complémentaires.

 

“So far, in the wave equation, time and space as well as energy and momentum are utilized in a purely formal way / A ce stade, dans l'équation d'onde, le temps et l'espace, aussi bien que l'énergie et l'impulsion, sont utilisés de façon purement formelle."

 

Bohr insiste sur le caractère symbolique de la méthode de Schrödinger, mettant en avant notamment le nombre de dimensions de l’espace dans lequel les ondes sont déployées, correspondant aux degrés de liberté du système, et donc « généralement » supérieur au nombre de dimensions de notre espace ordinaire. :refl:

 

De façon plus générale, la nature abstraite et symbolique des concepts (atomes, rayonnement,…), sur laquelle reposent notre vision spatio-temporelle des phénomènes atomiques et les définitions des grandeurs telles que l’énergie et l’impulsion, est à nouveau soulignée.“In judging the applications of these auxiliary ideas we should only demand inner consistency, in which connection special regard has to be paid to the possibilities of definition and observation / En évaluant les applications de ces idées auxiliaires, nous devons seulement exiger la cohérence interne, et dans cette optique, une attention spécifique doit être portée sur les possibilités de définition et d'observation."

 

Illustration de la complémentarité à nouveau, les travaux de Jordan et Klein (1927) ont permis une formulation du problème de l’interaction à partir de la représentation de Schrödinger, mais en appliquant une méthode symbolique développée par Dirac sur la base de la représentation matricielle d’Heisenberg.

 

Ce qui conclut la section, en annonçant un retour sur les matrices à la section suivante, Reality of stationery states / Réalité des états stationnaires.

Modifié par Jeff Hawke
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6 Reality of stationery states

 

La conception des états stationnaires est une application caractéristique du postulat quantique, par la renonciation qu’elle implique en terme de description temporelle pour permettre une définition « non ambigüe » de l’énergie de l’atome.

 

Mais de fait, elle rendait difficile le traitement des problèmes de collision et de rayonnement, posant notamment des difficultés pour le respect de principe de conservation de l’énergie. Difficultés par ailleurs inexistantes avec la représentation ondulatoire. Là encore, les paradoxes apparents sont levés par le formalisme quantique (celui d’Heisenberg, matriciel) découplant du temps la description des phénomènes de collision et de rayonnement, et par les relations d’indétermination qui lient les valeurs de durée et celles d’énergie.

 

Traitement quantique du problème du rayonnement par Heisenberg, puis par Klein en se basant sur l’approche de Schrödinger, et avec le formalisme plus rigoureux développé par Dirac, qui inclut le champ dans le système clos étudié.

 

Ce traitement impliquant une renonciation aux représentations spatio-temporelles fournit une nouvelle indication forte (striking) du caractère complémentaire de la théorie quantique.

 

Ces différentes approches du traitement quantique du rayonnement montrent que, sans invalider celui-ci, le principe de correspondance ne signifie pas la perte de signification du postulat du quantum pour les nombres quantiques élevés.

 

Schrödinger pensait voir une possibilité, espérée, de construire une pure théorie ondulatoire, sans discontinuités, mais, comme déjà mentionné plus haut – Bohr ne recule jamais devant les multiples répétitions, manifestations sinueuses de son obstination à comprendre et à faire comprendre :be: - ça ne marche pas.

 

“Summarizing, it might be said that the concepts of stationary state and individual transition processes within their proper field of application possess just as much or as little ‘reality’ as the very idea of individual particles. In both cases we are concerned with a demand of causality complementary to the space-time description, the adequate application of which is limited only by the restricted possibilities of definition and of observation / Pour résumer, on pourrait dire que les concepts d'état stationnaire et de processus individuel de transition, dans leur propre domaine d'application, possèdent à peu près autant ou aussi peu de "réalité" que l'idée même de particules individuelles. Dans les deux cas nous avons affaire à une exigence de causalité complémentaire à la description spatio-temporelle, dont l'application adéquate est seulement limitée par les possibilités restreintes de définition et d'observation."

 

 

7 The problem of the elementary particles

 

Dans cette section, Bohr se concentre sur l’électron. On peut construire une théorie atomique consistante qui peut être considérée comme une généralisation rationnelle de la physique classique, mais cela ne veut pas dire que cette vision classique serait le cas limite d’un quantum d’action qui s’estomperait ("the limiting case of a vanishing quantum of action"). Bien au contraire, les difficultés subsistent pour rendre compte des électrons en tant qu’éléments individuels selon les principes généraux de la mécanique et de l’électrodynamique. Pour résoudre cela, il faudrait une théorie générale des champs intégrant le quantum d’action, une théorie quantique des champs, en fait… ;)

 

Il mentionne à ce stade, la tentative par Klein d’utiliser la représentation de l’électromagnétisme et de la gravitation, proposée par Kaluza, et basée sur des matrices à 5 dimensions. (Note perso : Tentative sans suite à l’époque, il me semble. Mais il est intéressant de remarquer que cette représentation de Kaluza-Klein avait été remise au gour du jour plus récemment, ayant été un des points de départ de la théorie des cordes. L’histoire des sciences, comme l’Histoire tout court, bégaie et progresse par à-coups.)

 

Après cette mention de ces "unsolved deep-going problems", Bohr revient à des considérations plus proches du niveau de compréhension de 1927/28, avec le moment magnétique de l’électron, idée proposée par Compton, et qui a permis des avancées dans la description quantique, toujours avec le principe de correspondance, de phénomènes spectroscopiques. Et conduit également à l’hypothèse d’un moment magnétique pour le proton.

 

Restent certaines insuffisances importantes de la théorie, comme d’une part l’absence d’explication des différences de comportement entre les particules élémentaires électriques (nous dirions, les électrons) et les "individuals" symbolisés par les quanta de lumière (les photons, quoi !), différences mises en évidence par le principe d’exclusion de Pauli, et d’autre part, et surtout, la non pris en compte de la Relativité (restreinte).

 

Ici, Bohr mentionne l’attaque du problème du moment magnétique de l’électron, prenant en compte les contraintes de la Relativité, par Dirac.

 

Dirac, un papier de 1928, donc postérieur aux conférences Côme et Solvay (Bruxelles) de 1927. :refl: Ce point est donc ajouté au papier publié dans Nature. Bohr écrit et réécrit ses textes, produit de multiples versions en plusieurs langues (Anglais, Allemand, Danois),… C’est un des casse-têtes, pour les historiens des sciences, dont parle Catherine Chevalley dans sa présentation du volume 2 des écrits philosophiques.

 

On sait que l’approche alors proposée par Dirac (“In this attack not only the imaginary complex quantities appearing in the earlier procedures are involved, but his fundamental equations themselves contain quantities of a still higher degree of complexity, that are represented by matrices / Dans cette attaque, ce ne sont pas seulement les grandeurs complexes imaginaires apparues dans les premières procédures qui sont invoquées; ses équations fondamentales elles-mêmes contiennent des grandeurs d'un degré de complexité encore supérieur, qui sont représentées par des matrices.") est une première ébauche de la théorie quantique des champs, qui accouchera bien plus tard de la fameuse électrodynamique quantique, "… a renunciation as to visualisation in the ordinary sense going still further than in the formulation of the quantum laws considered here / ...un renoncement en matière de visualisation au sens usuel qui va encore plus loin que dans la formulation des lois quantiques considérées ici..."

 

Et ces 40 pages qui ébranlèrent la physique s’achèvent par une conclusion clairement orientée épistémologie ("I hope, however, that the idea of complementarity is suited to characterize the situation, which bears a deep-going analogy to the general difficulty in the formation of human ideas, inherent in the distinction between subject and object / J'espère, cependant, que l'idée de complémentarité est pertinente pour caractèriser la situation, qui supporte une analogie profonde avec la difficulté générale dans la formation des idées humaines, inhérente à la distinction entre sujet et objet."), une ouverture, un programme d’exploration, exploration encore à peine entamée en ce début de XXIème siècle. :cool:

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The quantum of action and the description of nature (1929)

 

Dans ce troisième essai, de Juin 1929 (publié dans un "jubilee pamphlet" en l'honneur de Planck), Bohr entre plus délibérément dans les considérations philosophiques au sujet de la théorie quantique.

 

Particulièrement intéressantes y sont les premières incursions des acquis épistémologiques dus à la physique dans d'autres domaines de connaissance, en particulier ici liés à la psychologie, la pensée, la conscience...Le papier est bref (10 pages), mais dense, comme toujours. :b:

 

Le récent cheminement quantique est exposé, les 30 ans depuis la découverte de Planck jusqu'à la formulation d'une mécanique quantique symbolique, dont la beauté et la consistance est comparée à la mécanique classique. Un but atteint au prix d'une renonciation (au mode de description causal spatio-temporel), et qui peut faire apparaître la MQ comme une déception (disappointment, en anglais c'est plus fort encore que déception).

 

Mais en fait, il s'agit plutôt d'une nouvelle perspective ("Thus, we meet here, in a new light, the problem of the objectivity of phenomena which has always attracted so much attention in philosophical discussion / Ainsi, nous rencontrons là, sous un jour nouveau, le problème de l'objectivité des phénomènes qui a toujours attiré tant d'attention dans les débats philosophiques.")

 

 

Reciprocity...

 

Dans ce papier, Bohr a proposé le terme de réciprocité, pour caractériser l'impossibilité de décrire simultanément les aspects spatio-temporels et ceux liés à la conservation de l'énergie et de l'impulsion (causalité). Il reviendra dans ses écrits ultérieurs à la complémentarité.

 

It lies in the nature of physical observation, nevertheless, that all experience must ultimately be expressed in terms of classical concepts, neglecting the quantum of action / C'est dans la nature même des observations en physique, que toute expérience puisse à la fin être exprimée en termes de concepts classiques, en négligeant le quantum d'action."

 

Faisant référence à son article de 1928 introduisant la complémentarité, et revenant sur l'impossibilité de séparer strictement le phénomène et le dispositif d'observation (et plus généralement les limites dans la formation de nos concepts, qui reposent sur la différentiation sujet/objet), Bohr sort du domaine de la physique pour approfondir le problème épistémologique, et aborde la psychologie, comme analogie.

 

Pour décrire notre activité mentale, l'impossibilité de séparer le sujet et l'objet nous force à adopter différents points de vue pour élucider complétement un fait psychologique. Cet état de chose, familier ici, serait totalement nouveau dans les sciences dites « exactes », où toute référence au sujet est évitée. L'exemple parfait étant les maths (" ... the mathematical symbolism which sets up for our contemplation an ideal of objectivity. /... le symbolisme mathématique qui établit pour nous un idéal d'objectivité à contempler.")

 

La Relativité a été une première et profonde révision de cet “idéal d'objectivité”, en révélant le caractère subjectif (je dois dire qu'ici, l'emploi de “subjectif” me parait un peu étrange, pour qualifier le lien entre la mesure des distances et des durées, et le référentiel d'où ces mesures sont effectuées. Mais à la réflexion, on voit bien l'idée que Bohr veut passer.) des concepts de la physique classique. Cette théorie reste néanmoins totalement dans l'idéal classique, en maintenant notamment la conception “rigide” de phénomènes objectifs face à l'observation. Ce qui n'est plus vrai de la théorie quantique.

 

Ici, Bohr fait une comparaison entre les deux théories, en notant que la réciprocité dans les mesures atomiques est analogue à la relativité dans la simultanéité des évènements (“In fact, in the question of the causality of atomic phenomena, the reciprocal character of the results of mesurments may no more be neglected than can their relativity in the question of simultaneity. / En fait, dans la question de la causalité des phénomènes atomiques, le caractère réciproque des résultats de mesures ne peut pas plus être négligé que la question de leur relativité dans la question de la simultanéité.").

 

Et retour à la psychologie : “In considering the resignation with regard to the desires for visualization which give our whole language its character, to which we are compelled by the situation discussed above, it is very instructive that already in simple psychological experiences we come upon fundamental features not only of the relativistic but also of the reciprocal view. / Considérant la résignation par rapport aux désirs de visualisation qui donnent à tout notre langage son caractère, à laquelle nous sommes astreints pas la situation discutée ci-dessus, il est très instructif que déjà, dans les expériences psychologiques simples, nous rencontrions des aspects fondamentaux non seulement relativistes, mais aussi sur les vues réciproques."

 

Par une série d'analogies (expérience de l'orientation dans le noir avec un baton tenu plus ou moins fermement, réciprocité de l'émotion et de la volition...- “we are thinking here of well-known characteristics of emotion and volition which are quite incapable of being represented by visualizable pictures / nous pensons ici aux caratéristiques bien connues de l'émotion et de la volition qu'il est tout à fait impossible de représenter avec des images que l'on pourrait visualiser...” - , contraste (apparent) entre le flot continu de la pensée et le maintien de l'unité de la personnalité, de la conscience, analogue au contraste conceptuel entre onde et particule,...), Bohr propose une ouverture dans la façon d'envisager l'impact de ce que nous apprend la physique sur d'autres domaines, habituellement considérés comme un peu hors du champ scientifique “objectif”... :cool:

 

Le libre arbitre (“free will”) par exemple, est considéré dans ses rapports réciproques avec les chaines de causalité qui accompagnent inévitablement tout phénomène physiologique.

 

Cela dit, bien qu'il ne s'agisse ici que d'analogies plus ou moins adéquates (“more or less fitting analogies”), il semble clair que les faits révélés par la MQ sont susceptibles de nous ouvrir la voie vers l'élucidation de problèmes philosophiques généraux.

 

Avant de conclure en rendant hommage au créateur de la théorie quantique (Planck), Bohr s'excuse de s'être aventuré, comme physicien, dans une domaine étranger, et reformule son ambitieux propos.

 

"It has been my desire to emphasize as strongly as possible how profoundly the new knowledge has shaken the foundations underlying the building up of concepts, on which not only the classical description of physics rests but also all our ordinary mode of thinking / C'était mon souhait de souligner aussi fortement que possible la profondeur avec laquelle les nouvelles connaissances ont ébranlé les fondations sur lesquelles sont construits nos concepts, concepts sur lesquels reposent non seulement la description classique de la physique, mais aussi nos modes habituels de pensée."

Modifié par Jeff Hawke
Invité Scopy
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C'est un magnifique travail de résumé et de vulgarisation.

 

Malheureusement, personnellement, je ne suis pas assez équipée neuronalement parlant pour tout comprendre, mais merci beaucoup pour le partage :) !

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Merci Scopy pour ce commentaire (il semble donc qu'il y ait au moins un(e) lecteur/rice de ce fil :be:), bien que le terme de "travail" soit probablement inapproprié, et le qualificatif de "magnifique" assurément immérité. :)

 

Je ne sais pas si ces essais de présentation des écrits de Bohr aident à comprendre ce qui s'est joué dans le domaine de la physique, et sans doute au-delà, dans les années 20, ni si cela incite à aller les lire (*), mais en tout cas, les écrire m'aident moi à mieux comprendre (ce qui suffit pour dire que ce n'est pas un travail...:cool:).

 

 

 

 

(*) J'en profite pour mentionner à nouveau le volume 2 des écrits philosophiques, qui existe en français, en Folio.

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Merci Scopy pour ce commentaire (il semble donc qu'il y ait au moins un(e) lecteur/rice de ce fil :be:), bien que le terme de "travail" soit probablement inapproprié, et le qualificatif de "magnifique" assurément immérité. :)

 

Je ne sais pas si ces essais de présentation des écrits de Bohr aident à comprendre ce qui s'est joué dans le domaine de la physique, et sans doute au-delà, dans les années 20, ni si cela incite à aller les lire (*), mais en tout cas, les écrire m'aident moi à mieux comprendre (ce qui suffit pour dire que ce n'est pas un travail...:cool:).

 

 

 

 

(*) J'en profite pour mentionner à nouveau le volume 2 des écrits philosophiques, qui existe en français, en Folio.

 

Bonjour Jeff: en fait j'ai imprime ton fil et je le lis et relis avec interet a mon gre--je comprends que je devrais acheter ces livres.

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Moi aussi j'ai lu cette discussion. Enfin, le début, là j'ai quelques messages de retard... Mais c'est vrai qu'il faudrait le signaler, pour ne pas te décourager, d'autant que tout ça est passionnant !

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The atomic theory and the fundamental principles underlying the description of nature (1929)

 

La théorie atomique et les principes fondamentaux à la base de la description de la nature.

 

Ce dernier essai est issu d’une conférence donnée en Août 1929 devant des Natural Scientists à Copenhague. On peut trouver le texte intégral en anglais ici.

 

Bohr, à l’instar de certain personnage de l’Ouest Américain, raconte toujours la même histoire, mais généralement selon un point de vue différent à chaque fois. Fidèle à sa méthode, il tente l’exhaustivité sur un sujet en multipliant ces points de vue.

 

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Ici, il s’étend un peu plus sur son modèle d’atome (atome de Bohr, 1913), et donne un éclairage parfois un peu plus « chimique » qu’habituellement à la saga atomique. La renonciation, plusieurs fois évoquée dans les précédents essais, est devenue résignation, avant d’ouvrir la porte aux avancées de la connaissance. Les abstractions et les formalismes que sont les atomes, les ondes et leurs représentations mathématiques sont ici des expédients. Par ces glissements de vocabulaire, Bohr semble dramatiser la situation épistémologique, l’obscurcir, pour mieux montrer ensuite comment, au contraire, de nouveaux points de vue peuvent s’imposer.

 

Cette histoire bien connue est toujours intéressante à relire selon les différents éclairages qu’y apporte Bohr à chaque nouvel exposé. Un point déjà évoqué là, un peu confus, peut ici s’éclaircir, comme par exemple la notion de subjectivité de l’observation en Relativité évoquée dans l’essai précédent, précisée ici comme dépendant du mouvement de l’observateur ; ou bien, dans cet essai, les plus amples détails donnés à l’élaboration du modèle d’atome qui porte son nom.

 

J’ai divisé/balisé le texte en 5 parties d’inégale importance, marquant une progression de portée croissante, les deux premières et longues parties préparant soigneusement les incursions conceptuelles brèves et étonnantes des deux dernières, la courte évocation de la Relativité assurant la transition et servant d’appui à la trajectoire argumentative de Bohr.

 

Atomique

 

De la conception atomique de la matière jusqu’à la découverte de Planck ("the so-called quantum of action"). pp 102 - 108

 

Phrase clé : “Thus, in contrast with the demand of continuity which characterizes the customary description of nature, the indivisibility of the quantum of action requires an essential element of discontinuity in the description of atomic phenomena /Ainsi, par contraste avec l’exigence de continuité qui caractérise la description habituelle de la nature, l’indivisibilité du quantum d’action implique un élément essentiel de discontinuité dans la description des phénomènes atomiques.”

 

 

 

Quantique

 

De l’atome de Bohr ("a conscious resignation of our usual demands for visualization and causality”) jusqu’aux formalismes de Schrödinger et d’Heisenberg et aux relations d’indétermination. pp 108 - 115

 

Paragraphe clé : “The resignation as regards visualization and causality, to which we are thus forced in our description of atomic phenomena, might well be regarded as a frustration of the hopes which formed the starting-point of the atomic conceptions. Nevertheless, from the present standpoint of the atomic theory, we must consider this very renunciation as an essential advance in our understanding / La résignation en ce qui concerne la visualisation et la causalité, à laquelle nous sommes ainsi contraints dans notre description des phénomènes atomiques, pourrait aussi bien être considérée comme une frustration des espoirs qui formaient le point de départ des conceptions atomiques. Toutefois, au stade actuel de la théorie atomique, nous devons considérer cette renonciation même comme un progrès essentiel dans notre compréhension.

 

Luminique

 

Où est soulignée la signification importante de la théorie d’Einstein sur la Relativité pour notre émancipation de l’exigence de visualisation.

 

" We have learned from the theory of relativity that the expediency of the sharp separation of space and time, required by our senses, depends merely upon the fact that the velocities commonly occurring are small compared with the velocity of light / Nous avons appris de la théorie de la Relativité que la convention de la séparation nette entre espace et temps, requise par nos sens, dépend uniquement du fait que les vitesses courantes sont petites comparées à la vitesse de la lumière. "

 

En fait, de même que la Relativité nous a appris que la stricte séparation du temps et de l’espace n’est possible qu’en raison de c qui est très grand, la découverte de Planck nous a appris que notre exigence habituelle de causalité provient du fait que h est très petit.

 

Philosophique

 

Je cite cette partie, courte, mais lourde de sens, in extenso, et en propose une traduction (*) :

 

“Hoping that I do not expose myself to the misunderstanding that it is my intention to introduce a mysticism which is incompatible with the spirit of natural science, I may perhaps in this connection remind you of the peculiar parallelism between the renewed discussion of the validity of the principle of causality and the discussion of a free will which has persisted from earliest times. Just as the freedom of the will is an experiential category of our psychic life, causality may be considered as a mode of perception by which we reduce our sense impressions to order. At the same time, however, we are concerned in both cases with idealizations whose natural limitations are open to investigation and which depend, upon one another in the sense that the feeling of volition' and the demand for causality are equally indispensable elements in the relation between subject and object which forms the core of the problem of knowledge.”

 

En espérant ne pas m’exposer au malentendu qu’il serait mon intention d’introduire un élément de mysticisme incompatible avec l’esprit de la science, je peux peut-être à ce sujet vous rappeler le parallélisme particulier entre la discussion, remise au gout du jour, de la validité du principe de causalité et la discussion sur le libre arbitre qui perdure depuis longtemps. De même que la volonté libre est une catégorie de l’expérience de notre vie psychique, la causalité peut être considérée comme un mode de perception par lequel nous ordonnons nos impressions sensibles. Dans les deux cas, toutefois, nous avons affaire à des idéalisations dont les limitations naturelles sont ouvertes à l’investigation, et qui dépendent l’une de l’autre en ce sens que l’impression de volonté, et l’exigence de causalité, sont des éléments également indispensables dans la relation entre le sujet et l’objet, relation qui constitue le cœur du problème de la connaissance.

 

 

Donc ici, Bohr opère un spectaculaire transfert de cible de l’outil épistémologique de la complémentarité, dont l’histoire et le murissement ont été soigneusement exposés dans les premières parties de la conférence, et qu’il dirige maintenant vers notre propre fonctionnement psychique, mettant en évidence la nature complémentaire liée au vieux et éternel débat philosophique sur le libre arbitre et la causalité. L’exploration du monde atomique, en nous mettant en face de nos limites conceptuelles et intuitives, nous renvoie à nos interrogations essentielles sur ce que nous sommes et sur notre place dans le monde.

 

Biologique

 

L’air de rien, et vers la fin du papier (pp 117 – 119), Bohr opère une incursion du côté du vivant.

 

« Before I conclude, it would be natural, at such a joint meeting of natural scientists, to touch upon the question as to what light can be thrown upon the problems regarding living organisms by the latest development of our knowledge of atomic phenomena which I have here described. Even though it may not yet be possible to give an exhaustive answer to this question, we can perhaps already catch a glimpse of a certain connection between these problems and the ideas of the quantum theory / Avant ma conclusion, il serait naturel dans un tel rassemblement de “natural scientists” (biologistes?) d’effleurer la question sur l’éclairage qui peut être apporté par les derniers développements de nos connaissances sur les phénomènes atomiques que j’ai décrits, sur les problèmes concernant les organismes vivants. Même s’il n’est probablement pas encore possible d’apporter une réponse exhaustive à cette question, nous pouvons peut-être déjà avoir un aperçu de certaines connexions entre ces problèmes et les idées de la théorie quantique. »

 

Selon la constatation de l’utilisation par les organismes vivants des phénomènes quantiques (plus précisément, l’échelle quantique mise en oeuvre dans des phénomènes du vivant). Qui fait que nous devons nous préparer aux mêmes difficultés ou limites dans notre formulation des problèmes biologiques que celles que nous avons rencontrées en physique atomique

 

Les lignes qui suivent sont d’une extrême densité sur les idées avancées, et nécessiteraient une citation intégrale… Disons en deux mots qu’il est difficile d’imaginer que nous puissions un jour rendre compte du phénomène du vivant et élucider totalement la position des organismes vivants dans la nature, sans prendre en considération les conditions qui déterminent les limites du mode causal de description, limites mises mis en évidence avec les phénomènes atomiques.

 

Avec, pour finir, cette phrase fondamentale, qui résume la position radicalement anti-réductionniste sur la vie, de Bohr, “Besides the fact that consciousness, as we know it, is inseparably connected with life ought to prepare us for finding that the very problem of the distinction between the living and the dead escapes comprehension in the ordinary sense of the word / D’ailleurs, le fait que la conscience, telle que nous la connaissons, soit étroitement liée à la vie devrait nous préparer à découvrir que le problème même de la distinction entre le vivant et l’inerte échappe à la compréhension au sens usuel du terme.”

 

:cool:

 

 

 

 

 

(*) Je proposerai une traduction pour l’ensemble des citations en anglais de ce fil, une fois qu’il sera achevé.

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Modifié par Jeff Hawke
Posté

A la lecture initiale de ce recueil d'essais, et lorsque je l'ai repris pour écrire ce fil, je considérais surtout leur intérêt d'un point de vue historique, sur la façon dont la physique quantique avait évolué, ainsi que que sur les conceptions de Bohr, dans ces premières années décisives. Considérant que les textes majeurs étaient plutôt ceux des périodes suivantes, 32-57 et 58-62...J'avais aussi en tête que la compréhension d'une oeuvre complexe gagne si on en examine l'origine et les premières formulations, dans leur élaboration et aux conclusions non encore achevées...

 

La relecture attentive, voire même laborieuse :o, aux fins de compte-rendu, m'a fait découvrir que l'intérêt allait bien au-delà, et que les choix des ces 4 textes avait du être soigneusement pesés par Bohr, pour la progression de l'histoire, de l'exposé, de l'amplitude croissante sur la révision des concepts et l'élargissement de leur domaine de validité.

 

Du texte de 1925, où la Mécanique Classique est soumise aux coups de boutoirs des résultats expérimentaux sur les atomes (notamment en spectroscopie), où l'on voit céder une à une les représentations de continuité, de position, de trajectoire,...jusqu'à la simple capacité, en droit, de déterminer ce que l'on observe, on passe à la conférence de 1927, qui balaie radicalement le vieux monde en l'englobant dans une vision reconsidérant tout ce que l'on pensait avoir appris sur la nature posée devant nous, en nous y réinsérant comme acteurs.

 

Puis enfin, ce sont les deux textes de 1929 qui posent l'hypothèse de l'élargissement du champ de validité de ce nouveau et étrange regard, en le portant sur notre âme et sur le vivant.

 

Il y a là, en quelques années qui ébranlèrent la physique (selon le titre (*) d'un ouvrage fameux de Gamow), une esquisse programmatique d'une grande audace et d'une originalité de vue peu communes dans l'histoire de la pensée, qu'elle soit scientifique ou philosophique (mais si la science pense correctement, cette pensée devient, de facto, philosophique, sinon elle n'est que ruine de l'âme. Je me demande si la science d'aujourd'hui, dans sa majorité, pense encore vraiment... :ninja:).

 

 

 

 

(*) Titre lui-même pastiché d'un autre ouvrage non moins fameux, "10 jours qui ébranlèrent le monde", de John Reed, sur la Révolution d'Octobre.

Posté (modifié)

Coucou, c'est encore moi :be:

Dis donc, merci pour le boulot réalisé, quand trouves-tu le temps d'écrire tout ça :?:

 

A propos de Bohr et de la philosophie : j'ai lu qu'il avait intrigué sinon fasciné lors d'un voyage en Chine (dans les années 1930) par certains points communs qu'il trouvait a entre la MQ et le Tao (complémentarité, si on peut dire, le coté "holistique"-je n'aime pas ce mot:mad:).

Au point de faire figurer sur ses armoiries le symbole du yin-yang quand il fût anobli par le royaume du Danemark.

As-tu entendu parler de cette histoire ? Peut-être dans les volumes suivants ?

http://books.google.fr/books?id=wCFH1RWSknYC&pg=PA371&lpg=PA371&dq=niels+bohr+christian+godin&source=bl&ots=Y55oJQJ3t_&sig=d6Bn14hS8lrsAGq6BfeatzdCyYw&hl=fr&ei=EHkKTZDEOtSq8QOvgq0E&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBwQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false

 

Perso, je suis plutôt rebuté par le rapprochement d'une (quasi ?) religion et de la science pure (mais après tout c'est quelque chose qui lui était personnel). Cela me rappelle un bouquin que j'ai feuilleté qui s'appelle "le Tao de la physique", un truc un new-age des années 70 http://www.francelecture.net/article_10_tao_physique_francelecture_esoterisme_voyance_spiritualite.htm)

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Modifié par salviati
Posté
Au point de faire figurer sur ses armoiries le symbole du yin-yang quand il fût anobli par le royaume du Danemark.

As-tu entendu parler de cette histoire ?

 

Non, je ne savais pas...Ni qu'il avait été "anobli", d'ailleurs. (Il n'en est pas fait mention dans les 3 volumes de sa sélection d'écrits philosophiques)

 

Perso, je suis plutôt rebuté par le rapprochement d'une (quasi ?) religion et de la science pure

 

Attention, le tao n'est pas une religion, c'est une conception culturelle de la sagesse chinoise, une sorte de philosophie (encore que ce soit fort différent de notre tradition philosophique occidentale). Et la "complémentarité" n'est pas une caractéristique de ce que tu nommes la "science pure", c'est une conception épistémologique...Dans les deux cas, il s'agit de la façon dont fonctionne notre pensée, le rapprochement n'a donc rien d'incongru. :cool:

Posté
Non, je ne savais pas...Ni qu'il avait été "anobli", d'ailleurs. (Il n'en est pas fait mention dans les 3 volumes de sa sélection d'écrits philosophiques)

 

 

Attention, le tao n'est pas une religion, c'est une conception culturelle de la sagesse chinoise, une sorte de philosophie (encore que ce soit fort différent de notre tradition philosophique occidentale). Et la "complémentarité" n'est pas une caractéristique de ce que tu nommes la "science pure", c'est une conception épistémologique...Dans les deux cas, il s'agit de la façon dont fonctionne notre pensée, le rapprochement n'a donc rien d'incongru. :cool:

 

Trouvé à l'instant avec google (n'hésitez pas à l'utiliser !) :)

 

"In 1947 Bohr was awarded the Order of the Elephant from the Danish government. For a proud Dane like Bohr, this was a very big deal, and Bohr is the only person to be awarded it who was not royalty and/or a famous general. As part of the award, the winner's family coat of arms is carved into a sort of wall of fame. Bohr's family, though, did not have a coat of arms, so Bohr got to design one himself. The figure to the right is what he designed.

 

You will notice that he choose the ancient Chinese symbol for the Tao, the "Yin-Yang Symbol," for the centerpiece. He did not do this lightly. The inscription reads CONTRARI SUNT COMPLEMENTA or Opposites Are Complements. Thus he chose to represent his Principle of Complementarity as the centrepiece of his coat of arms."

 

Dans mes livres, j'ai juste retrouvé cette phrase lapidaire dans "Le Cantique des quantiques", de Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, chapitre 9 :

"Des savants, parmi les plus grands, ont été attirés par des visions "orientalistes" de monde. Lorsqu'il fut fait chevalier en 1947, Niels Bohr choisit pour son blason le symbole taoïste du Yin et du Yang."

Posté (modifié)
Attention, le tao n'est pas une religion, c'esst une conception culturelle de la sagesse chinoise, une sorte de philosophie

 

J'ai lu des avis divergents sur ce point. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai écrit "quasi?". Pas religion au sens catho ou autre (donc avec Dieu) , mais si tu considères l'origine du mot comme un moyen de "relier" les gens, alors le Taoïsme peut-être considéré comme une religion; de plus, il y a des aspect qui relèvent de la croyance mystique, et pas de la raison, au sens de la philo occidentale. Par contre la volonté d'appréhender le réel est identique entre les 2 types de philo, même si les moyens d'y parvenir sont différents. N'oublions pas que "religion" est un mot occidental, et pas d'orient.

 

 

]Et la "complémentarité" n'est pas une caractéristique de ce que tu nommes la "science pure", c'est une conception épistémologique...Dans les deux cas, il s'agit de la façon dont fonctionne notre pensée, le rapprochement n'a donc rien d'incongru. :cool:

 

Je suis bien d'accord, c'est pour cela que je parle de "complémentarité" en relevant que Bohr avait trouvé le rapprochement de cette philosophie et de l'épistémologie de la MQ et je parle de science pure concernant le livre "tao de la physique" (que je n'ai pas complètement lu, comme précisé).

OK je n'ai peut-être pas été très clair :confused:

Ce bouquin me semble quand même être une tentative comme il y en a eu plusieurs de justifier une position philosophique par la science en général et la MQ en particulier et cela me dresse un peu le poil, surtout à l'époque ou il a été écrit, quand le new-age avait la vent en poupe (léger retour en ce moment) ;

Pour tout dire, je n'aime pas trop le mélange des genres. Je pense que la philosophie des sciences doit être une discipline à part entière, et la philosophie en général devrait rester hors du champ de la science. Le taoïsme fait partie de la seconde catégorie (et ne parlons pas de la religion). Nous ne sommes plus au XVIIIème siècle. Mais cela n'engage que moi :cool:

 

 

Mais nous nous éloignons du sujet de ton fil, très intéressant.

Modifié par salviati
Posté

 

 

 

Pour tout dire, je n'aime pas trop le mélange des genres. Je pense que la philosophie des sciences doit être une discipline à part entière, et la philosophie en général devrait rester hors du champ de la science. Le taoïsme fait partie de la seconde catégorie (et ne parlons pas de la religion). Nous ne sommes plus au XVIIIème siècle. Mais cela n'engage que moi :cool:

 

 

 

Le problème, c'est que c'est la mécanique quantique elle-même qui a réintroduit la philosophie, et même la métaphysique, dans le champ de la science, quoi que l'on ait pu faire pour essayer de l'éviter.Deux citations d'un livre de Basdevant et Dalibard, intitulé "Mécanique quantique" et paru en 2003 aux éditions de l'école polytechnique, ce qui explique sa diffusion confidentielle :

 

"Nous possédons des réponses expérimentales, quantitatives, à des questions qui frôlaient la métaphysique".

 

"Il est étonnant de constater que si, à l'heure actuelle, le formalisme, l'appareil mathématique et le cadre opératoire de cette théorie sont universellement reconnus, il existe encore des débats acharnés sur son interprétation et ses implications philosophiques. Pour la première fois sans doute, l'esprit humain se sent parfois dominé par une vérité qu'il a lui-même construite."

 

Jean-Louis Basdevant, ancien élève de l'ENS, a enseigné pendant très longtemps la mécanique quantique à l'X, où il a présidé le département de physique pendant douze ans. Il est spécialiste de physique théorique des particules élémentaires, de théorie quantique des champs et d'astrophysique.

Posté
il y a des aspect qui relèvent de la croyance mystique, et pas de la raison, au sens de la philo occidentale. Par contre la volonté d'appréhender le réel est identique entre les 2 types de philo, même si les moyens d'y parvenir sont différents.

 

En tout cas, une chose est claire, c'est qu'il n'y a aucune référence à une telle démarche relevant de la "croyance mystique" dans ce que j'ai pu lire des travaux et réflexions de Bohr (des années 20 à 1962) sur l'épistémologie en général et sur la complémentarité en particulier. :cool:

 

Ce bouquin me semble quand même être une tentative comme il y en a eu plusieurs de justifier une position philosophique par la science en général et la MQ en particulier et cela me dresse un peu le poil, surtout à l'époque ou il a été écrit, quand le new-age avait la vent en poupe (léger retour en ce moment) ;

Le bouquin de Fritjof Capra est effectivement sur un tout autre régistre.

 

et la philosophie en général devrait rester hors du champ de la science.
Je ne vois comment elle le pourrait... :?: A moins que tu ne considères la science comme hors du champ de la pensée humaine ?...

 

Le problème, c'est que c'est la mécanique quantique elle-même qui a réintroduit la philosophie, et même la métaphysique, dans le champ de la science, quoi que l'on ait pu faire pour essayer de l'éviter.

 

Ce n'est pas un problème, au contraire ! C'est la (tentative de) réparation d'une séparation funeste, que l'on peut dater à Galilée et Descartes, qui a certes décuplé temporairement l'efficacité de la science, au prix de la ruine de notre âme et du désastre actuel, résultat d'une conception de la réalité réduite à l'objectivable, avec pour corolaire l'invasion et le triomphe de la technique, l'arraisonnement de la nature, la robotisation du monde et des esprits, et notre probable fin prochaine si ce mouvement de destruction n'est pas enrayé. :refl:

 

Pour la première fois sans doute, l'esprit humain se sent parfois dominé par une vérité qu'il a lui-même construite.
C'est curieux cette phrase... Quelle "vérité" qu'il aurait "lui-même construite" ?

 

Parce que, pour se faire dominer par ses propres constructions, ce ne serait pas une nouveauté (systèmes religieux, idéologies diverses, économie,...).

Posté (modifié)
En tout cas, une chose est claire, c'est qu'il n'y a aucune référence à une telle démarche relevant de la "croyance mystique" dans ce que j'ai pu lire des travaux et réflexions de Bohr (des années 20 à 1962) sur l'épistémologie en général et sur la complémentarité en particulier. :cool

 

J'ai bien lu et écrit qu'il a constaté des points communs après coup dans les années 1930, donc une fois achevé le noyau dur de ses propres travaux.

 

 

Je ne vois comment elle le pourrait... :?: A moins que tu ne considères la science comme hors du champ de la pensée humaine ?...

 

C'est à la philosophie de s'imposer à elle même ses propres limites. Bien sur que la science est dans le champ de la pensée humaine, elle en est un produit, indiscutablement. Mais tout ce qui est dans le champ de la pensée humaine n'est pas du domaine de la science. Les questions du sens, de morale, ne sont pas du domaine des sciences, mais sont le domaine privilégié de la philosophie.

 

 

Si j'ai bien compris, l'interprétation de Copenhague ne s'embarrasse pas de détails ontologiques, et ce contente de ce qu'on peut appréhender empiriquement et par le calcul, des images "classiques" que l'on peut s'en faire, la description complètement juste des objets quantiques n'étant pas réalisable par nos pauvres cerveaux. Donc pas de recherche d'une réalité ontologique. (corrigez moi si je me trompe)

 

La philosophie appliquée aux sciences = épistémologie, heuristique et histoire ? En tous cas, c'est comme cela que j'aime que soit les choses :D Exit la métaphysique et donc l'ontologie.

 

En outre, il y a certains domaines scientifiques où la philosophie peut faire des "dégâts", je pense à la théorie de l'évolution. Si on lit les écrit de Jean Staune et son IUP, par exemple, cela me fout un peu les jetons, on frôle le créationnisme, pour cause de recherche de sens à notre existence:cry:.

Voir également trinh xuan thuan, qui part en sucette (et qui est attaché à l'IUP); Tant que son travail n'est pas entaché par ses intuitions philosophiques, pas de problèmes, mais en tous cas il écrit copieusement sur ces dernières.

 

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Modifié par salviati
Posté

 

Ce n'est pas un problème, au contraire ! C'est la (tentative de) réparation d'une séparation funeste, que l'on peut dater à Galilée et Descartes, qui a certes décuplé temporairement l'efficacité de la science, au prix de la ruine de notre âme et du désastre actuel, résultat d'une conception de la réalité réduite à l'objectivable, avec pour corolaire l'invasion et le triomphe de la technique, l'arraisonnement de la nature, la robotisation du monde et des esprits, et notre probable fin prochaine si ce mouvement de destruction n'est pas enrayé. :refl:

 

 

Diantre !

Posté (modifié)
Ce n'est pas un problème, au contraire ! C'est la (tentative de) réparation d'une séparation funeste, que l'on peut dater à Galilée et Descartes, qui a certes décuplé temporairement l'efficacité de la science, au prix de la ruine de notre âme et du désastre actuel, résultat d'une conception de la réalité réduite à l'objectivable, avec pour corolaire l'invasion et le triomphe de la technique, l'arraisonnement de la nature, la robotisation du monde et des esprits, et notre probable fin prochaine si ce mouvement de destruction n'est pas enrayé. :refl:

 

 

La science doit seulement décrire la nature. Ce qu'on décide d'en faire dépend de la morale (donc de la philosophie, le chien se mord la queue) et de la politique.

Doit on arrêter d'étudier l'atome sous prétexte que l'on peut construire une bombe ou qu'on ne sait pas se débarrasser des déchets ?

 

Je trouve la séparation que tu évoques plus salutaire que funeste. Si on commence à mettre de la morale dans la science, le risque est de voir lui imposer un champ d'activité dicté par d'autres motivations que la recherche pure, pour la connaissance pure.

 

Après, ce qu'on décide d'en faire...(voir plus haut)

Modifié par salviati
Posté

C'est curieux cette phrase... Quelle "vérité" qu'il aurait "lui-même construite" ?

 

Parce que, pour se faire dominer par ses propres constructions, ce ne serait pas une nouveauté (systèmes religieux, idéologies diverses, économie,...).

 

Peut-être Basdevant et Dalibard font-ils allusion à l'impressionnante construction mathématique à la base de la mécanique quantique (espaces de Hilbert, de Fock, algèbres de Grassmann, groupes de Lie), qui pose une fois de plus le problème de l'adéquation des maths à la réalité, même quand c'est aux dépens du sens commun (intrication, non-localité..., à propos desquelles Roland Omnès parle de "mise en évidence d'états 'enchevêtrés' à longue distance [...] avec toutes leurs diableries surprenantes mais attestées"). En tout cas leur phrase ne me choque pas du tout.

Posté
Peut-être Basdevant et Dalibard font-ils allusion à l'impressionnante construction mathématique à la base de la mécanique quantique (espaces de Hilbert, de Fock, algèbres de Grassmann, groupes de Lie)

 

Les mathématiques ne sont pas une construction, mais une découverte...;)

Posté
Les mathématiques ne sont pas une construction, mais une découverte...;)

 

Les mathématiques nous préexisteraient-ils ? Excuse-moi, mais là j'ai du mal à te suivre...

Posté
Les questions du sens, de morale, ne sont pas du domaine des sciences, mais sont le domaine privilégié de la philosophie.

 

Mais les sciences elles, sont du domaine de la philosophie...;)

 

Si j'ai bien compris, l'interprétation de Copenhague ne s'embarrasse pas de détails ontologiques, et ce contente de ce qu'on peut appréhender empiriquement et par le calcul, des images "classiques" que l'on peut s'en faire, la description complètement juste des objets quantiques n'étant pas réalisable par nos pauvres cerveaux. Donc pas de recherche d'une réalité ontologique. (corrigez moi si je me trompe)

Je ne pense pas que ce soit correct. L'interprétation de Copenhague n'est pas ontologique, ça ne veut pas dire qu'elle ne s'en soucie pas, mais elle en produit une critique, confirmée depuis par l'expérience : Il n'y a pas de réalité au sens de l'existence, indépendante de nous, de nos observations. Mais cela ne signifie par un rejet de l'être.

 

Et son objectif est le contraire de ce que tu dis à la fin de ta phrase. Copenhague n'est pas une renonciation à savoir, mais au contraire une continuation de la recherche, en renonçant à ce qui est un obstacle à cette recherche (pour faire bref, au réalisme objectif ou "classique"). Ce sont souvent les partisans du maintien à tout prix du réalisme qui accusent, à tort, l'interprétation de Copenhague de renoncer à connaitre, et parle de positivisme à son encontre, ce qui est inexact.

 

En tous cas, c'est comme cela que j'aime que soit les choses :D
Le problème, c'est qu'on ne choisit pas comment sont les choses. :be:

 

La science doit seulement décrire la nature. Ce qu'on décide d'en faire dépend de la morale (donc de la philosophie, le chien se mord la queue) et de la politique.

Doit on arrêter d'étudier l'atome sous prétexte que l'on peut construire une bombe ou qu'on ne sait pas se débarrasser des déchets ?

 

Je ne sais pas. Peut-être... Je n'accepte pas que les scientifiques se sentent exonérés de leurs responsabilités sous prétexte de je ne sais quelle nature sacrée de la recherche.

 

En biologie par exemple, c'est criant. Il faut bien évidemment interdire les expérimentations sur l'embryon humain, les cellules souches, le clonage...

 

Je trouve la séparation que tu évoques plus salutaire que funeste. Si on commence à mettre de la morale dans la science, le risque est de voir lui imposer un champ d'activité dicté par d'autres motivations que la recherche pure, pour la connaissance pure.

Je suis en désaccord total, radical, et définitif avec ce que tu dis. Je ne développerai pas pour ne par récupérer des points Goodwin. Disons que tu prônes l'irresponsabilité criminelle de la science.

 

Peut-être que tu n'a pas bien réalisé les implications de tes propos. :refl:

Posté
Les mathématiques ne sont pas une construction, mais une découverte...;)

 

Je ne me prononcerai pas sur ce point, mais parler de construction mathématique n'implique pas que les mathématiques sont une construction, ça implique qu'on peut faire des constructions avec les mathématiques.

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