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Nous venons d'apprendre la triste nouvelle du décès de Vera Rubin, le 25 décembre, à l'âge de 88 ans. Vera Rubin restera à jamais l'astronome qui a mis en évidence à la fin des années 1960 l'anomalie de la dynamique des galaxies, menant au concept de matière sombre. Mais celle qui aurait amplement mérité le prix Nobel de Physique depuis de nombreuses années est bien plus qu'une exceptionnelle scientifique, elle fut une pionnière dans la communauté astronomique, la première femme à pouvoir accéder en 1965 au célèbre Observatoire du Mont Palomar qui abritait le télescope le plus puissant de l'époque.

 

La vocation de Vera Rubin pour l'astronomie apparut très tôt : "La chambre que j'avais enfant avait un lit qui se trouvait sous une fenêtre vers le Nord. Vers 10 ans, dans mon lit, je pouvais observer les étoiles circumpolaires qui bougeaient durant la nuit. Vers 12 ans, je préférais rester debout et regarder les étoiles dehors plutôt qu'aller me coucher... J'ai alors commencé à lire et à apprendre sur l'astronomie en allant à la bibliothèque. Pour moi rien n'était plus passionnant que regarder le ciel chaque nuit. Quand il y avait une pluie d'étoiles filantes, je n'allumais pas la lumière, durant toute la nuit, je mémorisais d'où provenait chaque météore pour ensuite dessiner une carte le lendemain matin" (in Origins - The Lives & Worlds of Modern Cosmologists A. Lightman (1990)).

 

Une fois au lycée, Vera Rubin décida qu'elle serait astronome professionnelle, mais elle n'avait jamais rencontré d'astronome dans sa vie, connaissant avant tout l'histoire de la célèbre astronome du XIXè siècle Maria Mitchell. Comme elle l'a raconté, Vera Rubin savait que Maria Mitchell avait enseigné au Vassar College, il existait donc une école où les femmes pouvaient apprendre l'astronomie, c'était donc là qu'il fallait aller. Elle précisait "Je n'ai jamais pensé que je ne pourrais pas devenir astronome" (ibid.)

Après ces premières années à Vassar, Vera Rubin fut acceptée pour intégrer la prestigieuse Harvard pour poursuivre ses études de troisième cycle, mais elle préféra rejoindre l'Université de Cornell (et son mari), malgré la quasi-inexistence de recherche en astronomie à l'époque dans cette université.

Elle eut en revanche la chance de suivre les cours d'éminents physiciens nobélisés ou futur nobélisés, comme Richard Feynman ou Hans Bethe.

Vera Rubin soutint sa thèse de master en décembre 1950 à 22 ans, alors qu'elle venait tout juste de donner naissance à son premier enfant.

Elle poursuivit sa thèse de doctorat sous la direction d'un autre grand physicien, George Gamow. Le résultat de son travail de thèse, en 1954, consacré à l'étude des galaxies, fut déjà révolutionnaire, lorsqu'elle proposa que les galaxies se rassemblaient en vastes amas, un concept qui fut admis seulement vingt ans plus tard par la communauté scientifique...

 

Vera Rubin effectua par la suite des travaux sans précédents sur l'étude de la rotation des galaxies, qu'elle mena durant toutes les années soixante et soixante-dix en mesurant les décalages spectraux du gaz de différentes régions galactiques et qui la menèrent à imposer observationnellement l'idée de l'existence d'une masse invisible à l'origine des fortes anomalies de vitesse de rotation systématiquement observées sur des milliers de galaxies. La matière sombre, entrevue 35 ans auparavant par Fritz Zwicky, devenait réalité.

 

Vera Rubin avait expliqué :"J'avais décidé de m'attaquer à un problème pour lequel je pourrais faire des observations et apporter des progrès, en espérant que ce soit un problème qui intéresserait les gens mais tout de même pas trop pour qu'on ne me presse pas avant que j'aie fini" (ibid.).

L'idée de masse manquante ou matière sombre (aussi appelée matière noire), n'était pas un concept qui soulevait l'enthousiasme en 1969 quand furent publiés les premiers résultats des observations de Vera Rubin et ses collaborateurs sur la galaxie d'Andromède. Mais face à l'évidence observationnelle de plus en plus présente au cours des années 1970, l'idée devint de plus en plus accepté par la communauté jusqu'à devenir une clé du paradigme cosmologique aujourd'hui.

 

Vera Rubin aimait à rappeler qu'il n'y avait vraiment aucune raison que nous ayions la chance de vivre à une époque où nous comprendrions l'Univers dans son entier. Pour elle, il était évident que plus les télescopes devenaient de plus en plus grands et les chercheurs de plus en plus doués, plus il y aurait de découvertes qui bouleverseraient les théories établies, même de longue date : "J'espère que dans 500 ans les astrophysiciens ne parleront plus de Big Bang, si c'est le cas, ils n'auront pas bien fait leur travail! Je crois qu'il existe des choses vraiment fondamentales que nous ne connaissons pas dans l'Univers. Notre ignorance est bien plus vaste que ce que nous connaissons." (ibid.)

 

Les quatre enfants de Vera Rubin, trois fils et une fille, sont tous devenus des chercheurs. Sa fille a suivi le chemin tracé, elle est astrophysicienne, comme de nombreuses autres scientifiques qui doivent leur vocation à cette femme hors du commun.

Posté

Effectivement,un chercheur, une femme hors du commun. Son apport à l'astrophysique est exceptionnel.

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Merci Eric,si ma mémoire ne fait pas défaut, t'avais parlé de Vera Rubin dans le quizz ou un de tes billets , ou j'ai appris qui c'était.

Je découvre un peu mieux ici sa vie bien remplie.

Posté

 

Je me suis amusé un jour à rechercher qu'elle était la composition de l académie des sciences de Suède, qui n'a décerné que 2 fois le prix de Physique à des femmes. Elle est composée à 90% de vieux mâles élus à vie et qui se cooptent... :mad:

Posté (modifié)

Dernier rebondissement concernant la problématique amorcée par les observations de Vera Rubin :

l' analyse des données du satellite Spitzer de la Nasa par une équipe Américaine * : il semblerait que la masse visible — celle du gaz et des étoiles que renferme chaque galaxie — expliquerait à elle seule ces vitesses de rotation sans qu’il soit besoin de recourir à la fameuse matière noire.

(*Universités Case Western Reserve et de l’Oregon États-Unis).

Bonne journée

AstroJP

Modifié par astrojp
Posté

Un post très intéressant et qui fait honneur à cette femme venant de quitter ce monde. Elle aurait bel et bien mérité le prix Nobel en effet ! Accessoirement, je trouve la photo très belle...

Posté

Merci Dr Eric Simon pour ce fil... Une grande Dame c'est éteinte mais surement pas ses découvertes et quelles découvertes ! Elles restera parmi les plus grands hommes de la science. ;)

Posté
Dernier rebondissement concernant la problématique amorcée par les observations de Vera Rubin :

l' analyse des données du satellite Spitzer de la Nasa par une équipe Américaine * : il semblerait que la masse visible — celle du gaz et des étoiles que renferme chaque galaxie — expliquerait à elle seule ces vitesses de rotation sans qu’il soit besoin de recourir à la fameuse matière noire.

(*Universités Case Western Reserve et de l’Oregon États-Unis).

Bonne journée

AstroJP

 

Tu veux parler de l'étude de Stacy McGaugh et al., j'en ai parlé sur Ça Se Passe Là-Haut en septembre. Ils montrent simplement qu'il existe une corrélation entre matière ordinaire et l'effet attribué à la matière noire. Ça ne dit pas que la seule matière ordinaire explique la rotation anormale des galaxies. D'ailleurs, un papier extrêmement récent de Paolo Salucci montre que l'observation de McGaugh et al. s'explique parfaitement par la présence d'un halo de matière noire. (https://arxiv.org/abs/1612.08857). La nouveauté est qu'il existerait bel et bien une corrélation forte entre la matière baryonique (lumineuse) et la matière sombre et que les courbes de rotation, visualisées en coordonnées normalisées (vitesse normalisée en fonction de distance normalisée), sont toutes identiques... ce qui reste un gros mystère :o

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