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Chile con estrellas (2) : Le Flying Dobson largue les amarres.


Jeff Hawke

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Episode précédent : A long way to the Milky Way.

 

Matin sur la cordillère

 

Mmh...:rolleyes: Grasse matinée dans les terres arides, la luminosité sèche et printanière affleure aux rideaux, j 'émerge doucement, avec les perplexités usuelles dans ce genre de situation...Ah oui, c'est vrai, l'avion, le Chili, les étoiles...C'est le matin, là, il fait faim.

 

On va voir si le chauffage solaire est efficace pour les douches. Puis ce sera un copieux déjeuner, pris dans une petite construction de bois (comme toutes, ici), en contrebas des chambres. J'y retrouve les autres, je suis le pénultième, mais le seul à avoir observé cette nuit. Mon voisin de chambre, Daniel, nous rejoint quelques minutes plus tard.

 

Café noir, pain grillé, fromage de chèvre (abondant dans cette contrée bénie des dieux), oranges pressées. Reconstitution des forces vives. On mange, discute, et plaisante. Apparemment, tout le monde paraît de bonne humeur. Etonnant, non ? Avec la perspective de trimer 12 nuits d'affilée sous les étoiles, à pointer d'improbables objets dans un environnement hostile...

 

Un peu plus tard dans la journée, Raymond nous emmènera en 4 X 4 au point élevé où est installé l'observatoire, avec mon 300 dans son sac (10 kgs tout mouillé, plus les barres de carbone, pas commode à monter ça à pied). Xavier préfère lui monter à pied avec son précieux Strock, mais il m'a confié son sac contenant ses oculaires.

 

Meccano de bois et de verre.

 

Montage du scope voyageur. Je me concentre. Deux vis avec écrou-papillon de chaque côtés du cadre support du barillet suffisent pour fixer les deux tourillons. Une entre-toise – une vis d'un côté, deux de l'autre - sur l'avant, sans oublier de placer deux pièces d'aluminium entre elle et les tourillons, pièces sur lesquelles viendront se fixer les deux fois deux tiges carbone antérieures.

 

Voilà. La base est prête. Aux tiges maintenant. Fixées en bas, par vis et écrou papillon pour les antérieures, serrées par une pièce de bois pour les deux postérieures. La « cage » du secondaire, en fait un cercle de bois, se fixe au haut des tiges par des pièces de bois, 3 pièces situées à 120° les unes des autres, et recevant chacune deux tiges de carbone.

 

Je serre convenablement tout ça. Fixe le porte-oculaire (un Kinoptic, léger et astucieux), le support du Quickfinder (c'est un petit bricolage avec une vis à bois, temporaire pour ce séjour. Positions du PO et du chercheur seront modifiées ultérieurement par le concepteur et constructeur). Je positionne le bafflage supérieur. Je verrai ensuite avec Raymond comment confectionner un bafflage inférieur en utilisant un machin de plastique souple-raide de récupération.

 

Je vire la rondelle de mousse et le papier de soie qui protègent le primaire, et jette un oeil sur la surface parabolique (Lambda sur un dénominateur à deux chiffres). Et je fait glisser vers le bas le coffrage de bois, cylindrique, qui caparaçonne le secondaire.

 

Voilà, voilà. Tout est prêt pour l'envolée, ce soir. Pour l'heure, il fait plein jour et plein soleil, l'heure de redescendre et d'aller faire une sieste.

 

Collimation, alignation, observation...

 

Ce coup-ci, ça y est. J'ai quitté la table du diner dès le dessert expédié, et j'ai grimpé sur la butte, avant tout le monde. Il me faut un peu de temps pour collimater le scope (lors du transport, le miroir est complètement remonté, vis de collimation tournées au maximum, de façon à ce que la boite du secondaire vienne s'emboiter sous le primaire, réduisant au maximum la hauteur de l'ensemble en position de voyage.

 

Tout est tellement déréglé que je dois d'abord recentrer le secondaire à l'oeil, avant d'ajuster en amenant le point laser rouge sur l'oeillet du primaire. Ce dernier est aussi complètement à l'Ouest, le faisceau laser est renvoyé dans les cieux. Il faut donc, 1 le voir (avec une chemise cartonnée promenée au-dessus du secondaire), 2 le ramener tel un ali boron rétif vers le PO, 3 le faire entrer dans le PO, puis enfin, 4 finement ajuster son arrivée dans l'orifice d'où il est originaire, sur le plan coupé du laser... Voilà, une quinzaine de minutes de dur labeur. Ce sera beaucoup plus simple et rapide pour les autres soirs. :cool:

 

Aligner le Quickfinder maintenant. Bon, j'ai Vénus et Jupiter face à moi, sur le Nord Ouest, par delà la petite vallée qui aboutit à l'hacienda, en creux. Au loin, à l'Ouest, c'est la côte Pacifique. On dirait que c'est un peu couvert, je n'y prête pas attention.

 

Ce bazar de Flying Dob a une petite particularité : Le plan du support du primaire n'est pas parallèle au plan de la cage du secondaire. Curieux. Ca se compense sans problème à la collimation du primaire, mais par contre, il me semble que ça perturbe la perception que l'on a de l'endroit du ciel où on vise. Je passe un temps infini à coller Vénus dans l'oculaire (un Plössl Tele-Vue 32 mm, me donnant 1 degré de champ réel)...Et sans rien à l'oculaire, pas question d'aligner le chercheur, n'est-ce pas ? C'est une opération de boot strapping.

 

Une fois la planète coincée, hop, on aligne, et après, le piège à cible céleste est opérationnel, le cercle rouge amène ce qu'on veut. Même légèrement déréglé d'un jour sur l'autre, le rétablissement de la précision est un jeu d'enfant rapidement réalisé en début de soirée.

 

Cette histoire de (non)parallélisme – à moins que je n'ai rêvé - devra aussi être traitée après le voyage aux étoiles enchantées.

 

Lupus

 

D'autres m'ont rejoint. Xavier bien sûr, avant la nuit. Daoumy, Daniel et Jean-Luc un peu plus tard. Mais je suis déjà parti...Je veux observer le Loup avant qu'il ne plonge, sans retour, là-bas, sur le Pacifique.

 

En fait, il est déjà trop bas. Je n'ai que le temps de pointer Dzeta, belle double Orange et Or, une dizaine de degrés au Nord Est d'Alpha Centauri. Un peu avant d'y arriver, un bel amas ouvert, NGC5822, avec plusieurs chaines d'étoiles faibles, encadrant des groupes d'étoiles plus faibles, une impression graphique légère. En glissant 2 degrés au Nord Est de Dzeta, ce sont deux globulaires, NGC5927, petit et à peine résolu sur sa périphérie, et NGC5946 (qui est à Norma. J'ai à peine commencé la visite au loup que déjà me voilà sur les frontières) qui est encore plus faible et pas résolu, avec toutefois un noyau central bien perçu sur le halo.

 

Malheureusement (ce qui est une façon de parler, pour mon programme d'observation qui incluait tout le Loup. En ce qui me concerne, tout va bien, j'ai d'autres constellations à me mettre sous l'oculaire ;)), la zone plonge très vite vers l'horizon, et de plus, la position du PO, à 90° sur le cercle-cage, rend très vite inconfortable une observation basse. J'abandonne donc ce Lupus pour me recentrer vers des zones plus zénithales.

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Super le mode d'emploi pour le montage & réglage de l'instrument, au moins ton miroir a eu le temps de se mettre en température ;)

 

Aller la suite pour demain matin sans faute :p

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Purée, pas facile à suivre, tout ça... Il faut investir des zones inconnues du PSA ou voyager avec Stellarium pour savoir où tu vas ! :D

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Grus

 

Ah, la Grue ! Repère familier de nos errances nocturnes du Sud, et repaire de galaxies. Ca pullule, sitôt parti sur l'aile Est, juste au-delà de Théta. Je retrouve le triplet 7582, 7590, et 7599. Avec D'Artagnan (7552) à même pas un degré (donc dans le même champ avec le 32 mm :)). Car en vérité, c'est un quartet, the Grus Quartet, un nom très jazzy. En grossissant, on voit des coeurs et des halos, et une forme asymétrique pour 7590. J'examine l'ensemble de l'amas, plus d'une dizaine de galaxies sur quelques degrés, mais sans m'attarder sur chaque tache plus que le temps nécessaire à l'identification.

 

Je reviendrai !

 

Pour cette première vraie nuit, qui est la première lumière du Flying dob (un petit essai rapide dans le Perche, fin Septembre, sera compté pour rien), je me promène sans conséquences. Je veux retrouver des connaissances d'il y a deux ans, m'assurer que je n'ai pas oublié la topographie et les paysages d'ici.

 

Sculptor

 

La constellation est au Nord-Est immédiat de Grus, surplombant le Phoenix. Elle abrite d'énormes galaxies : NGC253, longue, détaillée dans son coeur élongué, et verte. Oui, verte...:o NGC55, réplique plus light de NGC253. L'amas globulaire NGC288, tout proche de NGC253. NGC300, ronde et étendue.

 

Canis Major

 

Comme le Chien monte (il faut voir un lever de Sirius sur un horizon propre et sec. Ca fait presque comme un flash iridium...), je vais faire quelques reconnaissances en suivant le guide Waouh 200 de Bruno. Quelques galaxies pas trop faciles, au Sud : NGC 2292 et 93, en interaction. 2280 proche des deux précédentes. Et 2217 qui me donne un peu de fil à retordre.

 

Mais surtout, à deux degrés au Nord Est de Delta, un amas ouvert de toute beauté, NGC2362, une étoile brillante plantée dans un groupement serré plus faible. :rolleyes:

 

Classiques et spectaculaires

 

Pour compléter cette première lumière, j'enchaine des classiques, M41 (une pieuvre !), M42 (verte et rouge pâle, le Trapèze brillant jusqu'à la dureté)), la Flamme, M33 (avec deux bras), et des spectaculaires d'ici, comme 47 Tucanae, la Tarentule, la nébuleuse d'Eta Carinae qui commence à être pointable vers 1h30, quoique encore basse.

 

Dans cette seconde partie de nuit, il se fait des passages nuageux de plus en plus insistants. Xavier et moi sommes un peu incrédules. Le froid s'installe. Il est plus présent que la nuit précédente, lors de ma sortie solitaire aux jumelles. On assiste à un étrange phénomène, la brume qui envahit la vallée, depuis la direction du Pacifique. Dans le noir de la nuit chilienne, on discerne cette énorme masse nuageuse blanche qui remplit tous les interstices du relief en contrebas d'où nous sommes. De quoi être piqueté d'angoisse à l'idée de devoir s'enfouir là-dedans pour redescendre vers nos chalets. C'est irrationnel, il est inconcevable de se perdre, mais ça fait quand même drôle.

 

Daoumy (qui s'est offert une nuitée de reconnaissance australe aux jumelles, et quelques visions au C14), Daniel (C14), et Jean-Luc (C8), sont déjà repartis, vers 3 heures. Nous décidons de nous replier à notre tour une trentaine de minutes plus tard. La fatigue se fait quand même fortement sentir, et il fait froid.

 

A la lueur blafarde de ma lampe verte (pourtant, elle semble bien forte quand elle éclaire le Sky Atlas), et en tâtonnant un peu, nous suivons le raide sentier descendant. Arrivés en bas, nous constatons que le ciel est totalement et magnifiquement dégagé, mais l'hacienda est dans les brumes.

 

Je me sens fatigué et heureux de cette première nuit, et reste persuadé que la brume apparu n'est qu'un accident météo, inattendu et sans conséquence.

 

Au matin, j'ai noté, laconiquement, sur mon cahier : "Le Flying Dobson fonctionne". :cool:

 

 

Prochain épisode : Comme un vol de gerfauts...

Posté

Ah làlà... On est tantôt en terrain connu (NGC2362), tantôt emporté dans le tourbillon ébouriffant de ces objets de rêve...

La grue, le toucan, le phoénix...

 

J'ai l'impression d'être Wendy emportée par Peter Pan...

 

Merci Jeff:wub:

Posté

Rââââââeueueueuhhhh ...

...

 

Que ça fait du bien, cette première lecture !

Y'a rien à faire, j'apprécie vraiment tes textes, Jeff. :)

 

Par contre, cette histoire de non parallèlisme entre la cage secondaire et primaire est troublante ...

Ca ne doit pas faciliter le pointage, en effet ; tu n'avais pas fait d'essais avant de partir ?

 

Bon ciel

Vincent

Posté

Bonsoir Jeff,

 

trés jolie réçis ! J'ai bien noté NGC 253 verte. Je l'ai observé à Mada avec le 305 mm

lightbridge et je n'est pas remarqué sa couleur. A refaire donc, j'y serai à partir de début

décembre et avec un 406 cette foix ci !

 

Bruno

Posté
Il faut investir des zones inconnues du PSA ou voyager avec Stellarium pour savoir où tu vas !

Pareil, je lis le CROA en tournant les pages du Pocket Sky Atlas. C'est comme lorsque je lis des récits d'explorateurs (oui, ça m'arrive) en suivant avec l'atlas mondial... :)

Posté
Super le mode d'emploi pour le montage & réglage de l'instrument,

 

Ah ben, c'était le chapitre consacré à l'instrument. ;)

 

Qui, par la suite, verra sa structure arachnéenne s'effacer devant les étoiles.

 

au moins ton miroir a eu le temps de se mettre en température ;)
Le montage a eu lieu dans la journée, sous le soleil chilien. :cool:
Invité Scopy
Posté

:rolleyes: J'ai beaucoup aimé cette suite de "a long way to milky way" ! Le paragraphe plus "technique" est très bien écrit, ne ralentit pas le rythme de lecture, on partage la bricole. J'aime également beaucoup le titre des chapitres, qui fleure bon l'aventure, la vraie, le voyage, les découvertes...

 

L'ambiance, l'atmosphère et le style de l'écriture me rappelle un de mes écrivains préférés, Alistair Mac Lean :wub:.

 

Amicalement, Anne

Posté

Et bien.....quels sublimes écrits. Je ne puis rien dire de plus, c'est beau.

Merci de partager tout cela avec nous..

 

Ah si quand même, une petite chose: je crois que je t'envie beaucoup!

 

;)

  • 1 mois plus tard...
Posté
"Le Flying Dobson fonctionne". :cool:

Bienheureux de lire ça ;)

pfiou j'ai du retard dans mes lectures de croas !

Excellente deuxième nuit à ce que je vois... et des noms de constellations pour nous autres astrams presque inconnus.. ça fait bien rêver tout ça, écrit d'une main de maître, allez je me réserve la suite pour demain :)

 

Merci, ô arpenteurs des cieux extrêmes :rolleyes:

Posté
Merci, ô arpenteurs des cieux extrêmes :rolleyes:

 

Lointains, JazzOn, lointains...;)

 

"Extrêmes" est un autre concept, valable ici aussi. Une approche hors de ma portée (avec des tas d'échelles chiffrées :be:).

Posté

A m'en rendre malade.

 

Rien qu'une nuit astro, ça suffit à me rendre aigri

-> Non mais t'as vu le temps sur Paris ?

 

Sous le ciel du Chilli, en altitude

-> A me dégoutter de la vie

 

Avec un dobson d'un diamètre respectable !

 

JTE CAUSE PU !

 

:1010:

Profite en bien

 

:beer:

Bon ciel

Posté
-> Non mais t'as vu le temps sur Paris ?

 

Ben oui, temps de Noël, magasins enguirlandés, journées courtes, chocolat, whisky...:)

 

"J'aimerais tant voir Syracuse / Pour m'en souvenir à Paris" (H Salvador)

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