Crapo CROA 2009 : le quasar et la planète perdue…

Il était écrit que cette édition 2009 des Rencontres Astronomiques de Printemps serait chargée en émotions astronomiques et humaines. Et elle le fût…

Si la Haute Loire n’existait pas…

Le lieu en lui-même, Craponne sur Arzon, est chargé pour moi de souvenirs… c’est en effet sous les cieux vellaves que, pendant trois années de mon adolescence, j’ai pu m’éloigner de la pollution lumineuse du centre ville de mes premières observations et me suis fais les dents sur mes premiers « vrais » ciels profonds… Les bras spiraux de M51, vus pour la première fois dans mon vieux (mais à l’époque flambant neuf) dob de 200mm restent mon plus grand souvenir d’astram…

Les copains d’abord…

A tout seigneur tout honneur, clin d’œil aux gens avec qui je partais et que je retrouvais sur place : l’équipe du club Cassiopée astro d’Evreux (Cristophe, Adrien, Marc, Sylvie et Chantal…), et les anciens de l’APARA de Pont Audemer (ahhh, mon tout premier club…) menés par Maurice, avec qui je passe toujours de bons moments et discussions pas toujours centrés sur l’astronomie…

Et puis, il y avait les rencontres – prévues et imprévues – avec des passionné(e)s, dont pour certain(e)s je ne connaissait que les pseudonymes qu’ils portaient sur la toile… Le premier à venir vers moi, à peine les tentes plantées, fût un certain Jeff Hawke : tout ce que je peux dire, c’est que je l’appréciais et le respectais déjà en tant que posteur sur Webastro, je l’apprécie et le respecte d’autant plus maintenant que j’ai rencontré l’homme derrière le pseudo… Et puis Dédé de Saint Fée me mena vers le camp des astropotes de Savoie, ou un accueil chaleureux m’attendait (j’admirais au passage, avec les yeux brillants d’un enfant devant un étal de confiseries, les réalisations de HGT et Catluc). Un peu plus haut, même accueil de Robton, Lasilla, Xavier C et autres comparses webastrams… et un peu plus loin, le tube noir et blanc de Scopy qui me rappelait le symbole bovin de mes terres normandes…. A tous et à toutes (ce que j’ai cité et à tous les autres), je vous dis merci pour votre gentillesse et votre simplicité : les webastrams sont vraiment des gens en or .

… Et désolé si j’ai parfois passé trop peu de temps en votre compagnie : les chats sont d’une extrême discrétion et préfèrent la nuit, c’est bien connu

Et l’astro, dans tout ça ?

Question observations, la nuit du jeudi n’avait pas été folichonne… un ciel bouché en début de nuit et 8 heures de route dans les pattes m’avaient envoyé faire dodo sous la tente plus tôt que prévu, mais m’avaient pour le coup laissé frais et dispo pour la nuit du vendredi au samedi. Comme d’habitude, je sortais mes cartes dans l’après-midi du vendredi et comme d’habitude, je chargeais trop le programme des observations que j’allais de toute façon complètement oublier quelques heures après… Il y avait toutefois deux objets que j’avais en tête depuis longtemps, et qui n’attendaient que le séjour à Craponne pour tomber dans ma besace : le Quasar 3C273 d’une part, et la planète – désormais naine – Pluton d’autre part. Ces deux recherches eurent des fortunes diverses, que je m’en vais compter ici.

Une observation venue du fond des temps : 3C273

Il existe des objets mythiques que tout astronome amateur rêve d’avoir au moins une fois dans son oculaire… pas des objets flamboyants, comme M42, mais de petits points ou de petites tâches difficiles à dégoter et qui n’offrent aucun détail bien imposant, mais font travailler l’imaginaire des amoureux de l’univers : la tête de cheval en est l’emblème, mais parmi ces objets on peut également citer 3C273, petit point pas bien brillant de 13ème magnitude qui ne ressemble à rien d’autre qu’à une de ces milliers d’étoiles faiblardes qui défilent chaque nuit d’observation dans l’oculaire.

Oui mais voilà, percevoir la lumière de ce petit point, c’est faire un bon dans le temps de presque 2,5 milliards d’années… et observer un objet dégageant plus d’énergie et plus brillant en magnitude absolue que n’importe laquelle des étoiles, galaxies et autres amas qui défileront un jour dans nos tubes d’amateurs…

Je partais donc en début de nuit de ce vendredi à la recherche de ce Mathusalem des nuits étoilées, armé d’une carte de repérage, d’un estomac bien lesté et d’Edwin (mon « so british » dob de 300mm)…

Le pointage, grâce à l’excellence de la carte (dont je met le lien ici, merci Internet et merci à Jerry Xiaojin Zhu, astram américain éditeur de ces cartes : http://www.cs.cmu.edu/~zhuxj/astro/html/quasar3c273.html ), ne prit à ma surprise que quelques minutes. L’astuce fût de partir d’Eta de la Vierge, puis de suivre un chemin assez régulier d’étoiles de magnitude 7 à 8 sur environ 5 degrés au Nord Est. Je faisais le cheminement depuis Eta l’œil à l’oculaire, en ayant soin d’utiliser le Nagler de 17mm qui me donne un champ d’environ 1 degré (histoire de garder de bons repères), mais je suppose que le même cheminement est accessible dans un bon chercheur de 50mm.

Une fois les étoiles repère autour du quasar dans le champ du Nagler 17, je passais au Nagler de 11 pour trouver le faible Graal : chose faite en quelques dizaines de secondes, 3C273 ne se trouvant qu’à 10 minutes d’arc d’une étoile de magnitude 10, et formant un triangle rectangle resserré (quelques minutes d’arc) avec deux petites étoiles de magnitude 13.

A cet instant, quelques photons de cet objet finissaient leur course dans ma pupille après 2,5 milliards d’années d’errances dans l’Espace… Ainsi donc, ces petits « grains de lumière » - émis à une époque ou nos ancêtres les plus élaborés étaient de simples organismes unicellulaires luttant pour leur survie - m’avaient été destinés, à moi seul. Il y a certains moments où l’Univers vous donne le vertige… et des frissons de plaisir.

Un rendez vous manqué : Pluton

Un peu plus tard dans la nuit, l’ambiance avait changé du tout au tout. Les émotions du début de nuit avaient laissé place à une humidité à couper au couteau, envahissant le secondaire et même le primaire d’Edwin dès minuit passé, et ayant même laissé planer le doute un court instant sur la poursuite de la soirée. J’avais donc décidé d’être sage, de mettre Edwin au repos à l’horizontale quelques dizaines de minutes, puis de n’observer que des objets bas sur l’horizon…

Les grands classiques de l’été pointaient déjà bien haut leur nez, le Sagittaire s’élevait au dessus de l’horizon vellave… il était temps de viser en direction de la petite sœur de la Terre, qui se baladait non loin de Messier 24 et affichait une faible mais atteignable magnitude de 14…

Là encore, tout commençait bien : les cartes de repérage imprimées à partir du logiciel « Cartes du Ciel » me faisaient un cheminement tout tracé : partir de Gamma de l’écu puis dériver à l’Ouest-Sud-Ouest sur quelques degrés, l’œil au Telrad, pour trouver une petite étoile de magnitude 5,5, bien visible à l’œil nu sous le ciel de Craponne. Puis passer à l’oculaire, centrer cette étoile et de là dériver sur environ un degré au Sud-Est.

Le champ sensé contenir Pluton dans le nagler de 11mm, et la carte de repérage sous les yeux , je me rendais compte d’une première évidence à laquelle je n’avais pas pensé auparavant : le Sagittaire, c’est plein d’étoiles … et des étoiles tournant autour de la magnitude 14 dans le champ, j’en avais probablement - et au bas mot - des dizaines.

Je me guidais tant bien que mal dans le champ pour trouver l’aiguille dans la botte de foin, et finissait par repérer quelques formations d’étoiles me permettant en théorie de trouver la planète. Et après plusieurs minutes de forçage de la vision décalée, j’arrivais à capter par intermittence le clignotement d’une très faible étoile à l’endroit théorique ou elle devait se trouver… « Victoire ! » me dis-je … pas si vite, malheureusement…

Je me rendais compte avec effroi, en examinant la carte détrempée à la lumière rouge, qu’une toute petite étoile de magnitude en apparence semblable à Pluton se situais à ce moment à peine à une minute d’arc de celle-ci : autrement dit, impossible de savoir précisément ce que j’observais : étoile ou planète . Je me décidais donc à attendre mon retour à la civilisation normande pour consulter Cartes du Ciel et comparer les magnitudes des deux : Pluton et étoile parasite… si la magnitude de l’étoile parasite était inférieure à celle de Pluton, cela voulait donc dire que Pluton pouvait être déclarée victorieuse par K.O. (du moins dans mon esprit...)

Or donc, je n’étais pas au bout de mes déceptions… car samedi soir, à peine rentré et les bagages posés, je me ruais sur l’ordinateur et ouvrait Cartes du Ciel. Je rentrais la date et l’heure de l’observation, et à mon plus grand étonnement, la position de Pluton sur la carte affichée à l’écran ne correspondait pas à celle de la carte que j’avais imprimée. Les étoiles repère étaient bien là (je reconnaissais même mon étoile « parasite »), mais Pluton semblait avoir glissé miraculeusement de quelques minutes d’arc à l’Ouest… La réalité ne tardait pas à abattre sur moi son lourd marteau : en imprimant mes cartes de repérage, j’avais tout simplement oublié de les mettre à la bonne date, celle ou j’allais observer . Autrement dit, j’avais cherché Pluton au mauvais endroit… et je l’avais loupée pour quelques minutes d’arc, la confondant certainement avec une des dizaines d’étoiles faibles qui miroitaient dans le champ du Nagler…

Certaines choses méritent du temps…

Alors qu’elle était à portée de pupille, Pluton m’avait donc échappé… en y repensant, et la déception passée, je pense que c’est peut être mieux ainsi. Avoir voulu faire d’une pierre deux coups en une seule soirée, c’était trop. Et Pluton, cette petite sœur éloignée, mérite sans doute bien sa soirée à elle toute seule, comme 3C273 la méritait. Elle l’aura donc, sans doute un peu plus tard cet été…

Et puis, il y a tous ces bons souvenirs qui me viennent à l’esprit et qui font que les RAP, ce ne sont pas juste des rencontres astronomiques, mais des rencontres tout court… Encore une fois : merci à tous et à toutes, et à l’année prochaine !

Ah voilà !

Du ciel profond, et du bon...

Le quasar de la Vierge, je m'étais dit aussi que je voulais le faire (je l'ai vu une fois, dans un C8), et puis...j'ai oublié mon programme dans l'humidité croissante de cette seconde nuit.

Bon, Pluton, c'est pas grave, c'est rien qu'une planète... Un débris (*) de la porte à côté.

(*) C'est comme ça qu'André Brahic (dans sa conf aux RC&E) désigne les telluriques de notre système solaire.

Ca fait plaisir de voir que certains ont fait de belles observations, comme quoi avec un peu plus de motivation..................................

Au plaisir de croiser nos tubes dans un avenir incertain

D.D

Bon, Pluton, c'est pas grave, c'est rien qu'une planète... Un débris (*) de la porte à côté

Oui, mais j'aimerai bien l'avoir au bout du canon un de ces 4, ce petit débris . Et puis, au moins maintenant je sais ou chercher

Au plaisir de croiser nos tubes dans un avenir incertain

D.D

Tout le plaisir sera pour moi, Dédé... je n'ai pas encore mis l'oeil à l'oculaire d'oeil2top, j'espère le faire un jour

Ainsi donc, ces petits « grains de lumière » - émis à une époque ou nos ancêtres les plus élaborés étaient de simples organismes unicellulaires luttant pour leur survie - m’avaient été destinés, à moi seul. Il y a certains moments où l’Univers vous donne le vertige… et des frissons de plaisir.

!!!

Souvent je me dis ce genre de phrase : "Ce que j'observe s'est passé à une époque où les dinosaures régnaient en maîtres sur La Terre..."

Mais là, tu me bats à plates coutures ...

Ainsi donc, il y en a qui ont pu faire de "vraies" observations au milieu de cette folie (g)astronomique?

Respect!

Ainsi donc, il y en a qui ont pu faire de "vraies" observations au milieu de cette folie (g)astronomique?

 

Respect!

 

Gastronomie ou astronomie, heureusement on a pas eu à choisir... j'ai encore le frigo rempli des salaisons locales