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La nature dans la physique contemporaine (Werner Heisenberg)


Jeff Hawke

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Sous ce titre, un bouquin en Folio présente 3 conférences de Werner Heisenberg, précédées d’une copieuse et passionnante introduction de la philosophe des sciences Catherine Chevalley. Le titre du recueil est emprunté à une de ces 3 conférences, la plus intéressante pour moi (mais les deux autres le sont également), dont je voudrais dire deux mots ici. Les deux autres sont « Physique de l’atome et loi de la causalité », et « Les rapports entre la culture humaniste, les sciences de la nature et l’Occident », et datent respectivement de 1952 et 1949.

 

Le recueil est complété de textes historiques (Kepler, Galilée, Newton, Huygens, Hertz, de Broglie,…) proposés par Heisenberg pour ses sources.

 

La nature dans la physique contemporaine

 

Dans cette conférence de 1953 (c’est l’année de ma naissance :cool: ) Heisenberg reprend l’évolution du concept de Nature, selon la « science » de chaque époque, en 3 périodes :

 

Moyen Age : Conscience que l’approche scientifique de connaissance de la Nature est limitée à des régions précises de l’expérience humaine.

 

Renaissance – XIXème siècle : Universalisation de la démarche scientifique, qui pense pouvoir traiter de toute la réalité…et qui aboutit à la philosophie mécaniste du XIXème siècle. Symptôme : La séparation stricte entre sujet et objet et la prétention universaliste de la science.

 

Moderne : Avec l’émergence des théories des Relativités (Restreinte et Générale) et, surtout, de la Mécanique Quantique, retour à des conceptions plus proches de celles de la première période. Notre capacité à connaitre la réalité par la démarche scientifique est limitée à certaines régions de notre expérience. Symptôme : Le sujet fait sa réapparition active dans l’investigation expérimentale, et la science prend conscience de ses limites intrinsèques à appréhender la Nature.

 

Heisenberg retrace ensuite, en parallèle, l’évolution de la Technique, qui dans la phase moderne n’est plus une simple extension « mécaniste » de nos outils agissant sur un monde objectif (et extérieur à nous), mais devient une partie de nous même, brouillant notre rapport au monde objectif (ce monde, que la Physique Quantique a détruit en tant que monde extérieur, et dans lequel elle nous réintègre, comme monde subjectif partagé).

 

Cette étude comparative de l’évolution parallèle du problème de la Nature, et de la Technique l’amène à introduire les raisons de la « crise » que vit le monde moderne de l’après-guerre, confronté à une conception de la Technique héritée du XIXème siècle (mécanisme, objectification du monde, prétention universaliste), qui n’a pas intégré les apports philosophiques de la science moderne (essentiellement, la physique quantique).

 

 

Voilà l'argument, en ultra bref résumé :

 

La vision de la Nature par la science a connu deux mutations depuis le Moyen Age :

 

  • D'une totalité impénétrable (oeuvre de Dieu), incluant l'Homme, seulement partiellement explorable par la science, elle est devenue une réalité objective extérieure au sujet, et entièrement explorable par la science (de Kepler-Galilée-Newton au XIXème siècle).
  • Puis, seconde mutation, l'approche quantique a révélé les limites intrinsèques à la capacité d'explorer toute la réalité par la science, et a réintégré l'homme (le sujet) dans le monde.

La technique a suivi le même cheminement, mais n'a pas encore accompli la seconde mutation dans nos esprits. Elle a toujours prétention à être extérieure à l'homme (un outil, un moyen) et à envahir l'ensemble de la réalité physique, à s'autonomiser (ce qu'Heisenberg désigne par l'expression "un évènement biologique à grande échelle". D'où la crise : Une production des hommes s'est autonomisée, a envahi notre environnement, et nous coupe l'accès à l'ensemble de la réalité (qui est altérité, non réductible à ce que la science peut nous en dire, comme l'a démontré la physique quantique).

 

Pour s'en sortir, il faut que la seconde mutation (quantique) soit également appliquée à la Technique : Prendre conscience de ses limites (*), de son incapacité à représenter l'ensemble de la réalité. Et réintégrer le sujet en bonne et due place (remettre les fins à la place des moyens) dans la conception technique du monde.

 

Impossible naturellement de rendre exactement compte, avec fidélité et précision, de ces écrits (la conférence, et le texte introductif de Catherine Chevalley), j’ai juste tenté d’en donner une idée, et j’encourage toute personne intéressée à lire ce passionnant Folio (cette conférence précise fait moins de 30 pages…L’introduction générale du recueil, avec une analyse détaillée de la conférence fait une centaine de pages).

 

A cette même manifestation de 1953, Martin Heidegger a donné, le lendemain, une conférence sur « Le problème de la technique », que Catherine Chevalley mentionne, et dont elle donne une brève analyse, soulignant les points communs et les divergences par rapport à Werner Heisenberg.

 

Je me suis procuré le texte de cette conférence, et en ai commencé la lecture…C’est ardu…:o (Je n’ai jamais lu Heidegger auparavant, il a un vocabulaire un peu particulier).

 

Mon commentaire et avis sur cette lecture

 

Je précise « mon commentaire » pour ne pas faire dire à Heisenberg ce qu’il n’a pas nécessairement dit. ;)

 

La crise actuelle (nous sommes dans les années 50 !) : Si je comprends bien, elle provient du décalage entre la « subjectivation » du monde (la fin de l’illusion mécaniste que le sujet et l’objet sont clairement séparés), à la fois dans notre conception de la Nature et dans l’évolution de la Technique (devenue une extension "biologique", une partie de nous même), et notre approche, notre idéologie, qui sont restées mécanistes.

 

Nous n’avons pas résolu cette crise (nous sommes restés avec nos concepts du XIXème siècle, dans un monde où la Nature et la Technique avaient changé) et nous sommes, en tant que culture, « morts » (en fait, en survie temporaire, un peu comme les chevaux du lac Ladoga galopant vers l’eau en surfusion qui va les pétrifier, ou les personnages de cartoons américains, qui continuent un moment de courir au-dessus du vide, avant d’en prendre conscience et de chuter…)

 

Les deux symptômes majeurs de raté des années 50, ce sont le désastre démographique (de 2.5 à 6 milliards d’habitants entre 1950 et maintenant), et la catastrophe écologique (refusant de comprendre notre intrication à la Nature, nous avons continué à la considérer comme un donné extérieur, infini et inépuisable, à exploiter et à consommer…).

 

Un autre symptôme, plus lié à notre incompréhension fondamentale de ce qui est advenu à la Technique (non plus un outil, mais une part de nous même) : Nous avons toujours les arsenaux nucléaires, qui attendent leur heure…Indestructibles, et immensément meurtriers…

Au Pakistan, en Ouzbekistan, au Proche-Orient, en Corée du Nord, aux USA, … En stocks…En prolifération…En développement, ici ou là… :confused:

 

 

 

 

 

(*) Par exemple, cesser de penser tout problème de confrontation à l'environnement comme un problème de nature technique. Cesser de placer systématiquement des dispositifs techniques entre nous et la nature (ces exemples sont de moi, pas de Werner).

Posté
Pour s'en sortir, il faut que la seconde mutation (quantique) soit également appliquée à la Technique : Prendre conscience de ses limites (*), de son incapacité à représenter l'ensemble de la réalité. Et réintégrer le sujet en bonne et due place (remettre les fins à la place des moyens) dans la conception technique du monde

Ce que les bouddistes appelent vacuité, je crois. Ils traitent de ce sujet depuis des siècles, à travers les concepts d'interdépendance et d'impermanence.

Enfin, pour ce que j'en ai compris....

En tous cas pour s'en sortir, il faudra que notre mécanisme de pensée, tel que formulé par Descartes, s'ouvre aux autres cultures. Elles nous en donnent, il me semble, les moyens.

Posté

N'ayant absolument aucune connaissance en physique quantique, j'aborde cet extrait avec les quelques rudiments de philosophie et d'histoire qu'il me reste.

 

Dans les années 50, le traumatisme de la seconde guerre mondiale était encore trés présent, et Hiroshima n'était pas loin. Pour la première fois on réalisait que l'Homme avait la capacité technique de détruire sa planète. A défaut de maîtriser la nature on avait le pouvoir de l'anéantir.

 

Les deux symptômes majeurs de raté des années 50, ce sont le désastre démographique (de 2.5 à 6 milliards d’habitants entre 1950 et maintenant), et la catastrophe écologique (refusant de comprendre notre intrication à la Nature, nous avons continué à la considérer comme un donné extérieur, infini et inépuisable, à exploiter et à consommer…).

 

Là autant je suis d'accord sur le désastre écologique, autant la démographie galopante n'est pas contrôlable avec des moyens idéologiquement acceptables. Elle n'est qu'une conséquence indirecte du progrés technologique et à un décalage entre avancées techniques et changement de mode de vie. Les dernieres statisqtiques sur la démographie dans les PVD montrent que ceux-ci réduisent leur taux de natalité de façon très rapide.

 

Sujet ô combien passionnant et difficile que celui que tu nous fais aborder. Cela demande reflexion avant d'écrire plus :)

Invité akira
Posté
Ce que les bouddistes appelent vacuité, je crois. Ils traitent de ce sujet depuis des siècles, à travers les concepts d'interdépendance et d'impermanence.

Enfin, pour ce que j'en ai compris....

 

La vacuite dans le bouddhisme c'est complique. Il y a pleins d'ecoles de pensee differentes. Pour la madyamika-prasangika (Nagarjuna et l'ecole du milieu), c'est l'absence d'existence inherente ... comme tu le dis l'interdependance des phenomenes.

 

C'etait un sujet qui m'avait passione. :)

Posté
Là autant je suis d'accord sur le désastre écologique, autant la démographie galopante n'est pas contrôlable avec des moyens idéologiquement acceptables. Elle n'est qu'une conséquence indirecte du progrés technologique et à un décalage entre avancées techniques et changement de mode de vie. Les dernieres statisqtiques sur la démographie dans les PVD montrent que ceux-ci réduisent leur taux de natalité de façon très rapide.
Oui, c'est clair que la situation démographique est d'un abord complexe. Et ne peux, ni ne doit, être géré par des méthodes autoritaires. C'est une question d'éducation, de recul de l'emprise des religions, de conditions de vie, de situation des femmes, etc...

 

Je me contentais de souligner que ce problème n'était pas résolu.

 

C'est vrai que la baisse des taux de natalité dans des pays qui, il y a peu encore, étaient en pleine explosion de population est impressionnant. Cela dit, même avec des prévisions révisées, on se projette toujours autour de 9 à 10 milliards d'habitants dans les années 2050... ce qui n'est pas soutenable, selon toute vraisemblance.

Posté

Jeff Hawke, je suis tes intéressantes interrogations, mais là je ne comprends rien :( .

 

D'abord, les trois époques de la connaissance de la nature ne me paraissent pas si évidentes. Les questions sur la connaissance, l'infini ou le hasard me semblent faire partie du patrimoine de l'humanité depuis des siècles, voire des millénaires. J'ai cité par exemple Kepler qui s'interroge sur le rôle du hasard en discutant avec sa femme au cours d'un repas ...

 

Ensuite je ne comprends pas "l'évolution parallèle du problème de la Nature, et de la Technique". Je ne vois pas en quoi les concepts introduits par la Relativité ou la Mécanique Quantique rejaillissent sur la Technique si ce n'est par leurs produits : bombe atomique ou électronique par exemple.

 

En quoi l'informatique, par exemple, fille de l'électronique et donc de la mécanique quantique, "brouille-t-elle notre rapport au monde objectif" ?

Posté
Jeff Hawke, je suis tes intéressantes interrogations, mais là je ne comprends rien :( .

 

Salut ChiCyg, merci pour ton intérêt pour mes "questionnements"...mais là, je précise que j'ai présenté les propos d'Heisenberg. ;)

 

Sur les époques de la connaissance, son argument porte principalement sur l'ambition d'universalité, qu'il situe au passage de Kepler à Galilée. Kepler conçoit encore la Nature comme l'oeuvre de Dieu, dans laquelle il peut élucider des fragments, alors que Galilée puis Newton soumettent la Nature à l'universelle mathématisation.

 

Pour ce qui est de la Technique, dont il redonne le sens initial des grecs, qui est une lecture du monde (et non, comme les modernes le pensent avec illusion, un outillage que l'on fabrique, et que l'on maitriserait), elle suit (et précéde) la science (les progrés de la science permettent les innovations techniques qui, à leur tour, permettent des avancées en science), et son évolution y est donc liée.

 

Aujourd'hui, elle a un cran de retard sur la science qui, avec la physique quantique, a revu ses ambitions universalistes (et déterministes) à la baisse, alors que la technique continue d'être le seul mode d'être de l'homme dans le monde.

 

C'est ce qui "brouille" notre rapport au monde, car on sait que celui-ci n'est pas entièrement circonscrit pas la science. Le monde que la technique nous permet de lire, et dans lequel elle nous fait habiter, est donc partiel, incomplet. Nous sommes en partie aveuglés par cet égarement et ne savons pas ce que nous faisons. Heisenberg dit, à la fin de la partie consacrée à la technique, "même si l'homme peut faire ce qu'il veut, il ne peut pas vouloir ce qu'il veut.".

 

Ce que je réalise depuis cette lecture, c'est que pour bien suivre Heisenberg, il faut aussi lire la conférence de Martin Heidegger (donnée au même lieu, le lendemain), ce que je m'attache à faire...et qui élucide cette conception de la technique, non pas comme moyen, outil,... mais comme dévoilement du monde.

 

Heisenberg connaissait parfaitement les thèses d'Heidegger quand il a donné sa conférence, et s'appuie implicitement sur des concepts heideggeriens. :cool:

Posté
Kepler conçoit encore la Nature comme l'oeuvre de Dieu, dans laquelle il peut élucider des fragments, alors que Galilée puis Newton soumettent la Nature à l'universelle mathématisation.
Je pense que, pour Kepler, bien sûr Dieu a créé un monde harmonieux et intelligible (bien que difficilement) mais il se donne pour tache de comprendre le fonctionnement du monde, comme Newton, Einstein ou l'abbé Lemaître. Mais une fois qu'on a "basculé" dans la perspective d'une compréhension scientifique, la création ou non du monde par un dieu n'interfère plus. Mais je ne pense pas que ce désaccord ait de l'importance dans le cas précis.

 

Comme je suis un peu bouché, je ne vois pas ce que veut dire "la technique est une lecture du monde". Peut-être je ne comprends pas ce qu'est la technique. Pour moi, c'est un savoir faire, un ensemble de procédés, de méthodes, une démarche.

 

Il me semble que c'est plutôt la science qui nous permet de "lire le monde". Encore que ... des lunettes peuvent permettre de lire, mais si on ne sait pas lire, même avec des lunettes ...

 

Par exemple, à propos de lunette ;), la lunette de Galilée lui a permis de "lire le monde". Mais en même temps certains grands défenseurs de la mémoire galiléenne ont soutenu ici ;) que le génie de Galilée n'est pas d'avoir inventé la lunette (c'est pas lui) ni de l'avoir tournée vers le ciel (il semble que d'autres l'aient fait avant lui), mais d'avoir su "lire" ce que lui montrait la lunette.

 

Et la science de la lunette (Kepler ;) ) a suivi ses premières utilisations. La "science" a fait progresser la lunette qui a fait progresser la science ...

 

Bref il me semble que technique et science se situent sur des plans différents et leurs évolutions n'ont pas de raison de suivre les mêmes étapes. Par exemple, il me semble que les romains ont évolué techniquement mais pas scientifiquement.

 

Comprends-tu ce que je ne comprends pas ;) ? (Si tu peux nous éviter de plonger dans Heidegger, nous t'en serons éternellement reconnaissants ...)

Posté
Mais je ne pense pas que ce désaccord ait de l'importance dans le cas précis.
Non, effectivement...Il s'agit plus de dire que "vers ce moment de l'Histoire, les choses commencent à changer.

 

Pour moi, c'est un savoir faire, un ensemble de procédés, de méthodes, une démarche.
C'est effectivement la vision moderne (mais pas celle des grecs antiques), mais justement, elle est récusée par Heisenberg, qui s'appuyant sur les liens intimes entre science et technique, affirme qu'elle participe de notre représentation du monde...Ce que j'ignorais, au moment de cette lecture, c'est qu'il s'appuyait en partie sur Heidegger. Catheirne Chevalley en parle ensuite, et donne un bref résumé de la conférence d'Heidegger.

 

Le problème, en ce qui concerne ta requête de t'éviter Martin, c'est que c'est par sa lecture que je viens d'entreprendre que je commence à mieux comprendre, et Heisenberg, et ce que je pressentais déjà à propos des dispositifs techniques (influencé par la conception de Michel Foucault sur les "dispositifs").

 

Prenons par exemple l'automobile : Cela ressemble à un moyen de transport. Mais dans les faits, c'est une lecture et une reconstruction (une "mise en demeure" de la Nature, dit Heidegger) du paysage et de l'urbanisme.

 

De même, le téléphone portable n'est pas un moyen de communication (qui a besoin d'être en communication 24/24, en tout lieu ??) mais un dévoilement des rapports d'immédiateté des individus atomisés de la société moderne...et aboutit, entre autres, à une déconstruction/reconstruction du langage (SMS) (et accessoirement, à la mise sous contrôle strict des enfants, à l'extension spatio-temporelle du domaine du travail,...).

 

Par exemple, il me semble que les romains ont évolué techniquement mais pas scientifiquement.

Oui, je ne sais pas... Ils avaient la science des Grecs, quand même.

 

Edit : Tiens, je te cite un passage de la conférence d'Heisenberg qui introduit le problème de la technique. C'est juste illustratif, car il réfute ensuite les conclusions de ce conte en démontrant que ce n'est pas la Technique en soi qui pose problème, mais la représentation associée. En ce sens, il est moins clair et précis qu'Heidegger qui lui parle de l'essence de la Technique.

« Il y a deux millénaires le savant chinois Dschuand Dsi parlait déjà du danger de l’emploi des machines pour l’homme ; je voudrais citer ici un passage de ses écrits : « Lorsque Dsi Gung traversa la région au nord de la rivière Han, il vit un vieil homme qui travaillait dans son potager. Il y avait aménagé des rigoles d’irrigation. Il descendait lui-même dans le puits et remontait dans ses bras un récipient plein d’eau qu’il vidait dans les rigoles. Tout en se donnant une peine extrême il n’aboutissait qu’à peu de chose. Dsi Gung dit : Il existe un moyen d’irriguer cent rigoles en un seul jour. Avec peu de peine on arrive à de grands résultats. Ne veux-tu pas l’utiliser ? Le jardinier se redressa, le regarda et dit : Et que serait-ce ? Dsi Gung dit : On prend un levier de bois, lourd à l’arrière et léger à l’avant. C’est ainsi que l’on peut puiser de l’eau à profusion. On appelle cela un puits à chaîne. La colère monta à la figure du vieux qui dit en riant : J’ai entendu dire mon maître : « Celui qui utilise des machines exécute machinalement toutes ses affaires ; celui qui exécute machinalement ses affaires se fait un cœur de machine. Or celui qui porte un cœur de machine dans sa poitrine perd sa pure innocence. Celui qui a perdu sa pure innocence devient incertain dans les mouvements de son esprit. L’incertitude de l’esprit ne peut s’accorder avec le sens vrai. Ce n’est pas que j’ignore ces choses - j’aurais honte de m’en servir. »

 

Chacun sent que cette vieille histoire contient une part considérable de vérité ; car « l’incertitude dans les mouvements de l’esprit » est peut-être ce qui décrit de la façon la plus frappante l’état des hommes dans la crise actuelle : la technique, la machine ont envahi le monde dans une mesure dont ne pouvait se douter le sage chinois. »

 

[Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine, Idées, Gallimard]

Posté

Trop dur :( . J'ai trouvé ça :

La technique dont parle Heidegger ne renvoie pas aux machines. Il s'agit essentiellement d'une façon de penser qui cherche partout le profit et l'utile. Celle-ci ne sait plus regarder la vie pour elle-même. Et, ne regardant plus la vie pour elle même, elle réduit tout.
Bertrand Vergely (Les philosophes modernes - Heidegger et l'oubli de l'être)

 

Si je comprends bien, selon Heidegger, la technique met en demeure la nature de répondre à un besoin. Et la nature n'est vue que comme un objet propre à répondre à ce besoin : le fleuve comme source d'énergie ou voie de transport, etc ...

 

J'ai juste ? Mais alors, j'ai l'impression que la science, elle, échappe à cet utilitarisme. Pourquoi confondre les deux ?

Posté
Mais alors, j'ai l'impression que la science, elle, échappe à cet utilitarisme. Pourquoi confondre les deux ?
Elles ne sont pas confondues (*), mais sont intriquées, leur évolution est liée...

 

 

(*) En tout cas, pas par Heisenberg. Pour Heidegger, mes lectures sont encore insuffisantes pour répondre, et aussi notamment pour savoir ce que vaut le commentaire que tu cites. Je préfère essayer de le lire directement. De ce que j'ai lu, je n'ai pas vu mention d'utilitarisme. La Technique arraisonne la Nature, et l'homme finit par ne plus rencontrer que lui-même dans le monde. L'utilité ne me semble qu'anecdotique dans le processsus que décrit Heidegger.

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