La création de la distribution postale rurale en France le jeudi 1er avril 1830.

Bonjour à toutes et bonjour à tous,

Dans deux mois, le jeudi 1er avril 2010, nous fêterons le 180ème anniversaire de la naissance d'un service public essentiel dans la modernisation de la vie rurale en France : la desserte de tous les hameaux les plus reculés du royaume de France.

Même si vous n'êtes pas vous-même postier ou postier retraité (ou parent de postiers) vous avez été autrefois obligatoirement usager de ce service public qui était, jusqu'à l'avènement du téléphone dans les années 1975-1985, le seul moyen pour les Ruraux français de savoir ce qui se passait dans leur commune, leur canton, leur arrondissement, leur département, ailleurs en France, en Europe et dans le monde.

Amis Webastrams, même si vous habitez aujourd'hui une grande métropole de plusieurs centaines de milliers d'habitants, vos racines familiales sont sans doute issues de cette "France profonde" où les habitants avaient chaque jour, du lundi au samedi, le plaisir de voir leur facteur leur apporter, outre les lettres et les paquets, un peu de chaleur humaine et souvent les dernières nouvelles du bourg d'où il avait emporté le courrier qui était adressé à la ferme en question. Cette présence quasi quotidienne vous semble si naturelle que vous pensez sans doute qu'elle a toujours existé et qu'elle ne peut pas être remise en question. Ce sujet vous montrera que pour ces deux sentiments la réponse n'est hélas pas franchement affirmative.

La distribution rurale fêtera dans un peu plus d'un mois ses 180 ans. Elle est née en effet le jeudi 1er avril 1830. Ce jour-là est entrée en application la grande réforme de la distribution généralisée à toutes les communes de la France (il y en avait à l'époque 37 460) voulue par la loi du 3 juin 1829, signée par le roi Charles X, qui décida que désormais toutes les communes de France, non pourvues d'un établissement de poste (il n'y en avait que 1 875, donc 35 585 communes n'étaient pas desservies postalement), verraient passer le facteur un jour sur deux.

Pourquoi a-t-on attendu une année avant de mettre cette loi à exécution ? Eh bien, il s'est tout simplement posé un considérable problème de logistique : il a fallu réaliser en toute hâte le plus important recrutement de toute l'histoire de la poste française : cinq mille facteurs ont été recrutés pour satisfaire la réforme de la distribution rurale. Aujourd'hui, en 2010, un tel recrutement de 5 000 facteurs serait considérable !!! et inenvisageable... :(

Fin 1829 la poste française comptait 4 051 agents travaillant dans 1 875 bureaux de poste. Un an plus tard, fin 1830, il y avait 9 030 agents, soit une augmentation de 122,91 %. :o

Pour donner une idée de ce que représentait alors cette explosion du nombre d'agents pour la poste il faut savoir que cela équivaudrait aujourd'hui (où en 2008 selon le site Internet du Groupe La Poste [http://www.laposte.fr/Le-Groupe-La-Poste/Metiers/Courrier/Chiffres-cles] il y avait 191 000 "collaborateurs" - quelle horrible appellation !!!... :mad: - dans les "services du Courrier", dont 55,7% d'hommes et 44,3% de femmes) à organiser un recrutement de 191 000 * 1,2291 = 234 758 personnes !!!... :b:

Que se passait-il avant le 1er avril 1830 ? Eh bien, les facteurs ne desservaient que les villes et les bourgs sièges d'un établissement postal. Pour les destinataires de la campagne ils devaient, après éventuellement en avoir été informés par des voisins s'étant rendus en ville où ils l'avaient appris, se déplacer en personne au bureau de poste pour y retirer leur lettre. Sinon, au bout d'un certain temps ces missives en instance étaient mises aux rebuts pour y être détruites. Près du quart des correspondances ne parvenaient pas à leurs destinataires. :cry:

Le jeudi 1er avril 1830 au matin les quelque 4 979 facteurs déjà recrutés à cet effet (sur les 5 000 prévus) quittèrent leurs bureaux de poste pour livrer les correspondances dans les campagnes. Le destinataire devait toutefois acquitter une surtaxe de dix centimes (le "décime rural", qui ne disparaîtra qu'en 1862) sur le prix de l'affranchissement normal :

20 centimes jusqu'à 50 kilomètres pour une lettre du premier échelon de poids (7,5 grammes alors). Il lui fallait donc débourser en tout 30 centimes, soit une surtaxe rurale considérable de 50 % ! A l'époque c'était au destinataire de payer le port. S'il refusait l'objet avait été transporté au fin fonds des campagnes pour rien. Pour lutter contre ce manque à gagner la poste décida qu'à compter du 1er juillet 1854 ce serait à l'expéditeur de payer le port au départ, sinon le destinataire d'une lettre non affranchie au dépôt payerait une surtaxe de 50 %.

Cette réforme de 1830 dût sans doute être très appréciée des maires ruraux et ils agirent efficacement pour son extension, car la loi du 21 avril 1832 décida qu'à compter du 1er juillet 1832 c'est désormais quotidiennement, y compris le dimanche, que le facteur devra passer dans toutes les communes de France. En pratique cela ne pourra être réalisé entièrement qu'en 1863.

Jusqu'à la fin du XIXème siècle la poste française ne cessa de prendre un essor considérable, témoin ce tableau extrait d'un article de "La Revue des PTT de France" n°4 de 1981, page 36 :

* année 1789 :

• nombre d'agents : 2 950
  
• nombre de bureaux de poste : 1 284
  
• trafic (en millions d'objets) : 30
  

* année 1820 :

• nombre d'agents : 3 519
  
• nombre de bureaux de poste : 1 775
  
• trafic (en millions d'objets) : -------
  

* année 1829 :

• nombre d'agents : 4 51
  
• nombre de bureaux de poste : -------
  
• trafic (en millions d'objets) : -------
  

* année 1830 :

• nombre d'agents : 9 030
  
• nombre de bureaux de poste : 1 875
  
• trafic (en millions d'objets) : 103,7
  

* année 1856 :

• nombre d'agents : 23 419
  
• nombre de bureaux de poste : 3 832
  
• trafic (en millions d'objets) : 357,8
  

* année 1860 :

• nombre d'agents : 25 368
  
• nombre de bureaux de poste : 4 248
  
• trafic (en millions d'objets) : 444,4
  

* année 1890 :

• nombre d'agents : 63 277
  
• nombre de bureaux de poste : 7 449
  
• trafic (en millions d'objets) : 1 762,7
  

C'est le Gouvernement de Vichy qui a supprimé la distribution postale dominicale début août 1941. Le ministre des PTT (il portait le titre de "Secrétaire d'État aux Communications") d'alors, Jean Berthelot fit paraître une note le 31 juillet 1941 (reproduite au Bulletin Officiel des PTT n° 22 du 10 août 1941, page 623) déclarant qu'à compter du dimanche 3 août 1941 la distribution postale était supprimée le dimanche. C'est donc le dimanche 27 juillet 1941 que les facteurs ont effectué leur dernière distribution dominicale.

Cet avenir est évidemment lié à celui du maintien des bureaux de poste en zone rurale. Dix ans après la mise en place de la "réforme Paul Quilès" le 1er janvier 1991 (date d'application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 "relative à l'organisation du service public de la Poste et des Télécommunications") ce maintien était toujours problématique. Juste avant le passage au troisième millénaire le tout nouveau Président de La Poste, Martin Vial (il avait remplacé Claude Bourmaud le 20 décembre 2000) avait répondu très franchement à cette question dans le quotidien " Le Parisien" / "Aujourd'hui en France", je vous en reproduis l'extrait concernant ce problème :

"Le Parisien" / "Aujourd'hui en France" du mercredi 28 février 2001 :

Question à Martin VIAL : « Votre réseau de 17 000 bureaux coûte très cher. Allez-vous devoir en supprimer, notamment en zone rurale ? ».

Réponse de Martin VIAL : « Il n'existe aucun programme national ni régional de réduction de ces bureaux. Ce qui ne veut pas dire que l'utilisation de ce réseau ne doit pas évoluer. Nous souhaitons que les bureaux en zone rurale où l'activité est très réduite soient mieux utilisés et puissent devenir des lieux de contacts pour plusieurs services publics. En tout cas, rien ne se fait et ne se fera sans concertation avec les élus locaux. »

La réponse du Président de La Poste Martin Vial était sans ambiguïté : l'avenir des bureaux de poste en zone rurale, et donc de la distribution rurale qui y est évidemment liée, dépendra des élus locaux. Ceux-ci accepteront-ils d'indemniser La Poste pour maintenir des bureaux déficitaires en zone rurale, et donc pour cela concrètement d'augmenter les impôts locaux ? Rien n'est moins sûr. Ce sera aux citoyens français d'être vigilants lors des prochaines échéances électorales, nationales, régionales mais surtout locales.

Pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur l'évolution du métier de facteur en France, le livre de Paul Charbon et Pierre Nougaret "Le facteur et ses métamorphoses" est le livre de référence :

Voici la photographie d'une très ancienne voiture de facteurs : :)

Enfin, dommage que tous les facteurs de France n'aient pas un véhicule comme celui-là pour faire leur distribution !!!... :be:

Roger le Cantalien.

Ainsi voici l'explication de cette grande farce : le 1er avril !

Très intéressant.

Mais il faut attendre 180 ans pour comprendre que c'était une blague.

En tout cas, dans les campagnes le passage du facteur est important.

Très intéressant.

 

Mais il faut attendre 180 ans pour comprendre que c'était une blague.

 

En tout cas, dans les campagnes le passage du facteur est important.

...pour repeupler la France, c'est ça ?

Un petit cadeau pour Roger