Au sommet du Géant

Date : Samedi 14 juillet 2012, de 22h à 4h30

Site : Mont Ventoux

Matériel : Dobson 254/1200, Panoptic 24, Pentax XW 14 et Nagler 7, Powermate x2,5, filtres UHC et OIII.

Conditions : Ciel assez noir (quoique le site laissait espérer mieux) et turbulence globalement importante.

Température : autour de 15°C à vue de nez...

Il est bien rare que je me laisse entraîner sur les voies de l'astronomie de groupe, l'asocial que je suis préférant souvent la compagnie du silence et de la solitude face aux étoiles. Mais hier soir, il me fallait un guide pour trouver un bon spot permettant de profiter du ciel du Ventoux et pour prévoir le spectacle de l'occultation de Jupiter. Et ce guide, ce fut l'excellent Jcco, avec qui j'ai passé l'une de mes meilleures soirées d'astro.

Après l'avoir retrouvé sur le parking du Chalet Reynard, et constaté le vent violent qui y soufflait, nous avons cheminé de conserve vers une petite clairière autrement abritée, bien plus sereine pour l'exploration du ciel profond. Tout en se promettant de retourner au sommet au moment de l'arrivée de la lune à l'horizon...

J'ai commencé mes observations par quelques étoiles doubles, histoire de me mettre en appétit sans pour autant souffrir du ciel encore clair. Delta du Bouvier, joli couple facile à distinguer, à la principale dorée et au compagnon bleuté, est la première. Izar vient en second, et pendant un instant, je crains de ne pouvoir séparer ce couple très serré. Mais les trous de turbulence viennent à mon secours lorsque je grossis à 430x, pour enfin remarquer le petit compagnon bleu-vert collé à sa partenaire dorée. Un très joli couple, qui mérite à mon avis une nouvelle visite par bon seeing.

Me sentant bien dans le Bouvier, je passe à Rho Bootis, elle aussi difficile à séparer, malgré un écartement raisonnable. Mais c'est aussi parce que la secondaire est très faible par rapport à sa copine, apparaissant seulement à 430x dans la zone de diffusion de la principale. Je suis content d'être parvenu à résoudre ce couple !

Vient enfin le tour d'Alkalurops, qui me réserve une petite surprise lorsque je grossis 170x : sa secondaire est une double très serrée, ce qui en fait un système triple. L'ensemble est franchement charmant.

Je passe ensuite un très long moment de dessin et d'analyse croisée avec les observations simultanées de Jcco sur NGC 6888, la nébuleuse du Croissant, dans le Cygne. Et il faut dire que l'objet le mérite bien, ses voiles délicats et ses nombreux détails apparaissant seulement à l'observateur patient et concentré (et doté d'un OIII ). Ce qui me poussera d'ailleurs à oser une comparaison hardie avec un bretzel, plutôt qu'un croissant. La preuve : clic.

Sur les conseils de mon partenaire, je vise ensuite NGC 5907, une galaxie très fine dans le Dragon. Vision étonnante que ce trait fin, comme jeté sur le ciel d'un coup de crayon vif. Jcco m'affirme que si le ciel était vraiment au top, on pourrait voir les extensions de cette drôle de galaxie bien plus loin. Dommage que les conditions actuelles ne s'y prêtent pas. Au passage, je découvre aussi NGC 5866, qui hélas manque de détails mais reste intéressante, emprisonnée entre deux étoiles bien visibles.

Restant dans le thème des galaxies, je décide de tester M51, et malgré les conditions apparemment pas optimales, j'ai le plaisir de redécouvrir le Tourbillon, absolument magnifique, avec ses bras spiraux faciles (encore plus en vision décalée) et ses beaux détails, dont de fines étoiles sur la surface de l'objet...

Le Cygne étant bien placé, il est impensable de ne pas se faire un détour par les Dentelles. Et là, que dire, si ce n'est que nous tombons tous les deux sous le charme, comme d'habitude. Je crois qu'on pourrait voir ce rémanent des centaines de fois sans s'en lasser. Emportés par notre enthousiasme, nous passons chacun pas mal de temps à croquer la Petite Dentelle et à prendre des notes, dans l'espoir de produire un dessin rendant justice à cette merveille. La mise au propre sous Photoshop n'aura rien d'évidente, et donnera ceci.

La turbulence semblant un peu moindre, je décide de me trouver une nébuleuse planétaire. Le sort tombe sur NGC 7027, toujours dans le Cygne. A 50x, elle a un aspect qui la distingue déjà subtilement des étoiles qui l'entourent. A plus fort grossissement, et à travers les trous de turbu, il me semble y voir une structure double, qui me sera confirmée par la suite sur le Web. Content d'avoir perçu cette subtilité !

Je passe aussi un petit moment sur M20, la Trifide, afin de voir si je parviens à retrouver les faibles couleurs qui m'avaient émerveillé l'an dernier à Lure. Gagné : le trèfle lui-même me semble arborer une teinte très (mais alors vraiment très très) légèrement rose, tandis que l'autre partie de la nébuleuse m'apparaît vaguement bleutée, mais sans doute cette impression est-elle renforcée par la couleur orangée de l'étoile centrale... En tout cas, je suis content de percevoir ces faibles mais bien réelles nuances.

Mais il est l'heure de partir pour le sommet, où nous attend l'occultation de Jupiter par la Lune. Et par un timing impeccable, Catluc passe juste devant nous et nous guide jusqu'à un point censé nous protéger du vent... sauf que ce dernier a tourné depuis le transit de Vénus, et nous voilà forcés de trouver un autre refuge. Nous y parvenons heureusement, mais les rafales épuisent nos forces rapidement, tandis que nous suivons au loin le lever de lune à l'horizon. Jupiter suit peu après, et la turbulence s'affaiblissant avec le temps, les flammes qui semblent courir sur le bord de la lune faiblissent, laissant apparaître les quatre satellites habituels, bien rangés de part et d'autre de la géante gazeuse.

La procession approche à la fois rapidement et terriblement lentement du côté éclairé de Sélène, puis deux satellites galiléens sont absorbés coup sur coup par la turbulence lunaire, semblant à chaque fois surnager désespérément et apparaître par intermittence avant de se laisser couler. Vient le tour de Jupiter, simple disque flou qui approche inéluctablement, laissant un bref instant un fin trait noir le séparer de notre satellite, avant de plonger à sa surface, suscitant pour nous des images aussi diverses que "champignon", "verrue" ou même "téton". Les deux derniers satellites suivent comme ceux qui les ont précédés, et vient le temps de l'attente.

Jcco tient héroïquement le coup face au vent glacial qui lui gèle les doigts, tout en admirant la lumière cendrée de la face sombre de la Lune, qui laisse voir de beaux détails. L'attente est longue, mais finalement récompensée par l'arrivée inratable du premier satellite de Jupiter, fin point brillant à la surface de la lune. Il est bientôt suivi par son compagnon, précédant la géante gazeuse qui, cette fois, nous laisse admirer plus facilement son disque et ses bandes, ses quelques taches et ses teintes si reconnaissables. On serre les dents et on tient le coup jusqu'à l'émersion des deux derniers satellites, profitant par instants de la vision à l’œil nu, franchement magnifique, d'autant que Vénus s'est levée, et parachève avec une harmonie dont seule est capable la nature, ce beau tableau planétaire. J'ai tenté de restituer les plus beaux moments de cette occultation ici.

Rideau ! Après une nuit pareille, et nos forces sapées par le vent inlassable, il est temps de plier bagage et de rentrer à la maison. Mais voilà une soirée vraiment réussie, qui devrait rester longtemps dans mon souvenir...

Salut l'amateur (presque) solitaire

Sympa de nous narrer cette sortie pleine de beaux objets

Après l'avoir retrouvé sur le parking du Chalet Reynard, et constaté le vent violent qui y soufflait, nous avons cheminé de conserve vers une petite clairière autrement abritée

Ben normal, le mont Ventoux doit son nom au vent qui souffle constament en venant de toutes les directions

Vient enfin le tour d'Alkalurops, qui me réserve une petite surprise lorsque je grossis 170x : sa secondaire est une double très serrée, ce qui en fait un système triple. L'ensemble est franchement charmant.

Interressant, il s'agit de Mu Bootis il me semble, j'irais l'observer à la première occas'

Le sort tombe sur NGC 7027, toujours dans le Cygne. A 50x, elle a un aspect qui la distingue déjà subtilement des étoiles qui l'entourent. A plus fort grossissement, et à travers les trous de turbu, il me semble y voir une structure double, qui me sera confirmée par la suite sur le Web. Content d'avoir perçu cette subtilité !

Oh oui, je l'adore cette planétaire mais comme tu le dit, il faut avoir la possibilté de bien la grossir

Mais il est l'heure de partir pour le sommet, où nous attend l'occultation de Jupiter par la Lune.

Ouaip, chez nous dans les Alpes du Nord, c'était rappé pour cette occultation merci donc de l'avoir partager avec nous

Jcco tient héroïquement le coup face au vent glacial qui lui gèle les doigts

A ce point là

Bon dimanche et au plaisir de te lire

Salut Vakoran !

Eh ben, voici un beau Croa bien rempli d'observations originales...et qui se termine par la très belle occultation de ce matin..., que je n'ai pas pu observer moi non plus...(comme Dédé !).

Intéressantes, toutes ces étoiles multiples observées:cool: !

Et beaucoup d'autres objets plus faibles...(galaxies, nébuleuses)

Je vous envie pour l'occultation...et pour vos nombreuses sorties sous les étoiles. En ce moment, chez moi, le ciel n'est dégagé que la journée...

J'attends toujours une amélioration...:?:en vain...!

Merci pour ce Croa et pour le partage:D.

A plus, et bon ciel !

Philippe.

Bonjour Vakoran,

Soirée bien sympatique... dans des conditions de vent pas faciles. Mais quand la passion est là

Très très bon croa. J'aime beaucoup ta précision et ta façon de décrire les objets.

Contente d'apprendre que même les asociaux peuvent trouver leur compte dans les observations de groupe

Merci, en attendant les dessins,

Ln

Salut Frederic,

Tu es bien plus courageux que moi qui viens tout juste de me lever et de prendre un cafe. Faut dire que j'accumule un peu les sorties.

A ce point là

Oui dede !! Quand je suis monte dans la voiture le thermometre indiquait 4 degres...il y avait en plus un vent glacial dont les rafales devaient bien atteindre les 40/50 km/h. Sans parler de l'humidite car le sommet etait parfois plonge dans la brume et nos tubes etaient trempes....Bref, ca caillait grave!!

Je n'avais pas de gants......a un moment donne, j'avais garde mon pano 24 dans la main et au bout de 5 minutes, j'avais l'impression de tenir un morceau de glace. Je grelottais et je ne savais plus si les tremblottements de l'image etaient dus au vent ou au fait que je claquais des dents en permanence.

J'ai failli abandonner avant l'emersion du dernier satellite....c'est Vakoran qui m'a motive pour tenir jusqu'au bout.....a l'instant ou j'ai apercu le petit point brillant qui apparaissait au bord du disque lunaire, j'ai pousse un soupir de soulagement et j'ai immediatement commence a plier le matos.

Maintenant j'ai la creve et un torticolis carabine qui m'empeche de tourner la tete.....j'ai cependant passe une super soiree et je suis content de ne pas avoir rate ce spectacle.

A bientot,

JC

Bonjour

Moi j'ai tenu 15 mn de plus que vous. Je confirme les 4°.

Le 260 trempe dehors et dedans.

C'était bien le Foehn le seul nuage de la région était au sommet.

Je suis descendu chauffage à fond jusqu'au chalet.

Super récit vakoran.

En complément j'ai fait un croa photos dans la rubrique photo.

Désolé pour toi JC j'espère que ça va vite passer.

Bonne journée.

Luc;)

Maintenant j'ai la creve et un torticolis carabine qui m'empeche de tourner la tete.....j'ai cependant passe une super soiree et je suis content de ne pas avoir rate ce spectacle.

 

A bientot,

 

JC

Quand on aime on ne compte pas et parfoit on passe pour des tarrés

Je te souhaite un prompt rétablissement

Merci à tous d'être passés me lire, je suis content si le récit de cette superbe soirée vous a plu !

C'est vrai que niveau climat, je mesure ma chance actuellement...

Sinon, le premier dessin de cette soirée est en ligne dans la section ad hoc !

EDIT : Et hop, le second aussi.

Je me permets de faire un double-post car les dessins de l'occultation sont désormais en ligne, dans la section habituelle.

Pas la possibilité d'observer pendant un moment maintenant, c'est le moment d'une pause obligée...

Tiens, ce petit tour dans le Dragon me rappelle que NGC 5907 trône en belle position sur ma liste de cibles prochaines ... l'an dernier je n'avais pas été foutu de la voir alors que 5866 m'étonnait de facilité (et oui, je me rappelle de ces deux étoiles entre lesquelles elle est, je crois)