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20 bougies, 110 messiers et une planète retrouvée


garfieldthecat

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Il existe certaines soirées qui comptent plus que d’autres, dans une vie d’astronome amateur : premières contemplations du ciel nocturne, premiers coups d’œil jetés à l’oculaire, ciels exceptionnels, objets majestueux éblouissant les yeux ou petites tâches floues glanées à force de patience, évènements rares voire uniques… Des soirées que, plusieurs années ou décennies après, on se plaît à partager avec nos compréhensifs camarades amateurs (qui eux aussi ont leurs propres histoires), ou à raconter à l’oreille conciliante et un peu amusée de nos proches et amis néophytes.

 

 

Il y a vingt ans, à quelques semaines près, je connu une soirée comme celles-ci… mon premier petit doigt de pied timidement trempé danss l’océan de l’observation du ciel étoilé. Ce soir de Septembre 1992, encore jeune adolescent, je décidais (par curiosité et aussi probablement par manque d’autres occupations) d’utiliser ce drôle de petit livre d’astronomie qui m’avait été offert le noël précédent et qui présentait les principales constellations visibles au fil des saisons. Je me passionnais déjà un peu à l’époque pour la conquête spatiale et j’avais toujours aimé contempler le ciel nocturne, mais d’un œil distrait et sans chercher à connaître plus en profondeur cet Univers qui s’étalait au dessus de moi.

 

Ce soir là, donc, je sortais dans le petit jardin de la maison de ville qui deviendrait mon premier observatoire, et levais les yeux au ciel… Aidé du petit livre, je ne tardais pas à faire ma première observation d’astram : cinq étoiles disposées en W et situées quasiment au zénith, formant une constellation au drôle de nom : Cassiopée. Cette même soirée, je découvris également Persée et ce qui fût mon premier objet du ciel profond, mon premier objet du catalogue Messier comme je l’appris par la suite : les Pléiades (alias Messier 45). Emballé et encouragé par ces débuts très prometteurs, je me mettais dans les semaines suivantes à sortir observer à l’œil nu le ciel d’automne, puis d’hiver, dès que le temps le permettait.

 

Lorsque mes parents s’enquirent de mes envies de cadeaux pour la Noël à venir, je n’eu pas une seconde d’hésitation en leur demandant une petite lunette d’astronomie. Dès le 26 Décembre 1992, je réalisais ainsi mes premières observations - assez désastreuses les premiers temps, il faut bien l’avouer - avec une petite lunette de 60/700 azimutale et bien sûr non motorisée (il va sans dire qu’à l’époque, un concept comme le Goto relevait plus de la rêverie hors de prix que de l’outillage du parfait débutant).

 

 

Après 20 ans d’observations sous tous les ciels de France, des visions de galaxies et de nébuleuses, de quasars et de comètes, d’éclipses et de dômes lunaires, cette observation de Septembre 1992 reste à part dans mes souvenirs. Il y eu d’autres soirées mémorables, dont j’ai relaté certaines ici même. Et puis désormais, au panthéon de mes bonheurs nocturnes, il y aura cette soirée du 20 au 21 Juillet 2012.

 

Dès les premiers mois de mes observations télescopiques de 1993, je me fixais comme objectif un peu arbitraire d’observer tous les objets du catalogue le plus célèbre du ciel profond, le catalogue Messier. Au cours des vingt années qui suivirent, j’appris à découvrir et contempler nombre de ces objets, dont beaucoup devinrent familiers à ma pupille jusque dans les moindres détails que je pouvais leur soutirer à coups de patientes observations et de ruses visuelles dignes des sioux : l’immensité de M31, le rond de fumée de M57, les volutes de M42, le fourmillement de M13, M3 et M5, les spirales de M51 et M33…

 

Et pourtant, même après 20 ans, je n’avais pas pu observer la totalité des 110 objets du catalogue mythique. Deux de ces objets, particulièrement bas sous nos cieux normands, m’avaient toujours échappé par manque de conditions favorables : M19 et M62.

 

 

Cette soirée du 20 Juillet réunissait enfin toutes les conditions pour « boucler la boucle » et fêter comme il se doit ce vingtième anniversaire la tête dans les étoiles : un ciel sans nuages et sans Lune après deux mois de disette sous la pluie, un horizon Sud dégagé et à peu près exempt de pollution lumineuse et un passage au Sud de ces deux objets vers 23h30.

Je sortais donc Edwin, le dobson de 300/1200 qui accompagne mes soirées nocturnes depuis quatre ans maintenant, dès 21 heures pour une bonne mise en température. Et c’est sous un ciel non encore totalement obscurci que je sortais chercher les deux manquantes à l’appel.

 

 

Messier 19 et Messier 62 sont deux amas globulaires situés aux confins méridionaux de la constellation du Serpentaire (Ophiuchus), à proximité Ouest de la tête du Scorpion et de la flamboyante Antarès.

 

M62 et situé à une déclinaison de -30° Sud, raison pour laquelle il ne passe jamais plus de 10° au dessus de l’horizon normand, toujours noyé dans les basses couches atmosphériques et très souvent dans un brouillard de pollution lumineuse ou tout simplement caché par le relief environnant. Le petit village dans lequel je me suis installé depuis quelques mois me permet de m’affranchir des deux dernières composantes et de contempler un amas dense et bien rond, de 10 à 15 minutes d’arc de diamètre, dans lequel l’oculaire de 26mm permet de deviner quelques étoiles. Devant la mauvaise qualité de la vision, je décide de ne pas pousser le grossissement et de profiter des quelques minutes qui me restent à contempler cet « avant-dernier » Messier avant qu’il ne passe derrière une tête d’arbre du voisinage.

 

M19 bénéficie de conditions un poil plus favorables, environ 5 degrés plus au Nord que M62. Cet amas globulaire m’offre alors une très bonne surprise à l’observation. C’est un objet assez étendu (15 à 20 minutes d’arc), présentant une forme légèrement ovalisée. Au 26mm, plusieurs dizaines de composantes sont déjà visibles. A grossissement plus poussé (oculaire de 7mm), l’objet est magnifique malgré sa faible hauteur sur l’horizon, me laissant penser qu’avec une déclinaison un peu plus favorable. il pourrait allègrement concurrencer les stars globulaires de nos ciels septentrionaux : M13, M5 et M3.

 

J’observe M19 depuis plusieurs minutes quand je me rends enfin compte que la promesse que je m’étais faite jeune astronome amateur débutant vient d’être réalisée. Ces 110 objets patiemment répertoriés au 18ème siècle par un amoureux des comètes souhaitant simplement éliminer les intrus étaient tous passés, à un moment ou à un autre, sous mon regard scrutateur et émerveillé… le cas litigieux de M102 ayant été réglé en observant également NGC5866, histoire d’être sûr.

 

 

Cette soirée était déjà exceptionnelle, mais – pour mon plus grand bonheur – elle n’était pas encore finie. Ces 20 premières années d’observations s’achevant, il était temps d’ouvrir une nouvelle page et de revenir sur une tentative d’observation faites plusieurs années auparavant aux RAP et soldée par un échec cuisant relaté ici : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=46442

 

 

Je m’échauffais sur la petite Nova apparue depuis peu dans le Sagittaire, et facilement repérée grâce aux cartes, descriptions et dessins fournis par les webastrams (merci notamment à Laurent Ferrero pour toutes ses informations très précieuses et à Dédé de Saint Fé pour son dessin bien utile) sous le fil de discussion suivant : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=96213

 

La Nova m’apparait à l’oculaire comme une simple étoile de magnitude 9, mais le champ d’étoiles situé en plein cœur du Sagittaire est riche et est rehaussé par une belle étoile orange de magnitude 5.

 

 

Il était temps de passer à l’observation d’un petit bout de caillou qui hantait mes nuits étoilées depuis un certain soir de Mai 2009. Lors de ma préparation d’observation, j’avais bien pris soin avec le logiciel Cartes du Ciel de sortir une carte du fond étoilé jusqu’à magnitude 15, histoire d’être sûr de ce que je verrais, et surtout de régler les paramètres d’observation du logiciel à la bonne date (on peut tromper une fois une personne, on ne peut pas tromper mille fois mille personnes…). Les conditions étaient idéales : Pluton – car il s’agit bien d’elle – passait à plus de 20 degrés au dessus de l’horizon vers 00h30, et était située en plein cœur du Sagittaire, en bordure de l’amas ouvert Messier 25. Ce champ stellaire fourmillant me permettrait d’avoir un choix pléthorique dans les repères visuels dont j’avais besoin pour trouver la petite vagabonde, mais supposait aussi le risque de confondre le petit point faiblard de la planète déchue avec un des centaines d’autres petits points faiblards qui se retrouveraient dans le champ de mon oculaire.

 

Je pointais mon télescope sur M25, prenais le temps de contempler le cœur de cet amas particulièrement spectaculaire au 26mm et trouvais vite mes étoiles repères. J’avais cerné la zone où devait se trouver Pluton, ne me restait plus qu’à grossir et trouver la petite perle…

 

Au 7mm, je repère vite les 5 étoiles de magnitude 10 à 12 qui constituent mon repère ultime pour trouver Pluton. Elle ne sont éloignées les unes des autres que de quelques minutes d’arc. Pluton est sensée se trouver à quelques dizaines de secondes d’arc de l’une d’entre elles, que je repère facilement et sur laquelle je me fixe. Pendant plusieurs secondes, Pluton reste aux abonnés absents. Et puis, en vision décalée, un petit point pâlot apparaît pendant un instant et disparaît… pour revenir aussitôt. Il semble jouer avec la turbulence, tantôt parfaitement visible en vision décalée, tantôt totalement absent.

 

J’observe ce balai pendant plusieurs minutes, afin d’être sûr de ce que je vois, puis je vais consulter mes cartes pour me persuader que la position est la bonne, qu’aucune étoile « parasite » ne peut se confondre avec la planète à cette position et que je ne rêve pas. Cette fois ci, il n’y a plus de doute, c’est bien Pluton qui vient de passer plusieurs minutes à me faire des clins d’œil.

 

Je reviens à l’oculaire, le sourire jusqu’aux oreilles, et reste encore à contempler notre lointaine sœurette plusieurs minutes jusqu’à ce que l’œil, fatigué par les efforts consentis, me rappelle que rien n’est éternel.

 

 

Avant de rentrer, je ne pouvais m’empêcher de présenter mes respects aux enchanteresses nébuleuses de l’été : M8, bien visible à l’œil nu, le trèfle de M20, M16 et 17, et enfin Les majestueuses hôtes du Cygne : les dentelles et la North America. En une nuit, j’avais ainsi acquis de quoi rêver encore pendant 20 ans et la motivation pour aller chercher les milliers de merveilles du ciel qui me restent encore à découvrir.

Modifié par garfieldthecat
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Bonjour garfieldthecat :)!

 

C'est un intéressant petit récit que tu as posté là...

 

Bravo pour les 110 messiers, et pour Pluton :o!

Moi aussi, j'ai commencé avec une lunette 60/700...:p

 

Je te souhaite un bon ciel:rolleyes:. Et merci pour le partage:D.

A plus ;)!

 

Philippe.

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Hello,

 

Ah oui Pluton, sacré challenge. Bravo à toi.

 

Merci pour ce petit historique. Ca fait un peu écho à quelques souvenirs que j'ai également ;). Comme quoi ça existe vraiment, l'enchantement... et en plus il faut pas toujours grand chose pour que cela se produise...

 

A+

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Bonjour Garfieldthecat

 

Des soirées que, plusieurs années ou décennies après, on se plaît à partager avec nos compréhensifs camarades amateurs (qui eux aussi ont leurs propres histoires), ouà raconter à l’oreille conciliante et un peu amusée de nos proches et amis néophytes.

:D C'est tellement vrai (même quand c'est plus récent)...

 

Dès les premiers mois de mes observations télescopiques de 1993, je me fixais comme objectif un peu arbitraire d’observer tous les objets du catalogue le plus célèbre du ciel profond, le catalogue Messier. Au cours des vingt années qui suivirent, j’appris à découvrir et contempler nombre de ces objets, dont beaucoup devinrent familiers à ma pupille jusque dans les moindres détails que je pouvais leur soutirer à coups de patientes observations et de ruses visuelles dignes des sioux : l’immensité de M31, le rond de fumée de M57, les volutes de M42, le fourmillement de M13, M3 et M5, les spirales de M51 et M33…

(...)

En une nuit, j’avais ainsi acquis de quoi rêver encore pendant 20 ans et la motivation pour aller chercher les milliers de merveilles du ciel qui me restent encore à découvrir.

C'est touchant, et puis en même temps plein d'espoir et de promesses pour les néos dont je fais partie...

 

Alors bon anniversaire astro, 20ans, ça se fête...

 

Ln

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Merci pour vos commentaires!

 

Pour Pluton, c'est le moment ou jamais, elle est bien haute et avec un 300mm (ce qui était énorme il y a 20 ans mais beaucoup plus répandu aujourd'hui) et un peu de préparation le coup est jouable. Et puis même si on la rate, M25 offre un beau spectacle à lui tout seul.

 

In2d2, pour l'anecdote, quand j'ai raconté mon observation de Pluton à ma compagne (pas du tout astro), elle s'est contenté d'un "ah... c'est bien". Pas grave, pour me venger je compte bien transformer nos enfants en petits astronomes en herbe :)

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Bonjour Garfieldthecat :).

 

Très beau CROA.

C'est souvent le défit que l'on se donne au début les 110 Messiers,bravo pour l'avoir réalisé.

J'ai jamais tenté de voir Pluton,tu me donne bien envie d'essayer.

 

Encore merci pour cet émouvant témoignage de notre passion .

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Salut The Cat :)

 

Quel plaisir de te lire :wub:, mais quel dommage que tu ne croates pas plus souvent :confused:

 

Je pointais mon télescope sur M25, prenais le temps de contempler le cœur de cet amas particulièrement spectaculaire au 26mm et trouvais vite mes étoiles repères. J’avais cerné la zone où devait se trouver Pluton, ne me restait plus qu’à grossir et trouver la petite perle…

 

Au 7mm, je repère vite les 5 étoiles de magnitude 10 à 12 qui constituent mon repère ultime pour trouver Pluton. Elle ne sont éloignées les unes des autres que de quelques minutes d’arc. Pluton est sensée se trouver à quelques dizaines de secondes d’arc de l’une d’entre elles, que je repère facilement et sur laquelle je me fixe. Pendant plusieurs secondes, Pluton reste aux abonnés absents. Et puis, en vision décalée, un petit point pâlot apparaît pendant un instant et disparaît… pour revenir aussitôt. Il semble jouer avec la turbulence, tantôt parfaitement visible en vision décalée, tantôt totalement absent.

 

J’observe ce balai pendant plusieurs minutes, afin d’être sûr de ce que je vois, puis je vais consulter mes cartes pour me persuader que la position est la bonne, qu’aucune étoile « parasite » ne peut se confondre avec la planète à cette position et que je ne rêve pas. Cette fois ci, il n’y a plus de doute, c’est bien Pluton qui vient de passer plusieurs minutes à me faire des clins d’œil.

 

Je reviens à l’oculaire, le sourire jusqu’aux oreilles, et reste encore à contempler notre lointaine sœurette plusieurs minutes jusqu’à ce que l’œil, fatigué par les efforts consentis, me rappelle que rien n’est éternel.

Quel magnifique cadeau d'anniversaire ;)

 

Et bravo pour cette performance :)

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Salut The Cat :)

 

Quel plaisir de te lire :wub:, mais quel dommage que tu ne croates pas plus souvent :confused:

 

 

Quel magnifique cadeau d'anniversaire ;)

 

Et bravo pour cette performance :)

 

 

 

Hello Dédé!

 

C'est toujours un plaisir de te lire.

 

C'est vrai que mes interventions se font rares depuis quelques temps sur Webastro. Quant aux croas, il faut bien de la matière première et mes possibilités d'observations se font rares ces derniers temps... l'arrivée d'un petit Garfield junior il y a trois mois n'aidant pas ( mes nuits sont pour un temps moins étoilées que biberonnées, mais c'est un autre genre de bonheur :) ).

 

Mais j'essaye de venir lire les cROAs de mes camarades quand le temps me le permet ;)

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