Quatre nuits bretonnes aux jumelles

[Zuddi]

Je dois avouer que depuis mes premières observations au télescope, en janvier, je n'ai pas beaucoup pointé le bout de mon nez dehors... D'abord on ne voit pas grand chose de mon jardin, ensuite les lampadaires de la banlieue parisienne commencent à me taper sur les nerfs, et enfin il fait moche tout le temps ! Si si, tout le temps, j'ai bien vu Du coup, les deux petites semaines dans la campagne bretonne, d'où je reviens à peine, furent la première occasion depuis longtemps de bien replonger les yeux dans les étoiles...

 

Je n'ai pas emmené mon Mak 127 : on est partis en train, la place était trop limitée. Mais vu mon niveau de débutantitude, ma paire de jumelles 10x50 me promettait déjà un beau programme ! On a fait quatre belles soirées + une à l'oeil nue, pour le plaisir des étoiles filantes. Je mettrai à jour au fur et à mesure...

 

Lundi 29 juillet :

 

Morbihan, pas tout près des côtes, grand jardin dans un minuscule lieu-dit. Quand la nuit tombe, je savoure un plaisir inédit depuis longtemps... Il y a zéro lampadaire à des kilomètres à la ronde (au moins 2, quoi) ! YOUHOUU ! Du coup, le ciel me paraît aussi totalement inédit depuis belle lurette : rien qu'à travers la fenêtre, un coup d'oeil rapide pour vérifier si la nuit est tombée me dévoile déjà les lueurs de la voie lactée... Je suis surexcitée et fonce dehors.

 

 

Posée dans une chaise longue avec une petite couverture sur les genoux, je m'habitue à ce tableau nocturne et cette nouvelle profusion d'étoiles. Je révise mes constellations (ben oui, quand on débute, on débute ) : Persée avec son chapeau pointu, l'Aigle et son triangle, Andromède dont je n'arrive jamais à retenir la forme indéfinissable... si ce n'est son petit cheminement de trois étoiles qui me mènent à la galaxie du même nom. Elle saute aux yeux à l’œil nu, ça fait plaisir. Et aux jumelles, qu'est-ce qu'elle est grosse ! Et brillante !

 

J'apprends à bien suivre le déroulé du Dragon autour de la Petite Ourse, et à trouver sa tête, avec Eltamin, en suivant l'orientation des poils de la brosse à dents... Ben quoi ? Pour moi, la Petite Ourse a toujours été une brosse à dents tordue !

 

Côté exercices scolaires, je m'entraîne aussi à délimiter le quadrilatère d'Hercule en venant de la Lyre... Et c'est dur. Il y a beaucoup trop d'étoiles dans ce ciel, je n'arrive jamais du premier coup à trouver les quatre qui ont la bonne forme ! Une fois bien repéré, me voici à la recherche de ce grand amas globulaire, M13. C'est une petite tache floue aux jumelles, mais qui forme clairement un dégradé de luminosité qui va croissant vers le centre. Je cherche l'autre amas du coin, M92, que Ciel et Espace me conseillait de ne pas oublier si je venais à traîner dans Hercule. Malheureusement, je ne vois rien du tout.

 

Hop, on dit que ça suffit pour une soirée d'échauffement ? Ça suffit ! Mais en allant me coucher, je bouquine mon atlas et liste quelques objectifs apparemment accessibles aux jumelles pour le lendemain : la nébuleuse Dumbell du trognon de pomme, la galaxie M33 près de M31, le double amas de Persée, l'amas d'«ET», la nébuleuse North America...

 

Bonne nuit La suite demain...

[Chtit Bilou]

Cool!

Et Persée, c'est pas un chapeau, c'est un "k" déformé! .................

J'ai adoré cette période de découverte du ciel à l'oeil nu. Le répérage devient de plus en plus facile!!!

Maintenant, je connais presque tout...

 

Ptètre faire un tour dans l'hémisphère Sud moi...

 

Très bon ciel!

[Dédé de St Fé]

Bonjour Zuddi

 

C'est bien de mettre à profit tes vacances à la campagne pour te repérer dans le ciel

 

Persée avec son chapeau pointu

Et bien pour moi, ce n'est ni un chapeau, ni un "K" mais plutôt une maison avec un toit pointu

 

Je cherche l'autre amas du coin, M92, que Ciel et Espace me conseillait de ne pas oublier si je venais à traîner dans Hercule. Malheureusement, je ne vois rien du tout.

Contrairement à M13, M92 est assez petit mais il est accessible aux jumelles comme une miniscule tâche floue

 

la nébuleuse Dumbell du trognon de pomme, la galaxie M33 près de M31, le double amas de Persée, l'amas d'«ET», la nébuleuse North America...

M33 est assez difficile car très pâlichone, América va être encore plus difficile, par contre, tu peux essayer les nébuleuses difuses de la Lagune, la Trifide et aussi Oméga et sans oublier les amas ouverts M11 (Canard sauvage), M6 (Amas du Papillon), M7 (Amas de Ptolémée), M24 (immence nuage stellaire) etc.....

 

Bonne nuit La suite demain...

Bonne soirée étoilée et vivement la suite

[Zuddi]

On est pas "demain", mais me revoilà !

 

Mardi 30 juillet :

 

La soirée a failli mal commencer... voire ne pas commencer du tout, vu que j'ai eu la très mauvaise idée d'attendre la tombée de la nuit en bouquinant dans mon lit. Forcément, ça s'est mal passé Je me réveille en sursaut à 23h45, un peu perdue, la tête dans le c**, les lentilles qui collent, et une énorme envie de laisser ces fichues jumelles sur la table d'où elles se paient ma tête, pour les troquer contre un pyjama. Mais je finis par trouver la force de me lever, et je vais me poser dehors en me traitant de vielle loque.

 

Premier objectif : la nébuleuse du trognon de pomme, M27. Située dans la constellation du Petit Renard, ce qui signifie... que je vais d'abord devoir apprendre où se trouve le petit renard ! Je suis ravie de constater que c'est simple comme bonjour : il faut chercher sous Albireo, trouver la petite Flèche, très reconnaissable, puis le renard entre les deux. La nébuleuse est entre le Renard et la Flèche. Du moins en théorie... Parce que là, mystère et boule de gomme ! L'exercice est rendu très difficile par la concentration massive d'étoile dans ce coin de ciel, en plein dans la voie lactée. Et en vérité, je ne sais pas bien ce que je cherche. Est-ce un tout petit objet que je percevrais d'abord comme une étoile floue ? Ou quelque chose de plus étendu et s'étalant derrière les étoiles ?

 

Exactement la même question m'empêche de repérer cette nébuleuse North America. Elle est grande, paraît-il. Mais grande comment ? Quelle surface dans le champ de mes jumelles ? Et se détache-t-elle bien du fond laiteux de notre galaxie, ou est-ce une forme cachée précisément dans ce fond ? Aaaah, qu'il est dur de repérer un objet que l'on n'a encore jamais vu !

 

Heureusement pour mon moral, je m'en sors mieux avec NGC 457, et précisément parce que lui, je l'ai déjà vu. L'an dernier, lors d'une observation publique, dans un grand Dobson qui m'a fait rêver de télescope pendant deux mois jusqu'à me convaincre de sauter le pas et de m'en procurer un premier, à moi aussi ! «ET», je m'en souviens comme si c'était hier. Ses deux yeux un peu fous, ses bras grands ouverts... Et je reconnais ici les deux yeux sans souci. L'un brille beaucoup plus fort que l'autre. Je sais que c'est eux, mais je peine davantage à reconstituer une forme autour d'eux : quelle taille doit-elle avoir ? J'y reviens à plusieurs reprises, sans être sûre du résultat.

 

Et pour finir, un festin dans le double amas de Persée, qu'on ne peut pas louper, et que je repère beaucoup plus vite à l'oeil nu une fois que je l'ai étudié en détail aux jumelles.

 

Cette deuxième soirée fut encore trop courte, mais je sentais bien que les conditions ne m'ont pas aidée à y voir clair. Leçon pour le futur : ne pas sortir au lever d'une sieste ! Ou plutôt ne pas siester avant de sortir

Modifié 18 août 2013 par Zuddi

[Dédé de St Fé]

Tu résumes parfaitement les difficultés qu'un débutant a lorsqu'il découvre le monde de l'observation du ciel nocturne

 

Il faut donc persévérer et si tu peux, essayer de trouver des amateurs pour te guider

[Zuddi]

M33 est assez difficile car très pâlichone, América va être encore plus difficile, par contre, tu peux essayer les nébuleuses difuses de la Lagune, la Trifide et aussi Oméga et sans oublier les amas ouverts M11 (Canard sauvage), M6 (Amas du Papillon), M7 (Amas de Ptolémée), M24 (immence nuage stellaire) etc.....

 

Rhaaa, c'est ça qu'il me fallait : une liste de cibles spécial jumelles ! Je n'ai pas traîné du côté du Sagittaire ces vacances, d'abord parce que je ne sais pas encore le reconnaître seule, et parce qu'il était un peu bas à l'heure où je sortais. Mais c'est vrai que le coin a l'air formidable... Je note pour la prochaine fois. Merci !

[Zuddi]

J'ai clairement constaté les effets de la fatigue et du repos les deux derniers soirs : bien plus en forme que précédemment, j'ai vu beaucoup plus de choses dans le ciel ! J'ai particulièrement pris mon temps pour m'installer confortablement et laissé la lumière de la nuit m'imprégner les yeux.

 

Dimanche 4 août :

 

Côté repérages introductifs, j'ai appris à reconnaître l'immense étendue de Pégase, avec son quadrilatère géant, ses tentacules de méduse pattes et sa tête, et le nom de son étoile la plus basse, Algenib. En-dessous, les poissons étaient malheureusement trop bas sur l'horizon.

 

La grande aventure de la soirée fut la galaxie M33, avec laquelle j'ai beaucoup joué ! D'abord chercher son emplacement, tâtonner, promener son champ de jumelles à la recherche d'une petite sœur de M31, seule galaxie que j'avais vue jusqu'à lors. Croire la voir, ensuite, mais sans en être sûre : si c'est elle, c'est vraiment très, très pâle ! J'insiste, je reste bloquée sur cette forme en cachant bien mon champ de vision avec les mains pour que rien ne vienne perturber le champ des jumelles. Je creuse bien mon terrier sur ma chaise longue et je cale mes coudes pour ne pas bouger. Je tourne autour en vision décalée et l'apprécie alors de mieux en mieux : elle fait environ le tiers de la taille de M31, mais il est difficile de lui donner une forme. Peu importe, l'émotion est là : j'ai vu une deuxième galaxie ! Un troisième monde, après le nôtre et celui d'Andromède !

 

Vendredi 9 août :

 

Retour direct à M33 pour voir ce qu'est devenu mon exploit de la veille au soir... et ça se confirme : quand on a déjà vu un objet, ne serait-ce qu'une fois, on devient immédiatement plus à l'aise pour le retrouver et l'appréhender. La galaxie du triangle et moi, c'est comme si était intimes, maintenant ! Je la chope aux jumelles en venant de l'autre bout du ciel, comme ça, direct, sans passer par M31 et mes repères de la veille. Et en plus, lorsque j'y reviens en fin de soirée, je la vois tranquillou en vision directe

 

Entre deux shots de M33, je me suis ré-attelée à l'observation de l'amas de la chouette (NGC 457). L'acharnement, la patience et le repos ont là aussi payé : à force de m'habituer à ce coin du ciel, la forme de la chouette finit par se sauter aux yeux ! Tout d'un coup, elle est là : les ailes déployées vers le haut, un petit bout de corps qui dépasse en-dessous, et le tout à l'envers. L'amas est à la fois timide (j'ai l'impression que je vais le perdre si je détourne le regard) et évident. J'ai le cœur léger, j'ai vu ET Et aux jumelles avec ça !

 

Toute surmotivée que je suis, je m'attaque à la nébuleuse North America. Je me suis renseignée depuis la première tentative : c'est le fond laiteux de la voie lactée que je dois inspecter. J'ai lu qu'il était plus facile de chercher directement la forme la plus reconnaissable de la nébuleuse : son golfe du Mexique, et la pointe de la Floride. Je ne me souviens plus exactement de l'orientation que doit avoir le tout, mais je cherche... je cherche... j'y passe de très longues minutes. Je vois des "golfes" sombres, mais pas de Floride, alors ce n'est pas là, et je regarde ailleurs.

A un moment, je sens que je tiens quelque chose ! L'observation colle parfaitement à mes attentes. Mais bien sûr, je doute. J'ai oublié à quoi devait ressembler le "sud" de cette nébuleuse : y a-t-il un bout d'Amérique du Sud, ou est-ce que ça coupe net ? Et cette excroissance, est-ce que je suis sûre qu'elle est si marquée que ça, finalement ? Pour vérifier quand je rentrerai, tout à l'heure, je note mentalement un repère : il y a une étoile très brillante au large de la côte californienne.

Après vérification...

 

 

Joie : la grosse étoile à gauche, c'est bien ce que j'ai vu Je ne reste pas sûre à 100% d'avoir bien appréhendé la nébuleuse, par contre, car elle a semblé se déformer entre le moment où je l'ai chopée et celui où je l'ai inspectée de près - et puis on ne peut jamais acquérir de certitude a posteriori. Mais le plus gros du travail et fait, et j'attends ma prochaine sortie à la campagne pour confirmer tout cela.

 

Sacrée nuit !

 

* fin *

Modifié 18 août 2013 par Zuddi

[zanskar]

Bravo !

je me suis régalé à la lecture de ces trois CROAS car tu résumes parfaitement le cheminement et les questionnements qui ne manquent jamais de se poser lorsque l'on débute. C'est un mélange de doutes, de déceptions, de joies, d'où la persévérance et l'envie d'y revenir doivent l'emporter. Tes descriptions détaillées nous font parfaitement plonger dans cette soirée de découvertes. Et puis c'est vrai qu'une obs aux jumelles c'est bien de temps en temps, ça fait prendre un peu de recul et c'est un bon test pour voir si on connait bien son ciel

L'amas d'ET dans Cassiopée est effectivement très beau. Quant à la nébuleuse North America, jamais vue encore

bonne journée et merci de ce partage:)

[Dédé de St Fé]

Et bien, c'est de mieux en mieux

 

Toute surmotivée que je suis, je m'attaque à la nébuleuse North America. Je me suis renseignée depuis la première tentative : c'est le fond laiteux de la voie lactée que je dois inspecter. J'ai lu qu'il était plus facile de chercher directement la forme la plus reconnaissable de la nébuleuse : son golfe du Mexique, et la pointe de la Floride. Je ne me souviens plus exactement de l'orientation que doit avoir le tout, mais je cherche... je cherche... j'y passe de très longues minutes. Je vois des "golfes" sombres, mais pas de Floride, alors ce n'est pas là, et je regarde ailleurs.

A un moment, je sens que je tiens quelque chose ! L'observation colle parfaitement à mes attentes. Mais bien sûr, je doute. J'ai oublié à quoi devait ressembler le "sud" de cette nébuleuse : y a-t-il un bout d'Amérique du Sud, ou est-ce que ça coupe net ? Et cette excroissance, est-ce que je suis sûre qu'elle est si marquée que ça, finalement ? Pour vérifier quand je rentrerai, tout à l'heure, je note mentalement un repère : il y a une étoile très brillante au large de la côte californienne.

Après vérification...

 

 

 

Joie : la grosse étoile à gauche, c'est bien ce que j'ai vu Je ne reste pas sûre à 100% d'avoir bien appréhendé la nébuleuse, par contre, car elle a semblé se déformer entre le moment où je l'ai chopée et celui où je l'ai inspectée de près - et puis on ne peut jamais acquérir de certitude a posteriori. Mais le plus gros du travail et fait, et j'attends ma prochaine sortie à la campagne pour confirmer tout cela.

 

Tu as bien fait de persévérer et ta description est bien détaillé

 

* fin *

Ayé, c'est fini

C'est qu'on commençait à s'habituer

 

Merci pour cette trilogie bretonne et au plaisir de te lire

[etoilesdesecrins]

Salut Zuddi !

 

eh oui la région parisienne ce n'est pas le top en matière d'objets diffus ! Mais tu dois pouvoir faire un peu de planétaire et du ciel profond brillant (nébuleuses planétaires, amas ouverts ou globulaires classiques et brillants)

 

J'ai (re) commencé aussi aux 10X50 et c'est un formidable outil pour reprendre en main les objets majeurs, les constellations ....

Toutefois je dois dire que je suis sous un ciel correct de campagne, la Voie Lactée se révèle bien les claires nuits d'été.

Dans ces conditions, North America et M33 sont visibles, et l'on peut tenter la difficile recherche de la Grande Dentelle, qui reste très très diffuse et faible.