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es organismes internationaux ne sont pas à l’abri des RPS

 

Le statut des Organisations internationales : une immunité qui organise l’opacité d’une organisation du travail délétère pour la santé et empêche les victimes de faire valoir leurs droits. Le suicide d’un salarié de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), révèle comment un statut censé protéger les salariés, se retourne en fait contre eux.

 

 

Philippe KIEFFER, ingénieur diplômé de Supelec, salarié de l’agence spatiale Européenne détaché aux Pays –Bas s’est suicidé à son domicile à l’âge de 38ans.

 

De multiples éléments concrets : lettres, notes, témoignages, prouvent à l’évidence que son travail constitue la cause essentielle de son suicide. Stress intense, mise à l’écart, organisation du travail particulièrement délétère et multiples alertes de sa part qui à chaque fois n’ont pas été suivies d’actions de la part de sa hiérarchie ou des DRH.

 

De tels éléments suffiraient, selon le droit Français et la jurisprudence actuelle, à reconnaître ce suicide en accident du travail comme désormais bien d’autres suicides hors du lieu de travail, et à obtenir la « faute inexcusable de l’employeur ».

 

Or, le règlement de l’ESA fait en sorte qu’il n’en sera probablement rien ! Il n’y aura même pas de recours possible, aucune juridiction nationale ni Européenne ne peut être saisie.

 

Immunité, confidentialité, inviolabilité :

 

La convention européenne portant création de l’Agence spatiale Européenne prévoit que cette dernière bénéficie de dispositions garantissant son autonomie. C’est ainsi que tous les membres du personnel bénéficient d’une immunité totale ; les locaux, les documents sont inviolables, tout le personnel est tenu à la confidentialité.

 

C’est l’agence elle-même qui décide, ou non, de lever cette immunité.

 

Si l’on peut comprendre que de telles dispositions soient justifiées au regard des intérêts de l’Agence et des Etats membres sur le plan scientifique et économique, cela pose toutefois d’autres questions sur le plan des droits sociaux, civiques, éthiques et des conditions de travail.

 

Ainsi, après le suicide de Philippe, le président de l’agence a commandité un audit afin « d’examiner la situation professionnelle de M KIEFFER dans le but de fournir des recommandations pour modifier et améliorer les pratiques de l’Agence »… ce document, comme tous les documents de l’agence est donc confidentiel et les ayants droits de Philippe n’y auront pas accès (bien qu’il circule au sein de l’agence)… pourtant ce document d’enquête interne conclue bien à un lien entre le suicide et les « pratiques » organisationnelles et préventives (de ce type de risque) de l’agence qu’il convient donc « d’améliorer »….. C’est donc en toute logique quil se termine par des recommandations découlant de ces constats « d’erreurs commises » dans le management global de la situation de Philippe Kieffer…

 

Cette enquête étant confidentielle, aucun recours en justice n’est possible ! Tout cela avec la bénédiction consternante de la cour Européenne des droits de l’Homme qui considère que la seule voie de recours interne (commission de recours) suffit à satisfaire aux critères de la convention Européenne des droits de l’Homme (droit à un procès équitable) ! autrement dit une commission qui n’est pas un tribunal dont les décisions sont sans appel et sans voie de recours, qui rend la justice par des non-juges, avec des documents confidentiels et une immunité des personnes mises en cause, serait donc parfaitement conforme aux Droits de l’Homme… et donc parfaitement « légal » puisque inscrit dans une convention Européenne ratifiée par tous les Etats ! Sauf que lorsque la Loi n’est pas juste, ce n’est plus une Loi mais une injustice !

 

 

 

Si l’ESA n’avait pas ce statut particulier, le suicide de Philippe, salarié Français travaillant dans une entreprise dont le siège social est en France, ce qui est le cas de l’ESA ; son suicide aurait incontestablement été reconnu en accident du travail et aurait valu à l’ESA la faute inexcusable de l’employeur ; Il y aurait eu en plus, dans ces démarches, quatre voies de recours possible : CRA, TASS, Cours d’Appel, cassation.

 

Rien que les arguments développés par le directeur de l’ESA devant cette commission de recours suffisent à affirmer l’évidence de la FIE :

 

A titre d’exemple :

 

Il y est dit que le suicide de Philippe ne peut être reconnu en accident parce que le règlement de l’agence définit l’accident du travail ainsi ; « tout événement survenu par le fait et à l’occasion des fonctions assumées dans l’agence et ayant porté atteinte à l’intégrité physique du membre du personnel » ; il argumente ensuite en disant qu’il faut donc le cumul des deux conditions « par le fait » ET « à l’occasion » et que compte tenu du fait que Philippe s’est suicidé a son domicile « au moins une des deux conditions n’est pas remplie ».

 

Or le code de la sécurité sociale Français définit l’accident du travail ainsi : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait OU à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

 

C’est ainsi que la charte des accidents du travail prévoit la possibilité de reconnaître des suicides survenus hors du lieu de travail ce qui actuellement se traduit par un nombre déjà conséquent de reconnaissances comme peut en témoigner notre association.

 

Quand à la faute inexcusable, le mémoire du président de l’ESA démontre sans ambiguïté que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des dangers auxquels était exposés Philippe et qu’il n’a rien fait.

 

Rappelons par ailleurs qu’en France les employeurs sont tenus à une obligation de sécurité de résultat et que les accidents du travail concernent toutes les atteintes à la santé qu’elles soient physiques ou psychiques, dans sa définition des AT l’ESA ne reconnaît que les atteintes « à l’intégrité physique » et donc ignore totalement les risques psychosociaux ce qui explique l’absence totale de prévention en la matière et donc la non prise en compte des alertes multiples, renforçant ainsi l’évidence de la FIE.

 

 

 

C’est pour toutes ces raisons que l’association ASD-Pro soutient le combat que mènent les parents de Philippe pour voir reconnaître la responsabilité de l’ESA concernant le suicide de leur fils.

 

Nous relayons ici leur appel.

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