Sur le Causse Noir

[Blacksky]

Comme tout le monde l’a vu, il fait beau sur une bonne partie du Pays !

Cyril12 a la bonne idée de me passer un coup de fil : « Vient tester mon spot, tu verras, c’est super ! » Eteban vient aussi, on se retrouve à Millau (12, l’Aveyron) et c’est parti pour la montée infernale sur le Causse Noir, 30 minutes de route à une allure de Rallye !!! (va pas si vite, Cyril !)

Le spot du gars est vraiment sympa, perdu au milieu de nulle part, éloigné au possible des lampadaires de mon cœur et … quel Silence ! On aurait entendu une mouche péter ! Royal.

La nuit tombant, oh joie, rapidement maintenant, le matos est vite monté : Dobson Kepler 300 en visuel pour Esteban, et une lulu 80 pour la photo, la GP de Cyril pour les boîtiers en poses grand champ et le 254/1200 EQ 6 pour ma part, en visuel aussi.

Petite séance de collimation après les chaos automobiles, et on y va !

La turbulence est moins forte que prévue, 6 à 7/10, ech. Pickering.

Le lieu d’observation est assez noir, nous l’avons évalué entre 3 et 4/10 sur l’échelle de Bortle ; pas du tout de vent ni d’humidité, température positive, un vrai plaisir pour des observateurs ! Notons quand même quelques halos de pollution lumineuse (sans compter la Lune !) vers le sud, sud-est, montant de 15 à 20 ° selon la transparence atmosphérique ; celle-ci est assez bonne, sans doute due au faible taux d’humidité de l’air.

Au court de la nuit, M31 est splendide à l’œil nu, M33 visible par moment en vision directe, sans problème en décalée, M13 et M15 sont bien là aussi, en directe.

La Lune se couche, on va pouvoir attaquer le Ciel Profond !

Pendant que les collègues lancent les photos, petit tour des nébuleuses d’été dans le Sagittaire, avec le filtre UHC (Lumicon) : la Lagune est agréablement fournie au vu de sa hauteur avec de délicates nébulosités (quand même moins belle qu’au Restefond), la Trifide montre bien sa forme en trèfle, Oméga s’étale littéralement, ne rentrant pas dans le champ du 12 mm (Vixen LV, c’est pas du Nagler ). Ses extensions se poursuivent assez loin, je me régale des détails présents à l’image.

Passons maintenant aux Nébuleuses Planétaires :

Dans l’Aigle, NGC 6804 n’est pas trop difficile à trouver, assez étendue, mais ne présentant pas de détails, même à 240 X (Taka LE 5 mm); direction NGC 6781, plus grande et un peu plus lumineuse (due à sa taille ?) : il m’a semblé voir des nuances de contraste à fort grossissement … Elle est bien jolie avec un champ d’étoiles riche tout autour, je l’aime presque plus sans le filtre. Impression confirmée dans le Dobson d’Esteban.

Avant de quitter cette constellation, un arrêt sur les zones obscures B142 et 143, tout à côté d’Altaïr et sa voisine Tarazed : avec un 32 mm (Meade SP 4000), elles rentrent tout juste dans le champ (je veux un Nagler, je veux un Nagler, je …) ; Cyril m’avait montré cette zone un jour aux jumelles, elle n’est pas moche non plus à l’oculaire. On voit nettement le « E » inversé, comme un trou sans étoiles !

Aller, un petit coup sur M27 au 300, quelques minuscules étoiles apparaissent sur la nébuleuse, mais d’étoile centrale point du tout !

Plus haut dans le Cygne, pointage de NGC 6888, le Croissant : à 100 X, le bel arc ressort bien avec des nuances, renforcé à l’UHC ; essai avec un OIII (Lumicon aussi), non, trop sélectif. Si la nébuleuse est un chouia plus contrasté, le champ est nettement assombrit, enlevant, à mon avis, une partie de sa beauté à l’image. Celle-ci reste belle sans filtres. Le 300 apporte un peu plus de lumière, embellissant la vue.

Après ce festin de nébuleuses, me vient une envie Galactique ! Go to Andromède et NGC 891, une bien belle galaxie vue par la tranche qui se laisse bien admirer cette nuit : les poussières d’absorption barrent le fuseau laiteux mais il est bien difficile d’y percevoir des détails ! (Ah, la même aux 600 de Raphaël et David … soupir !)

On est pas loin, ne refusont pas M33 : il faut le 32 mm pour qu’elle soit entière (Nag… ) dans le champ ; le noyau, très lumineux, contraste particulièrement avec les délicats bras de cette magnifique spirale. Au 300 mm, tout est renforcé sans ambiguïté.

M31 au Dob’ nous montre un beau paquet de détails dans les bras, on peut y passer un bon moment pour bien tout zieuter ; ses deux petits satellites se détachent agréablement sur le fond de ciel noir.

Le grand cheval Pégase passant au zénith, Esteban a envie de chercher le Quintet de Stephan (« Aller, faut se faire un défi ! »).

Chacun avec son instrument, repérage de la « galaxie-guide » : n’ayant jamais fait cet objet, je me plante et pointe NGC 7332, fort sympathique au passage, noyau et zone laiteuse visibles, avec sa copine 7339 plus faible sans noyau dans le même champ !

« Non, c’est NGC 7331 qu’il faut prendre » me dit Esteban.

Ok, c’est un peu plus au Nord, ah, la voilà, moins facile à trouver la belle : un peu plus lumineuse que 7332, elle a aussi deux zones contrastées, cœur et corps.

Mais le Quintet ? Il est où ?! On fouille … Rien !

Bon, prise d’infos au portable d’Esteban, repérage des étoiles principales à partir de 7331, OK, ça doit être là. Après un temps d’accoutumance nocturne (saleté de portable lumineux. Même en mode « nuit », mon œil !) ouais, peut-être, il semble qu’on devine quelque chose, comme quelques très faibles vapeurs grisâtres, les unes contre les autres … Retour à l’ordi pour voir une photo de l’objet et la distribution des galaxies le constituant : c’est bien ça, hourra !!! Nouveau temps d’accoutumance et retour aux oculaires : là, le diamètre « parle », repérage plus aisé, si on peut dire, au 300 mm ; je fini par les trouver grâce aux étoiles du champ au 250 et, en grossissant un peu plus, pas de doute elles sont là. Par contre, seulement 4 de visibles (NGC 7318A et B, 7319, 7320) , la 5ème devant être trop faible (NGC 7317).

Tout ça en vision décalée, évidemment !

Remarque : il ne faut pas hésiter à pousser le grossissement, même sur les galaxies faibles et malgré la perte de lumière, on semble y gagner en résolution visuelle ! D’ailleurs, si quelqu’un a une explication au phénomène, je suis client !

Pour revenir à du « regardable » , un saut vers NGC 7319 et 7326 toujours dans Pégase. Très jolis, ces binômes galactiques ! Je connais un certain Boris qui aurait frénétiquement attrapé ses feuilles de dessin pour « fixer » ces visions !!! :D A moins qu’il ne les ait déjà faites ?!

Tient, la Baleine passe au méridien, profitons-en :

Dans sa « tête », NGC 255, une petite galaxie sans détails et un poil plus au sud, NGC 246, une nébuleuse planétaire fort belle en forme de bulle, mise en valeur avec l’UHC : sa structure circulaire qui présente des irrégularités est facilement vue, avec un grand arc plus brillant ; quelques étoiles enrichissent la scène, la rendant encore plus esthétique.

Plus bas encore, au sud de l’étoile principale Déneb Kaïtos, nous revenons avec grand plaisir à la belle galaxie du Sculpteur, absolument splendide : elle rentre au chausse-pied dans le champ du 12 mm avec ses mensurations généreuses de 26’ X 6’ (personne n’a un Nagler en trop ?! Aïe, non, pas sur la tête !!!). Y’a de la lumière, on peut y plonger en vision directe, un régal !

Descendons encore vers l’amas globulaire NGC 288, assez fourni mais qui manque de pêche : il mériterait une meilleure hauteur pour être apprécié : à force de descendre, on tombe bien bas !

A l’Est, le Taureau est déjà bien monté (!) et hop !, un coup sur M1 très agréable au Dob’ 300. M35 et NGC 2158 font bonne figure, ce dernier donnant un rendu presque nébuleux.

Ca sent l’Automne et les frimas hivernaux, tout ça, avec la grande Orion qui se lève déjà bien & Sirius au ras de l’horizon …

Bon, il faut penser à rentrer (pfiou … 2 heures de route … beuheuheuheu …) et à plier le matos qui nous a tant donné de plaisir cette nuit.

Merci Cyril pour l’invitation (et le prêt de ta GP pour le boîtier argentique), tu as là un beau spot d’observation pas trop loin de chez toi !

Merci Esteban de ta venue !

Ce fût bien sympa tout ça, faudra s’en refaire d’autres, les gars !

Sur le Causse Méjean …

Bons cieux et bonnes observations à tous !

Vincent

[GéGé]

AAaaaaaaaah je connais, quelle merveille, j'y suis passé cet été, admirer les nuages...

 

[syncopatte]

Jolie compte rendu!

 

"Remarque : il ne faut pas hésiter à pousser le grossissement, même sur les galaxies faibles et malgré la perte de lumière, on semble y gagner en résolution visuelle ! D’ailleurs, si quelqu’un a une explication au phénomène, je suis client !"

Tout simplement l'augmentation du contraste?

Mais Bruno passera bien par ici expliquer plus clairement ces choses.

 

Patte.

['Bruno]

Je n'ai pas d'explication vraiment convainquante.

 

Pour les étoiles, c'est parce qu'une étoile étant ponctuelle, la lumière reçue d'une étoile est constante, quel que soit le grossissement. Alors que le fond du ciel (lumière propre du ciel + éventuelle pollution lumineuse) est un objet étendu : si on grossit, c'est une plus petite portion de la lumière du ciel qui se répartir dans le champ de l'oculaire, en quelque sorte la lumière du ciel baisse, et permet de faire émerger celle des étoiles faibles (c'est donc bien une question de contraste). Ceci est valable tant que l'étoile se comporte comme un objet ponctuel, donc tant qu'on ne dépasse pas le grossissement résolvant (j'appelle ici grossissement résolvant le grossissement à partir duquel on voit le disque d'Airy, ce n'est pas forcément D ou D/2 pile-poil). Bref : augmenter le grossissement permet de faire émerger les étoiles les plus faibles.

 

Pour un objet étendu et uniforme (large nébuleuse du style NGC 7000), par contre, ça ne marche pas : il se comporte comme le fond du ciel, et le contraste (luminosité de la nébuleuse divisée par la luminosité du ciel) reste identique quel que soit le grossissement. Si la nébuleuse est faible, elle pourra alors être plus facile à voir à faible grossissement, afin qu'elle ne prenne pas tout le champ (ce qui la rendrait indétectable).

 

Et les galaxies ? Ce ne sont pas des nébulosités uniformes ni des astres ponctuels. Est-ce un cas intermédiaire ? Je ne crois pas car, à part les galaxies étendues à faible brillance de surface (style NGC 4236), c'est toujours en grossissant qu'on voit mieux les petites galaxies (style Quintette de Stéphan). Je crois qu'un autre paramètre intervient, et voici une hypothèse : quand on voit une galaxie en vision décalée (le Quintette, c'est en vision décalée, n'est-ce pas ?) on perd beaucoup en résolution. Ben oui : si on lit un livre en regardant de côté, on n'y voit rien. Le pouvoir de résolution de l'oeil en vision de côté n'est plus de 2' mais de plusieurs degrés. Si l'objet faible est plus petit que le pouvoir de résolution, on risque peut-être de ne pas le voir ? Je sais que cet argument intervient dans la vision des bras spiraux (v. article sur la vision des galaxies spirales à travers un gros diamètre, dans un Ciel et Espace des années 1980 - auteur : peut-être C. Hanon). Mais d'un autre côté, les étoiles faibles sont encore plus petites, elles...

[fvb]

(le Quintette, c'est en vision décalée, n'est-ce pas ?)

 

Question de béotien : Même au 500 mm ?

[Blacksky]

Bonjour à tous

 

>Gérard Sirven

Pas de bol ... Faudra que tu retentes le coup ?

D'ailleurs, nous sommes d'accord avec les collègues pour dire que le Causse Méjean est au niveau supérieur en terme de noirceur de ciel et de qualité de seeing ; donc notre prochaine rencontre (cet automne) devrait avoir lieu là-bas !

 

>Syncopatte

Ca doit entrer dans la solution de l'énigme ...

 

>'Bruno

En effet, on ne gagne rien sur les nébuleuses faibles ; il faut par contre leur trouver le bon rapport entre grossissement (pour détecter les petites dans le champ) et lumière à l'oculaire ... Pas facile !

Merci pour ton explication sur la vision des galaxies, on n'y avait pas pensé Ca me parait juste, car ça colle avec un autre phénomène qui consiste à faire légèrement bouger le tube : on "voit" encore mieux ces faibles tâches ! Ces vibrations augmentent encore la "taille" des objets pour l'oeil.

A moins que le mouvement artificiellement obtenu aide à la perception ... ?

 

Merci en tout cas pour vos idées !

 

Bons cieux, après la pertubation !

Vincent