Dans l'oeil de Jupiter...

[Boystar]

CROA du mercredi 6 avril 2016

 

"Dans l'œil de Jupiter"

Matériel : Dobson Orion XX14. Température : environ 10°C. Humidité quasi inexistante. Quelques rafales de vent. Observation de 21h à 00h15. Lieu : Portail des Étoiles

 

 

En manque de sortie depuis début 2016, c'est avec bonheur que je constate le beau temps en ce mercredi 6 avril, alors même que la veille fut une journée abominable... Mieux, je sais qu'après une rincée de 24h, l'atmosphère sera purifiée. Nous nous situons entre deux perturbations, il se pourrait qu'on ait un très bon ciel, stable et transparent. C'est en tout cas ce que je me dis en chargeant le télescope pour rejoindre le Portail des Etoiles. J'arrive en même temps que Christian, et Babeth nous rejoindra quelque temps plus tard, en mode MDA et pour une petite heure d'observation en commun.

Après les réglages optiques et en attendant la tombée de la nuit, je vérifie sur Jupiter la qualité du ciel : Bingo ! L'image est d'une stabilité remarquable, la géante gazeuse offre un luxe de détails à l'oculaire, même si, comme Christian nous l'a annoncé, aucun phénomène satellitaire n'est prévu ce soir, et pas de Grande Tache Rouge à voir. J'y reviendrai plus tard. Je n'ai aucun programme préétabli pour cette soirée d'observation, cette sortie s'étant décidée au pied levé. Aucun problème cependant, frustré d'observation depuis 4 mois, je revisiterai avec bonheur les objets remarquables du ciel profond de printemps.

 

 

NGC2438 : Impossible de passer à côté du "défi AstroSaône" du mois de Mars, que j'ai moi-même proposé, mais n'ai pas pu observer dans le délai imparti ! Je pointe donc Alpha de la Licorne, mon point de départ pour cheminer vers M47, puis M46, au sein duquel se niche la petite perle recherchée. Je trouve sans aucun problème M47, amas ouvert constellé de brillantes étoiles bleutées et repère ce que je crois être M46, à proximité. Je scrute attentivement "M46" et ne trouve pas la nébuleuse planétaire. comment est-ce possible ? J'ai le souvenir de l'avoir repérée avec mon C8, il n'y a donc aucune chance de la manquer avec le 350. Christian vient à ma rescousse et je comprends mon erreur : je ne suis pas sur M46, mais sur NGC2423, un autre amas ouvert situé à proximité !

 

 

Une fois le bon amas dans le champ, je repère immédiatement la petite bille grise, au milieu d'un champ intense d'étoile. Au 22mm, aucun détail particulier, si ce n'est que cela situe la nébuleuse dans son contexte. Avec le 16mm, la vision ne change pas énormément, même si je décèle une étoile en proximité immédiate de la nébuleuse. Je montre l'objet en question à Babeth, qui le voit sans équivoque : mission accomplie pour elle aussi ! Au 10mm, cette fois-ci, de nouveaux détails apparaissent : désormais, le caractère circulaire de la nébuleuse planétaire se voit assez aisément. Une étoile apparait à l'intérieur de l'anneau, légèrement excentrée. Avec la Barlow 2x, donc un grossissement de 330x, l'aspect annulaire et la présence des étoiles sont renforcés, même si l'image est plus empâtée. Il me faut un 5mm ! Je vais me répéter cette phrase toute la soirée... Pour finir, je positionne le 35mm, afin d'avoir une vision la plus large possible. Cette fois-ci, la nébuleuse se devine à peine. Un point légèrement grisâtre au milieu d'étoiles brillantes... Pas de couleur perceptible pour cette nébuleuse planétaire.

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Haut dans le ciel, abritant sous son flanc Jupiter, je décide ensuite d'aller me balader dans le Lion, constellation emblématique du ciel de printemps.

 

 

M65 M66 NGC3628 : Un des classiques du Lion. Le cheminement est très facile, en partant de Chertan, puis 73Leo. Avec le 35mm, le champ large permet d'englober sans problème les trois galaxies. On peut même voir la jaune 73Leo en bord de champ. En se concentrant sur les galaxies, on devine bien les formes respectives de chacune d'entre elles : sans doute des spirales vues de trois-quart pour M65 et M66 (pas de bras visibles) et vue de profil pour NGC 3628. Je grossis ensuite jusqu'au 10mm, qui offre la vision la plus belle, avec le plus de détails. Curieusement, c'est bien NGC3628 qui dévoile le plus de choses. Je perçois très nettement une barre sombre qui raye le fuseau diffus de cette galaxie et remarque, notamment sur un côté, que les bords semblent "s'ouvrir", sans que je puisse déterminer une "fin" nette de l'image.

 

 

 

M95 M96 M105 : J'effectue une rapide visite au deuxième trio du Lion. Plus resserré, mais moins spectaculaire que le précédent trio, de mon point de vue. A une époque, j'avais beaucoup de mal à le trouver. Contrairement à Christian, je chemine depuis 47Leo (mag3.8), car je me perds toujours en partant de Regulus pour trouver 52Leo. Cela me rappelle mon errance vers ce fameux astérisme que nous appelons "Kalachnikov", depuis 47Leo également. Je tente de le retrouver. Impossible. Je ne sais plus où il se trouve ! C'est Christian qui me le montre, car lui, par contre, connait maintenant par cœur le chemin qui mène vers cet astérisme, plus dans le Sextant que dans le Lion, d'ailleurs...

 

 

NGC3419 : Mon "record" de distance au télescope, avec près de 170 millions d'années-lumière ! Je décide donc de retrouver cette galaxie annoncée de magnitude 13, située non loin de M105 et de 52Leo. Je chemine afin d'être sûr et certain d'être au bon endroit. Evidemment, elle est invisible au chercheur. Invisible également au 35mm. Invisible au 22mm... Et puis, au 16mm, je décèle à l'endroit prévu (en fait, un peu à côté de l'endroit auquel j'estimais que devait se trouver la galaxie) un point très légèrement flou, qui pourrait facilement passer pour une étoile de faible magnitude. Par comparaison avec deux étoiles situées en proximité, et en vision décalée, le caractère diffus s'affirme. Aucun doute possible, la galaxie est bien là et les photons qui chatouillent et titillent le fond de ma rétine ont voyagé pendant 170 millions d'années !! Je m'extasie sur ce fait et revendique cette position unique d'observateur sentient de la réalité.

 

Observer ce qui ne nous regarde pas, au sens littéral du terme ! C'est aussi pour ça que je pratique l'observation visuelle : Cette sensation d'être relié en direct à un élément tangible situé à une distance temporelle et spatiale tellement gigantesque qu'elle n'a plus grande signification, procure un vertige intense, profond et inégalable.

Christian, également sur le coup, a eu plus de mal à capter ces photons et a fait quelques aller-retours entre nos deux télescopes. Une fois repérée dans mon télescope, il a enfin pu percevoir lui aussi cette galaxie lointaine et pulvériser son propre record de distance ! 170 millions d'années-lumière !! ...

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Pour faire suite à ces observations pointues, je me rends dans la discrète constellation de la Chevelure de Bérénice, qui recèle quelques joyaux.

 

 

NGC4565 (Galaxie de l'Aiguille) : facilement repérable en partant de Melotte 111 (amas ouvert peu connu dont Christian est un ardent défenseur), amas parfaitement visible à l'œil nu ce soir, je trouve sans difficulté ce qui est pour moi l'un des plus beaux objets du ciel profond qu'il m'ait été donné de voir. Cette galaxie d'une finesse incroyable est tout simplement magique ! D'une part, elle étire son immense fuseau presque à perte de vue. Une bande sombre raye sur toute sa longueur ce fin trait diffus et en souligne encore sa délicatesse. D'autre part, son environnement immédiat met parfaitement en scène sa majestueuse beauté : un alignement fortuit de 5 étoiles rappelle en pointillé la forme de la galaxie, à la différence près que cette ligne s'incurve à une extrémité, dévoilant, en vision décalée et de manière très furtive, une autre galaxie, plumeau incertain en suspension dans l'infini. A l'opposé, une étoile brillante ponctue la scène et la délimite. Pour finir, deux étoiles encadrent le noyau brillant de l'Aiguille, dont une située juste en dessous. Quel spectacle ! Voici une image trouvée sur le net qui est assez proche de la vision à l'oculaire (en bien plus brillante et lumineuse cependant, car la vision à l'oculaire est beaucoup plus ténue, même si tous les détails sont présents...)

 

 

M64 (galaxie de l'œil noir) : Autre classique à sensation dans les parages ! Je la trouve rapidement et sans difficulté. La meilleure vision est celle obtenue avec le 10mm. Si je perds un peu de luminosité, je gagne en contraste et la larme sombre qui souligne le bulbe central apparait très bien. Plutôt au beurre noir, cet œil galactique, d'ailleurs !

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Négligeant la chaine de Markarian (je n'y ai pas pensé), je change ensuite de zone pour aller rendre visite au Corbeau :

 

 

 

NGC4361 : Je n'ai jamais observé cette nébuleuse planétaire auparavant. Le cheminement est facile depuis Algorab. La nébuleuse est de bonne taille et se repère très facilement, au cœur de la constellation. Bon. Je passe tous les grossissements et le constat est assez simple : c'est un pâté plus ou moins gros en fonction de l'oculaire ! Je trouve cet objet, évident à repérer, peu intéressant à observer...

 

 

M104 (Sombrero) : Cheminement assez facile depuis Algorab également, mais à l'opposé. Si la galaxie ne bénéficie pas d'un cadre aussi classe que l'Aiguille, elle n'en reste pas moins très belle en elle-même : le bulbe est très brillant et bombé, la galaxie s'étire de part et d'autre de son noyau, barrée par un imposant trait sombre très contrasté. Le noyau ne m'est cependant pas perceptible en dessous de la barre. Dans l'ensemble, l'image est superbe et peu de galaxies sont aussi "détaillables" à en vision directe !

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M51 : ça y est, la Grande Ourse a pris de la hauteur et M51 nous tend les bras Je pointe donc cette galaxie et comme à chaque fois dans le 350, l'image est magnifique : le tourbillon est parfaitement visible, le contraste au sein du noyau principal fait ressortir les bras et je devine le "pont" qui relie les deux galaxies. Je passe tous les oculaires et la vision la plus belle, encore une fois, est avec le 10mm (donc un grossissement de 165x). Un must !

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Après un petit tour dans le Cocher (M37 et consorts), je décide de pointer à nouveau Jupiter, très haute dans le ciel.

 

JUPITER : Je pointe la géante avec un oculaire 22mm et immédiatement, dans la seconde qui suit, annonce à Christian : "on voit la Grande Tache Rouge !". Celle-ci se détache du limbe de Jupiter et est parfaitement visible au premier coup d'œil. D'ailleurs, toute la surface nuageuse de Jupiter se dévoile avec un luxe de détails impressionnant, la hauteur de la planète dans le ciel et la stabilité de l'atmosphère jouant à plein pour cette image magnifique. Christian pointe également la planète et fait le même constat que moi. Je passe tous les oculaires, poussant le grossissement jusqu'à 330x sans que l'image ne se détériore notablement. Simplement, le montage Barlow (de piètre qualité) + 10mm donne une image un peu empâtée, qui manque de piquée et de contraste : il me faut un oculaire grand champ de courte focale !!!

 

 

 

La Grande Tache Rouge : ... est orange ! Les dernières fois que j'avais vu cet immense anticyclone, il était de couleur rose-saumon. Là, la dominante orangée est évidente et très prononcée. Légèrement ovale, la tache s'est détachée du limbe, nous permettant de visualiser la rotation extrêmement rapide de cette planète (moins de 10h me semble-t-il). Côté intérieur, la GTR est bordée par une échancrure marron très marquée, qui la souligne tel la bordure intérieure de l'œil.

 

 

 

L'atmosphère jovienne : la bande sud (vue en "haut" pour cause d'image inversée) est la plus large (c'est celle qui contient la GTR). Elle est de couleur marron, avec des nuances verdâtres. Elle n'est pas uniforme et on voit bien une bande clair, presque blanche, qui la divise en deux sur toute la longueur. En dessous, la deuxième bande principale, de même couleur, est légèrement plus petite. On y distingue comme des volutes, tout le long, volutes perceptibles surtout au méridien. Bon, je me dis cependant que chacune de ces volutes atmosphériques doit faire au bas mot la taille de l'Afrique !! De part et d'autre des bandes principales, on voit également des bandes nuageuses très fines. Ce qui nous fait 4 bandes nuageuses visibles, alors qu'on en distingue deux habituellement. Côté pôle sud, on distingue des "stries", de couleur bleues, vertes et grises. Côté pôle nord, il n'ya pas de détails visibles, simplement ce dégradé bleu/vert/gris de plus en plus sombre à mesure qu'on s'approche du pôle. Quel spectacle ! L'image est d'une netteté étonnante, et seules les quelques rafales de vent que nous subissons par moment viennent la troubler.

 

 

Les satellites : les quatre sont bien visibles. Deux sont groupés côté GTR, deux de l'autre côté, dont un qui parait très éloigné. Pas de passage d'ombre ou de quelconque phénomène ce soir. Une étoile en arrière plan domine la scène. Sa magnitude me parait légèrement supérieur au plus brillant des satellites galiléens.

Cette vision de Jupiter est exceptionnelle. Quel instant privilégié !

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Il est 00h15 et une couverture nuageuse s'étire du nord-est au sud-ouest, venant couvrir progressivement d'un voile opaque notre scène étoilée. Il est temps de plier le matériel et de rentrer.

Magnifique sortie, la première pour moi en 2016 !

[iserois]

Merci de nous faire partager cet excellent croa,trés bien détaillé notamment avec l'observation de Jupiter!

Bon ciel à toi!

[Gérard58]

Bonsoir Boystar:)

 

Merci pour ce croa bien écrit!

 

Parmi tous ces objets,je t'envie cette vision stable de Jupiter,que je n'ai pas eue depuis un bout de temps.

 

Bon ciel