Moisson photonique au Restefond

[Vakoran]

Bonsoir à tous !

 

Cela faisait une éternité que je n'avais pas posté dans cette section, et comme ce récit s'apparente un peu à un CROA, je me décide à copier ici ce que je viens de publier dans le sous-forum Dessins.

 

 

 

J'ai enfin pris un peu de temps pour moi après un été pour le moins diabolique niveau boulot : pas moins de deux jours de congés, placés le 1er et le 2 septembre, pour profiter d'un petit séjour dans les magnifiques montagnes de la vallée de l'Ubaye.

 

Il faut dire qu'outre le ciel mythique du Restefond, le coin est tout ce que j'aime : des décors sublimes, des coins paumés où l'on peut se poser tranquillement pour bouquiner loin de tout, des senteurs apaisantes... bref, tout ce dont un astram solitaire tel que moi peut rêver.

 

Que c'est beau, même de jour, me dis-je ! (copyright Denis Maréchal)

 

C'est avec un certain étonnement que je rejoins la carrière le jeudi soir : pas un astram en vue, ce qui est rare en cette saison de Nouvelle Lune. J'ai bien aperçu du monde aux prairies en passant en voiture, mais sur les terres caillouteuses qui les dominent, c'est en solitaire absolu que je m'apprête à passer la nuit.

 

Le soir tombe doucement alors que je monte le monstre, et sous un ciel sans le moindre nuage, le soleil semble me souhaiter bonne nuit d'une bien belle manière :

 

En fait j'ai triché : c'est une photo du lendemain soir, ça se voit aux voiles nuageux.

 

J'attends que la nuit noire soit bien là (encore que parler de nuit noire au Restefond, c'est faire comme si l'on était pas constamment ébloui par les milliers d'étoiles visibles, ainsi que par une Voie Lactée insolente de netteté). Et lorsqu'il commence à faire suffisamment sombre, j'attaque immédiatement avec une cible que je me suis promis de détailler, après qu'elle m'ait tout simplement ébahi lorsque je l'ai observée il y a deux semaines, sur le plateau ardéchois.

 

Je veux parler de M17, la fameuse nébuleuse du Cygne.

 

C'est la première fois que je m'attaque à un tel monstre avec le 600, et la prise de notes se doit d'être soignée : il y a 100 occasions de s'y perdre et de rater des détails... chose qui m'est probablement arrivée d'ailleurs. Il faut dire qu'outre des zones plus ou moins lumineuses, réparties ici ou là et entrecoupées de multiples échancrures, ça "filamente" de partout. Aucun endroit un peu brillant ne semble lisse ou plat, tout est chargé comme une protubérance solaire à la Lunt 100 !

 

Ainsi, au bout d'une heure et demie d'observation et de notes fébriles, je me retrouve avec un brouillon chargé comme jamais. De retour à la maison, la retranscription sur Photoshop prendra plus de 4 heures...

 

Comme à mon habitude, je vous propose donc une vision de l'objet dans le champ du Panoptic 24, chaussé de l'OIII pour rehausser le tout :

 

 

Puis pour mieux voir, une version centrée sur l'objet, de nature à vous faire "scroller" l'écran :

 

 

Et pour ceux que ça intéresse, une version de taille encore plus grande et détaillée est visible ici : clic.

 

 

Afin de faire une petite pause après cette longue observation, je me promène sans véritable but dans la Voie Lactée. J'ai envie de voir des myriades d'étoiles, que des centaines de pointes d'épingles viennent frapper ma rétine affamée... et c'est ainsi que je tombe sur ce cher vieux M11, l'amas du Canard Sauvage, qui avait été l'objet de mon premier dessin il y a 5 ans.

 

Je ne suis pas déçu par ce que je vois : non seulement ça fourmille comme jamais, mais en plus, ça ne bouge pas : les étoiles ne scintillent pas, et l'amas est comme une sorte de bijou métallique figé dans le ciel. Beaucoup trouvent l'exercice futile, mais je me laisse tenter par une prise de notes rapide, qui aboutira à un travail bien plus long sur Photoshop, pour tenter de retranscrire la beauté de ce foisonnement :

 

 

 

Plus tard dans la soirée, après avoir attendu que monte Pégase dans le ciel, vient le moment DU challenge du séjour. Je m'étais promis de tenter cette cible fort peu observée, profitant d'avoir à la fois un instrument puissant, et un ciel de rêve, pour espérer capter quelques photons originaux.

 

Le pointage n'est pas aisé : il faut trouver un astérisme pas forcément très reconnaissable, dans une zone qui manque de points de repères à l’œil nu. Ensuite, c'est l'humidité qui viendra me compliquer la tâche : les optique du 600 restent préservées, mais les oculaires sont touchés, et dès que je colle ma rétine à l'un d'entre eux, c'est à croire que mon œil s'évapore directement sur la lentille.

 

Mais enfin, je parviens à rester un bon moment sur La Croix d'Einstein, une lentille gravitationnelle que l'on ne peut confondre avec les étoiles des environs. La bougresse est faiblement lumineuse, de même que les quelques étoiles à proximité. Au premier abord, on dirait une simple étoile entourée d'une faible nébulosité irrégulière. À force d'y passer du temps, j'arriverai à distinguer trois zones un peu plus lumineuses que le fond du ciel, mais pas réellement de croix. Semi-succès donc, mais je suis content de moi quand même !

 

Voici la vision d'ensemble à 800x (à regarder dans le noir et sur un écran avec la luminosité au max) :

 

 

Et une version plus proche pour mieux voir :

 

 

Vers 2h15 du matin, lassé de me battre contre l'humidité qui ne me lâche pas, je décide de ranger et de rentrer à Jausiers, où se trouve mon hôtel. Mais je suis déjà satisfait de mon séjour : j'ai pu observer la rareté que j'étais venu chercher, et je suis content des notes prises sur M17 !

 

 

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Le lendemain soir, les conditions ont changé : plusieurs astrams sont présents à mon arrivée, pourtant peu tardive. Je fais connaissance vite fait, puis je m'empresse de profiter du jour qui décline pour monter le monstre. Saturne, qui fait l'objet de mes premiers pointages, s'avèrera sympathique, mais sans plus : un étrange effet optique, diagnostiqué plus tard comme de l'astigmatisme, est présent ce soir sur le 600. Aucune explication n'a été trouvé au cours de la soirée malgré la venue en cours de nuit de Vinvin et de Bernard Augier, ce dernier ayant tenté quelques manipulations qui n'ont hélas pas réglé le souci. Mais bon, cela ne m'a pas empêché d'en profiter, comme vous aller le voir.

 

Vinvin, ce soir-là, sera un peu notre Goto officiel : il n'est jamais à court d'idées d'observations, et il est capable de pointer n'importe quelle cible en un temps record ! Motivé, comme les autres, à l'idée de voir certains objets dans le 600, il me fera découvrir NGC 6818, dite Little Gem. Une planétaire assez brillante et d'une belle couleur verte qui ressemble en premier lieu à une boule floue, comme c'est souvent le cas avec ce genre d'objet. Puis le grossissement et le filtre OIII aidant, des structures commencent à apparaître. Ce fut un moment très sympathique : l'échange d'observations sur le mode :

- Oui, clairement, y'a des zones concentriques.

- Tiens, moi je crois détecter une zone sombre en forme de trèfle au milieu, tu l'as aussi ?

- Si fait ! Et d'ailleurs, il y a aussi comme des rayons qui partent de la nébuleuse, tu les vois ? Plus à droite qu'à gauche, il me semble...

- En effet chez confrère, la structure est tout à la fois concentrique et radiale, on ne saurait s'y tromper !

 

Et ainsi de suite, me motivant, puisque le gros du boulot était fait, de prendre les notes nécessaires à ce dessin à 800x :

 

 

Et voici la version agrandie pour mieux voir les détails :

 

 

 

Vinvin nous fait ensuite remarquer qu'on devine Uranus à l’œil nu. C'est l'occasion de la pointer sans coup férir, et de tenter d'y trouver de menus détails. Hélas, personne ne confirmera ce que j'ai cru voir sur ce disque : Vinvin dira que c'est normal puisqu'on n'est pas censés voir des structures sur le disque, et Bernard sera surtout occupé à ronfler doucement pendant cette prise de notes.

 

Cela dit, j'ai vraiment eu l'impression de voir ces trois bandes sur le disque, tournées vers l'alignement de satellites proches d'une manière qui donne à penser que la planète renversée tourne son pôle vers nous. À chaque fois que j'y revenais, et malgré la rapidité du déplacement de la planète dans le champ du Nagler 7 à 800x, je retrouvais ces structures bien à leur place... Donc :

 

 

Et surtout (c'est plutôt une tentative de noter ce que j'ai vu que de faire un rendu fidèle, pour une fois) :

 

 

 

La nuit avance, et les observateurs se succèdent au 600 qui attire décidément du monde. Alors que je me sens fatigué, on parle de NGC246, dans la Baleine. Bon, va bien falloir que j'aille la pointer moi aussi !

 

Ce que je vois m'émerveille : je me souvenais un peu de cette planétaire comme une sorte de boule de feu grise floue, mais ici, avec cet instrument et le filtre OIII parfaitement à son aise, la cible revêt un tout autre visage. Fini le flou, place à des filaments et des échancrures un peu partout, avec une impression globale de netteté assez surprenante.

 

Oubliée ma fatigue du moment : je pensais bientôt ranger, mais je sors le crayon pour une dernière séance de prises de notes, qui aboutira à ceci :

 

 

Et pour mieux voir :

 

 

Les collègues astrams attendent impatiemment que j'aie terminé mon dessin : Orion s'est levé, et il va bien falloir pointer M42... J'irai jusqu'à montrer la Tête de Cheval à un collègue qui ne l'avait jamais vue, et dont il sera intéressant de voir les réactions en direct ("Ben, oui, je vois une nébuleuse à la verticale, mais pas de zone plus sombre... attends, je regarde encore... Oh, la voilà ! Incroyable !" ), puis à visiter encore quelques dernières cibles avec Vinvin et Bernard, en compagnie de qui je rangerai mon instrument alors que l'aube point doucement.

 

Retour à l'hôtel pour deux heures de sommeil avant un solide petit déjeuner, puis la visite du marché de Barcelonnette, avant de rentrer à Pertuis : la nuit de samedi soir s'annonce moins bonne au niveau de la météo, et j'ai dans mes bagages de quoi m'occuper à dessiner tout le reste de ce beau week-end...

 

Ce séjour m'a fait du bien : il me fallait une vraie coupure avec le boulot et les soucis du quotidien, et mes chères étoiles, dominant un paysage préservé, me l'ont procurée.

[yanozki]

Salut Fred super compte-rendu cela donne envie d'y remonter.

 

Tu n'as eu le temps de faire ngc7479 et m77 c'est dommage.

Il faudra que tu m'explique ou se trouve la croix d'Einstein à l'occasion.

 

Yann.

[Mathed]

Bonjour Frédéric.

 

Un ciel dans ce qui existe de mieux, un télescope d'exception et un observateur/ dessinateur hyper doué alors oui ça fait un cocktail explosif.

 

A part la croix d'Einstein, tu as reproduit des objets que l'on connait tous. Pourtant j'ai du mal à les reconnaitre tellement tu as réussi à y rajouter des détails invisibles à nos télescopes /yeux. Bravo.

 

Pour M17 par exemple, j'ai maintes fois scruté le cygne et son environnement immédiat, toi c'est le lac tout entier sur lequel il vogue que tu nous as retranscrit.

 

Chapeau bas.

[Vakoran]

Salut Fred super compte-rendu cela donne envie d'y remonter.

 

Tu n'as eu le temps de faire ngc7479 et m77 c'est dommage.

Il faudra que tu m'explique ou se trouve la croix d'Einstein à l'occasion.

 

Yann.

 

Merci pour ton passage, Yann !

 

Pour 7479, j'y ai pensé, mais un peu tard dans la soirée, elle était déjà bien basse, et je n'ai pas pu choper le "S" complet, hélas. Je la garde en mémoire pour la prochaine fois.

 

Pour la Croix d'Einstein, je te montrerai la prochaine fois qu'on observera ensemble. Le pointage n'est pas très aisé, mais maintenant que je sais ce que je cherche, j'espère moins galérer.

 

Bonjour Frédéric.

 

Un ciel dans ce qui existe de mieux, un télescope d'exception et un observateur/ dessinateur hyper doué alors oui ça fait un cocktail explosif.

 

A part la croix d'Einstein, tu as reproduit des objets que l'on connait tous. Pourtant j'ai du mal à les reconnaitre tellement tu as réussi à y rajouter des détails invisibles à nos télescopes /yeux. Bravo.

 

Pour M17 par exemple, j'ai maintes fois scruté le cygne et son environnement immédiat, toi c'est le lac tout entier sur lequel il vogue que tu nous as retranscrit.

 

Chapeau bas.

 

Merci mille fois pour ce gentil commentaire ! J'aime bien l'image du cygne sur son lac, je n'y avais pas pensé.

 

Bonne soirée Messieurs !

[iserois]

Excellent croa,superbement illustré avec notamment M 17,merci du partage!

[StephStar]

Super CROA !

Un bel instrument, un beau site et un astram qui sait nous faire partager ces grands moments.

 

J'ai une préférence pour le dessin d'Omega même si je trouve qui lui manque l'aspect filandreux. Mais les volumes sont forts bien représentés, félicitations.

 

A+

[Vakoran]

Merci à vous deux d'avoir laissé un gentil commentaire.

 

 

J'ai une préférence pour le dessin d'Omega même si je trouve qui lui manque l'aspect filandreux. Mais les volumes sont forts bien représentés, félicitations.

 

A+

 

C'est vrai, j'ai toujours du mal à restituer cet aspect, même si je pense que je progresse avec le temps. Encore du travail en perspective !

 

La full permet tout de même d'en voir un peu plus.

[StephStar]

Je me doute que ça ne doit pas être facile, je serai infichu d'en faire le 10eme !

 

On voit effectivement sur la full quelques zones filandreuses, en bas à gauche et presque au sommet à gauche aussi.

Il en faudra plus pour la prochaine fois !

 

Comme je le disais sur mon avant dernier Croa, c'est surtout l'observation de l'Oméga qui m'a fait comprendre l'envie de poser ce qu'on voit sur papier.

Il y en a tellement a observer, tellement chargé en détails ! On aimerai garder un souvenir de toute cette richesse étalée devant nos yeux !