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Bonjour,

Voici une petite nouvelle que j'ai écrite il y a bien longtemps pour "encourager" ceux qui croient aux petits hommes verts.

 

 

 

LE VISITEUR

 

par .......[muon]

 

 

Personne au monde n'aurait imaginé que cela serait survenu de façon aussi banale: A 18h30 le "terrain de sport" du charmant petit village de Bonécourt sur Moselle (125 âmes) était désert; à 18h31 il était presque entièrement occupé par un engin volant discoïdal de facture apparemment non humaine. A 18h39 la totalité des indigènes étaient rassemblés tout autour; à 18h50 la population des villages voisins fournit quelques cercles supplémentaires de badauds ébaubis.

Envoyé par Monsieur le Rédacteur en Chef de la "Gazette Fouineuse", j'arrivai sur les lieux à 19h32 pour constater qu'aucun élément nouveau n'était survenu depuis l'atterrissage. J'eus donc le temps d'observer à loisir l'étrange appareil venu d'on ne sait où. Je dois préciser que j'avais été choisi pour ce reportage à cause de mon titre tout frais de Bachelier (j'avais atteint l'âge...). La Chose venue de l'espace avait une forme circulaire, de couleur vaguement argentée, plus épaisse au centre que sur le bord et semblant flotter à trois mètres du sol.. Nulle ouverture n'était visible, nul bruit couvrant les propos tenus par les curieux n'était audible.

J'aurais bien voulu entendre la conversation animée qui semblait opposer M. le Curé à l'instituteur d'un village proche mais mon attention fut détournée par le retour de M. le Maire, fendant la foule pour regagner le premier cercle, ceint de son écharpe tricolore et tenant à la main quelques feuillets: il n'allait pas laisser passer une si belle occasion de faire un discours!

Un gyrophare s'approcha rapidement, ce qui eut pour résultat immédiat d'"éclaircir" un peu les rangs compacts des villageois.

Apparemment, les gendarmes étaient venus pour confirmer l'événement, car vingt minutes plus tard c'était au tour de l'Armée de faire irruption, suivie de peu par M. le Préfet entouré de la nuée habituelle d'officiels.

Soudain, sans bruit particulier, un panneau coulissa sous l'appareil et une échelle de corde se déroula jusqu'à terre. C'est alors qu'on put apercevoir une silhouette humanoïde entreprendre précautionneusement la descente. Pas de scaphandre, vêtu d'une sorte de combinaison bleu pâle, chaussé d'une sorte de bottines, un large sourire éclairant un visage qui n'avait rien de repoussant. (L'épouse du Maire remarqua ses yeux bleus)

Arrivé au sol, le visiteur balaya l'assistance d'un regard circulaire, puis, sans émotion particulière, s'adressa à la foule dans un français presque correct:

 

« Veuillez excuser, habitants de cette planète, la liberté que j'ai prise de faire irruption chez vous sans y avoir été préalablement invité. Mon séjour sera, je l’espère, très court, car seul un dysfonctionnement d'un circuit essentiel au déplacement dans l'hyperespace m'a contraint à ce discourtois atterrissage. Aussi, avec votre permission, vais-je immédiatement m'atteler à la tâche. Mais il va de soi que je n'aurai pas l'attitude inqualifiable de vous quitter sans autre forme de procès, et je prendrai grand plaisir à bavarder avec vous dès la réparation achevée. »

 

Puis, l'être venu des étoiles se hissa dans son engin et disparut. Le panneau se remit en place, laissant la foule médusée.

Aussitôt, de petits groupes se formèrent, l'Autorité étant l'un d'eux. M. le Préfet restant sans voix, un de ses attachés émit immédiatement une hypothèse quant au mode de propulsion de l'appareil. Sur quoi le général X lui demanda s'il avait des lumières quant à l'hyperespace...

M. le Curé s'interrogeait anxieusement: Le visiteur était-il baptisé? dans le cas contraire, peut-être que, avec un peu de temps...

M. l'instituteur se posait presque la même question...

Le Brigadier de gendarmerie se torturait les méninges à propos du rapport qu'il allait devoir rédiger. Faire un compte rendu concernant un vol de gallinacés, un accrochage de véhicules, une explication musclée entre voisins, çà, il avait l'habitude. Mais une rencontre avec un extra-terrestre, oh la la! Et quel formulaire remplir?

Les villageois, eux, se posaient tout un tas de questions sur la vie des gens de la planète d'origine du visiteur: Qu'y mange-t-on? Dort-on? Comment sont les habitations? Le mot "contribuable" y a-t-il un sens? etc.

Moi, chargé d'écrire cette histoire, je me demandais comment cela allait finir...

Le lendemain, l'ordre régnait dans les environs du vaisseau spatial. En d'autres termes, le territoire était interdit sur un rayon de deux kilomètres autour du lieu d'atterrissage, des patrouilles étant chargées de faire respecter le "no man's land" .

 

Les représentants des principales nations ne tardèrent pas à envahir les hôtels à 100 km à la ronde. Les USA envoyèrent la plus importante délégation dans laquelle on comptait une bonne douzaine de prix Nobel, quelques sénateurs, un représentant d'une association nouvellement créée: "Les Amis de E.T.", et quelques citoyens imposants dont la fonction n'était pas précisée.

La France, terre d'asile, espérait bien convaincre le voyageur de séjourner longtemps sur son sol. Un député ayant fait remarquer qu'il serait peut-être souhaitable d'attendre d'en savoir un peu plus sur les réelles intentions de notre hôte se vit remettre vertement à sa place, c'est-à-dire à une bonne cinquantaine d'années en arrière.

Un membre de la délégation britannique songeait que, ma foi, s'il pouvait persuader E.T. de venir s'établir en Grande Bretagne, juste le temps nécessaire à lui soutirer quelques renseignements stratégiques...

La Délégation de l'ONU arriva la veille de la reprise de contact.

Il va sans dire que son Secrétaire Général avait préparé un long (très long) discours en anglais, mais son conseiller en relations publiques lui suggéra que la bienséance exigerait plutôt qu'il le prononçât en français, une des langues officielles de l'ONU, de la Communauté Européenne, et, accessoirement, langue habituellement parlée dans le pays où s'était posé l'engin spatial.

Les Allemands comprenaient difficilement le choix du lieu d'atterrissage. La seule explication digne de les rasséréner consistait à supposer que le visiteur avait employé une carte ancienne.

Probablement par atavisme, les Espagnols avaient surnommé l'occupant du vaisseau: "El Conquistador".

La délégation italienne, toujours aussi téméraire, n’hésita pas à s’installer à moins de 30 km du site d’atterrissage.

C'est à 13h16 exactement que le panneau de l'engin coulissa et qu'apparut l'Etranger pour la seconde fois. Dès qu'il fut au sol, un OH! parfaitement synchronisé sortit de toutes les bouches présentes et ce, indépendamment des langues parlées. En effet, le visiteur était vêtu de façon plutôt pittoresque. Ayant abandonné sa combinaison bleu pâle, il avait adopté une veste kaki aux boutons dorés, aux épaulettes ornées de deux étoiles d'or. Son chef était couvert d'une casquette noire munie d'une visière noire et brillante garnie de motifs d'or le tout rappelant à s'y méprendre le couvre chef de M. le Préfet. Ses pantalons étaient incontestablement des jeans, et enfin ses pieds disparaissaient dans une paire de jolis sabots garnis de cuir brillant.

Le silence se fit instantanément lorsqu'il prit la parole:

 

« C'est pour vous rendre hommage, amis de la planète Terre, que j'ai fait confectionner ces vêtements dont je vous ai vu vêtus. Je possède à bord en effet un robot domestique particulièrement efficace.

Je vais tout d'abord répondre aux questions que vous vous posez certainement.

Je reçois à bord vos émissions de radio et de télévision. Aussi, aidé par mon "inducteur psychique", ai-je appris rapidement plusieurs de vos langues. Je leur ai trouvé une égale beauté et si j'ai choisi le français c'est parce qu'il m'a semblé que mes nombreuses fautes de langage y passeraient plus inaperçues.

Je viens d'une très lointaine planète orbitant autour d'une étoile identique à votre soleil. Ma planète elle-même diffère peu de la vôtre et les problèmes que nous y rencontrons sont sensiblement comparables à ceux que vous connaissez vous-mêmes.

Ma mission consistait à compléter l'étude commencée depuis quelques dizaines de vos années mais, à peine en orbite, je fus averti par mon computer de navigation qu'une défaillance du système de propulsion s'était manifestée. Aussi comprendrez-vous que j'ai accordé la priorité absolue à sa remise en état. C'est maintenant chose faite et, fidèle à ma promesse, je me présente devant vous afin de vous remercier pour votre hospitalité. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions dans la mesure évidemment où je connais les réponses. »

 

Sur ce, l'extra-terrestre, sans façon, s'assit à terre et regarda l'assemblée avec bienveillance.

 

Le Secrétaire Général des Nations Unies s'avança avec solennité et prit la parole.

Il salua l'arrivée du représentant d'une brillante civilisation d'outre espace en termes chaleureux espérant que l'Autorité Suprême de cette lointaine planète enverrait à l'ONU une Ambassade permanente.

Bien sûr, il évoqua les "noires profondeurs de l'espace" et ne manqua pas de mettre Blaise Pascal à contribution. Il lui parla de Philolaos, d'Anaxagore, de Ptolémée, et autres Galilée, Newton, Einstein... Espérant un soupçon d'humour chez l'autre, il précisa même que, grâce aux Américains, on savait enfin que la Lune n'est pas un fromage. Il n'hésita pas à entretenir son interlocuteur à propos d'un des petits travers des humains: Ces guéguerres dont les peuples se passent difficilement et insista sur le noble rôle joué par l'ONU pour les limiter à défaut que d'avoir le pouvoir de les interdire...

L'Extra-terrestre sourit obligeamment. Chez lui aussi...

Puis le Secrétaire Général céda la parole aux physiciens présents qui piaffaient d'impatience.

Le premier (J. B. Sark, prix Nobel) demanda au visiteur s'il lui était possible de décrire le mode de propulsion de son vaisseau et qu'entendait-il par "hyperespace"?

L'Extra-terrestre toussota comme le premier humain venu, et s'excusa de ne pouvoir répondre avec précision à de telles questions, car, n'étant pas doué pour la physique, il avait dû renoncer à poursuivre ses études scientifiques six mois seulement après les avoir commencées dans l'équivalent de nos Universités et avait réorienté sa scolarité vers l'étude des Sociétés Primitives.

Evidemment, se dit le physicien, six mois d'études en physique, même au niveau universitaire, c'est bien peu...

Déçus, les scientifiques ne posèrent plus de question.

M. le Curé, s'armant de courage, lui demanda si, sur sa planète, on croyait en Dieu.

On s'interroge, lui fut-il répondu. (Penauds, M. le Curé et l'instituteur échangèrent un regard dépité)

Un Sénateur américain lui demanda ce qu'il pensait de la Démocratie.

La réponse fut plus longue à venir: On fait des essais depuis 1500 ans...

Suivirent quelques questions plus ou moins dénuées d'intérêt.

On sentait que l'heure du départ approchait. C'est à ce moment que M. le Secrétaire Général des Nations Unies lui proposa les bons services de l'ONU au cas où....

 

Le visiteur regagna alors précipitamment son vaisseau qui s’éloigna aussitôt non sans avoir .laissé choir par une petite trappe une feuille de papier au format A4. Monsieur le Maire se précipita pour la ramasser et lu ces simples mots : « poisson d’avril ».

 

 

le 20 Août 1995

 

 

Références: La gazette fouineuse. (1er Avril 2000)

 

Amicalement.

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