Éclipse, prétexte, CROA!

[MatP]

Bonjour à tous !

 

Après une petite soirée dans un excellent resto (soupe de topinambours au parmesan et à la coppa, souris d'agneau au romarin puis far aux pommes, le tout arrosé d'un petit Pinot noir et pour pas cher), j'ai pu constater avec dépit que le ciel au départ dégagé avait fini par crouler sous une cohorte de moutons peu avenants.

 

Alors que je m'apprêtais à me tailler les veines, j'aperçois une lueur à travers les nuages. Voyant que Séléné est déjà bien entamée et que l'ouest est aussi chargé d'étoiles que l'est l'est de nuages, je finis par troquer mon cutter pour un dobson 300. Non, finalement ce sera pour une autre fois.

Alors qu'un candide croissant fait croire à un retour dans le temps d'une semaine et quelques, j'en profite pour m'adonner à la pratique honteuse du degré et demi de champ qui relègue mon télescope au rang de chercheur de luxe. Le dégradé et le contraste sont splendides, mais mieux vaut ne pas essayer de penser au spectacle que ça doit être, vu de là-bas : le Soleil doit savoir jouer avec notre atmosphère avec bien plus de poésie que l'homme ne le fait aujourd'hui...

 

Le teint blafard de la fille d'Hypérion (ce dernier étant d'ailleurs infiniment moins encombrant vu d'ici) finit par roussir de sentir autant d'yeux posés sur Elle. Comme je ne me sens pas l'âme d'un voyeur, je décide de ne pas troubler son intimité et de quitter des yeux la belle orange confite. La totalité est là, le ciel brille de mille feux. Maintenant que le télescope n'est plus tourné vers Elle et qu'elle ne me porte plus d'attention, je peux laisse éclater ma rancœur : cette garce ne m'empêchera pas de prendre mon pied ! Pendant qu'elle continue de faire son intéressante, Frère Dobson commence à jouer les derviches tourneurs. Le champ défile, c'est l'occasion de se renouer avec le ciel du printemps : une déesse de perdue (le lyrisme avec), des dizaines de galaxies de retrouvées !

 

Toujours avec mon degré et demi de champ et à 53x de grossissement, je commence par l'un de mes groupes préférés : Hickson 44, très facile à pointer à mi-chemin entre Algieba (γ Leo) et Adhafera (ζ Leo). Ce groupe est formé de NGC 3190, NGC 3193 (très faciles), NGC 3185 (un poil moins, alignée avec les deux précédentes) et NGC 3187 (nettement plus faible mais vue en vision décalée). Ensuite, je pousse quelques degrés à l'ouest du côté de la tête du Lion (λ Leo alias Alterf) ; je sais qu'il y a du lourd par là, mais je ne sais plus exactement où. L'oculaire fait son office de chercheur... et la voilà, un peu en-dessous ! Ca brille ! NGC 2903 prend à ce grossissement la forme d'une barre assez épaisse. Je passe un coup à 109x histoire de préciser un peu : un voit bien le départ des bras, surtout à une extrémité, et ça va dans le sens des aiguilles d'une montre. Je reviens à mon chercheur de luxe (1,5°/53x) pour trouver les quelques brillants que je ne connais pas trop du côté de la ligne Coxa-Regulus (θ Leo - α Leo). Tout en scannant, je redécouvre de beaux phares, notamment la jolie paire M105/NGC 3371, avec en-dessous une NGC 3377 assez isolée et au-dessus M96 avec, un peu plus à l'ouest, M95. Le temps étant compté, c'est fini pour Leo.

 

Un grand demi-tour pour titiller le nord de la Grande Ourse. Un couple de stars a passé le méridien, et je ne suis pas allé les visiter ! M81 et M82 sont bien là, brillantes voire flashy. M82 montre déjà quelques détails, notamment la principale bande d'absorption transversale. Toujours un peu timide, NGC 3077 se tapit dans l'ombre des deux grandes magré un cœur stellaire assez brillant. Les trois rentrent dans le champ et forment un triangle isocèle aplati dont M81 occupe le sommet principal. Un degré et quelques au sud-ouest, un outsider boude malgré sa luminosité assez généreuse ; c'est NGC 2376.

 

Près d'un quart de tour plus tard, me voilà sur la majestueuse M51 qui ne parvient pas tout à fait à se détacher du fond de ciel à ce grossissement. L'enroulement du Tourbillon est quand même perceptible, la galaxie étend l'un de ses bras vers la voisine NGC 5195 qui croit lui rendre la pareille en lui tendant son moignon. Pour détailler les bras internes, le grossissement est définitivement trop juste (le ciel aussi, peut-être). Tant pis, pas le temps de grossir, on continue ; l'heure tourne !

 

Après le saut d'étoiles, le saut de galaxies. Bon, ce n'est certes pas aussi évident que de faire son chemin dans la Chaîne de Markarian, mais il existe un certain nombre d'objets intéressants entre M51 et Melotte 111, l'astérisme de la Chevelure de Bérénice. Le début du scannage me fait tomber sur une belle galaxie brillante posée à proximité d'un étoile qui l'est moins. Au début je crois voir un renforcement brillant juste à côté de l'étoile, ce qui me fait penser à deux galaxies en interaction. Après avoir consulté mes cartes, il s'est trouvé que c'était M63, le Tournesol, qui est en interaction avec... personne. J'ai dû voir un mauvais reflet de l'étoile, à cause de mes lentilles... Je continue de scanner au petit bonheur la chance et je tombe sur un autre brillant qui se trouvait être M94. Comme je cherchais la belle Galaxie de l'Œil noir et que je ne me rappelais plus où elle se trouvait, je faisais particulièrement attention à ce fameux œil localisé près du bulbe. M94 était un candidat possible, mais ce n'était pas ça ; M94 est lisse comme... comme une galaxie elliptique. Je poursuis mon chemin brownien et tombe sur une adorable petite paire de galaxies en interaction ! Ah la belle surprise ! L'une est grande, l'autre beaucoup moins, mais les deux ont une brillance de surface assez proche et d'ailleurs confortable. La petite est légèrement allongée vers la grande et la grande est légèrement recourbée vers la petite, aucun doute sur l'intéraction du couple ! Je crois que je n'ai encore jamais observé ces deux objets bien qu'ils fassent partie de ma sélection des galaxies de printemps. Il s'agit de NGC 4490 et 4485 (ou Arp 269), à moins d'un degré de Chara (β CVn), dans le prolongement de Cor Caroli (α CVn, jolie double par ailleurs). À retenter absolument par une nuit claire et sans Lune, à des grossissements moins fantaisistes, même si la taille apparente est semblable à celle de M51 ! Je continue mon périple toujours un peu plus au sud, et je tombe sur un splendide fuseau bien fin et relativement brillant. La vision décalée fait encore s'allonger l'objet qui se trouve être NGC 4244, belle spirale vue par la tranche. A un champ d'oculaire de là, je détecte facilement une tache floue ovale, assez uniforme mais pas trop faible, d'une taille voisine de NGC 4490. Il se trouve que c'était NGC 4214, une galaxie irrégulière.

 

Après quelques dizaines de secondes de recherches infructueuses, je trouve nettement plus à l'ouest, nettement plus au sud aussi, dans la Chevelure, une très belle galaxie en fuseau qui ressemble à NGC 4244 mais en plus brillant. C'est NGC 4631, qu'on appelle souvent la Baleine. A ce grossissement je ne l'ai pas reconnue alors que je l'avais déjà observée plusieurs fois auparavant. Je n'ai pas détecté pas la Crosse de Hockey, les deux galaxies en interaction NGC 4656 et 4657 qui se trouvent juste à côté mais qui sont évidemment plus faibles que la Baleine et que j'ai également l'habitude d'observer. Chemin faisant, je tombe sur une belle galaxie ovale et bien brillante, mais je n'ai pas trop pris de repères et comme il y a pas mal de galaxies de ce genre dans le coin, je ne saurais l'identifier avec certitude. Mais il s'agit probablement de NGC 4559, une galaxie potentiellement très intéressante à des grossissements plus adaptés.

 

Le limbe brillant à l'est du disque rougeâtre sonne la fin de mes fantaisies galactiques. Comme le ciel est encore praticable, je reste encore un peu, notamment pour essayer de trouver... ah, la voilà ! L'une des stars de la Chevelure, sinon LA star, c'est elle. Je veux bien sûr parler de NGC 4565, cette magnifique galaxie vue par la tranche, au bulbe proéminent et qui arrive à montrer une petite bande d'absorption malgré une finesse qu'on ne retrouve de mémoire dans aucune autre galaxie. Elle semble posée en équilibre sur une petite étoile située juste à côté, sur l'axe de symétrie. La vision décalée révèle le caractère extrêmement effilé de l'objet... c'est beau, tout simplement. Je termine là-dessus, la buée commence à tout envahir...

 

Je ne suis d'habitude pas fanatique d'observations "Quick and Dirty" comme celles-là, mais au moins elles me permettent de faire des CROA pas trop longs et qui ne rentrent pas trop dans les détails. De toute façon le mal est fait et je peux enfin remballer et me recoucher, sans oublier d'éteindre le jingle de Fort Boyard passé en boucle depuis le début de la totalité (si j'avais mis Elysian Fields je serais encore dans le Lion à l'heure où j'écris ce CROA).

 

Je rejette un œil distrait et nu à Séléné. Pas de miracle, elle reprend malheureusement son teint à la fois cadavérique et agressif de mort-vivant. C'est de bonne guerre, après tout t'aurais pu avoir un albédo bien pire. Je t'aime bien quand même, va... quand t'es en conjonction avec ton grand frère, là. Comment s'appelle-t-il déjà ? Ah oui Hélios.

 

Bons ciels bien cléments,

Matthieu

[takaya]

Ma-gis-tral !

Epoustouflant CROA, toute aussi époustouflante moisson de galaxies...

Je ne suis d'habitude pas fanatique d'observations "Quick and Dirty" comme celles-là, mais au moins elles me permettent de faire des CROA pas trop longs et qui ne rentrent pas trop dans les détails.

Moi j'aime, les détails !

[syncopatte]

Désolé, je vais tomber comme un cheveu dans la soupe, mais pour moi c'est pire que du quick & dirty!

 

On a une heure d'un spectacle assez rare, profiter de la baisse de l'éclat d'une pleine Lune pour faire des courses???

 

Incompréhensible! Enfin, c'est mon avis, sans vouloir vexer.

 

Patte

[MatP]

Ma-gis-tral !

Epoustouflant CROA, toute aussi époustouflante moisson de galaxies...

Moi j'aime, les détails !

 

Merci Takaya ! Effectivement pour ce qui est des observations du ciel profond avec des détails, j'ai 2 CROA en préparation mais je mets le temps. Pourtant ils sont sur le feu depuis 2 semaines mais j'ai du mal à conclure, j'ai tendance à être trop bavard... Mais il y ale notamment le CROA de mes retrouvailles avec le ciel d'hiver, ça vaut le coup de romancer un peu quand même.

 

Désolé, je vais tomber comme un cheveu dans la soupe, mais pour moi c'est pire que du quick & dirty!

 

On a une heure d'un spectacle assez rare, profiter de la baisse de l'éclat d'une pleine Lune pour faire des courses???

 

Incompréhensible! Enfin, c'est mon avis, sans vouloir vexer.

 

Patte

 

Pas qu'un seul cheveu, là. Je suis un grand fan de ciel profond qui n'a pas vu le ciel de printemps depuis des lustres (pleine lune ou pollution lumineuse ou nuages ou pas de scope). Et si c'était moi qui trouvait incompréhensible de regarder la Lune en permanence alors que plein d'autres belles images sont disponibles ? Je sais bien que ce qui est rare est cher, mais ce précepte qui est vrai en économie doit-il forcément l'être pour le reste ? Le plus rare devrait-il forcément être le plus cher dans notre cœur ? Et puis j'ai observé ce qui était pour moi de nouvelles galaxies tout en me hâtant lentement pour flâner au gré du ciel, c'est pas si mal comme « courses » !

 

J'ai quand même observé l'éclipse (je parle de « belle orange confite »), j'ai même observé un cratère brillant à peu près au centre du disque qui ressemblait à une étoile défocalisée en surimpression ; je crois, après avoir consulté l'AVL, que c'était Dionysius. Mais j'avoue, j'ai joué un peu les provocateurs en dénigrant l'astre de la nuit pour me distinguer des autres CROA qu'on aurait pu faire sur l'évènement, alors que c'était quand même un beau spectacle. (Rââh je l'ai dit !)

 

PS : j'ai observé avec intérêt l'occultation de Saturne sans même regarder un objet du ciel profond.

[syncopatte]

Allez, je retire mes tifs de ta bonne soupe!

 

 

Note que j'ai aussi mis des cheveux (si j'ose m'exprimer ainsi) dans la soupe des astrophotographes:

http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=18367

 

Mais bon, je ne vais pas polluer ton croa écrit avec verve et humour!

 

Superbe voyage galactique Matthieu, j'espère pouvoir emprunter un itinéraire similaire lors d'une prochaine période de nouvelle Lune.

Quoique, un mouvement brownien dans ce repaire mènera certainement vers d'autres surprises.

 

Petite précision: tu parles de Mel 111 comme astérisme?

Je ne comprends pas bien là???

 

Bons cieux Mat!

 

Patte

[MatP]

Oui Patte, en fait je ne savais pas (jusqu'à ce que je cherche) si Melotte 111 était un simple astérisme ou aussi un amas ouvert (si les étoiles étaient gravitationnellement liées), mais effectivement j'aurais dû mettre amas ouvert parce qu'apparemment c'est bien le cas. Bien vu !

 

(Bon, c'est vrai que Melotte c'est pas si ancien, les astronomes de l'époque devaient être capable de différencier un vrai amas ouvert d'un simple astérisme, j'aurais dû lui faire confiance. J'aurais aussi pu parler de l'astérisme de la Chevelure de Bérénice sans mentionner la référence de l'amas ouvert correspondant, ç'aurait peut-être été plus clair pour désigner la fameuse figure en V qu'on voit à l'œil nu...)