Anna Karénine

[Jeff Hawke]

Je suis en train de lire ce magnifique roman de Tolstoï... Rien à voir avec l'astro, si ce n'est le voyage qu'implique toute lecture ou toute observation. Je tombe à un moment sur ce passage (Partie 2, chapitre XV), dans la campagne russe du XIXème :

 

Le jour baissait de plus en plus. Vénus à la lueur argentée se montrait déjà au couchant, et au levant Arcturus brillait de son feu rouge un peu sombre. Levine apercevait par intervalles la Grande Ourse. Les bécasses ne se montraient plus, mais Levine résolut de les attendre jusqu’à ce que Vénus, qu’il distinguait entre les branches de son bouleau, s’élevât à l’horizon, et que la Grande Ourse fût entièrement visible. L’étoile avait dépassé les bouleaux, et le char de la Grande Ourse brillait déjà dans le ciel, qu’il attendait encore.

 

Puis plus loin (Partie 4, chapitre XiV), dans Moscou :

 

Levine se retrouva seul. Bien qu’il n’eût presque pas dîné, qu’il eût refusé le thé et le souper chez Swiagesky, il n’aurait pu manger, et, après une nuit d’insomnie, il ne songeait pas à dormir ; il étouffait dans sa chambre, et malgré le froid il ouvrit un vasistas, et s’assit sur une table en face de la fenêtre. Au-dessus des toits couverts de neige s’élevait la croix ciselée d’une église, et plus haut encore le triangle de la constellation du Cocher, avec l'étoile jaune pâle de la Chèvre. Tout en aspirant l’air qui pénétrait dans sa chambre, il regardait tantôt la croix, tantôt les étoiles, s’élevant comme dans un rêve parmi les images et les souvenirs évoqués par son imagination.

 

Ce qui est intéressant, notable, c'est que pour ces personnages préoccupés de carrière, d'amours, de politique, d'exploitation agricoles, de la transformation sociale et économique de la Russie, la connaissance (basique certes) du ciel semble aller de soi, faire partie de l'envionnement familier, de ce que chacun connait (les constellations, les noms des étoiles, les planètes - et pas "l'étoile du berger"). Je rapproche ce point du récent post qui faisait mention de quelqu'un d'aujourd'hui, "éduqué", et ne reconnaissant pas la Lune...

[Poussin38]

mais oui Jeff, certains (joel Cambre ? yououh Joel ) pourraient dire que la Russie pré-stalinienne était cultivée.

 

Léon (pas trostki re:be: ) devait profiter de son beau ciel sans PL !

[TitouLGrandLou]

C'est vrai Jeff ! Le ciel devait être bien proche des gens alors, et les récits des constellations dans beaucoup de mémoires...

 

Il faudrait rassembler petit à petit ces citations...

 

Merci pour ce voyage en Russie au siècle dernier (enfin 2 siècles...)

[QRV21]

Ben ouais, ils le connaissaient bien leur ciel, à l'époque ...

 

En même temps ils n'avaient pas trop le choix, fallait bien s'orienter dès qu'on était un peu perdu dans la campagne ... Pas de GPS, ni même de panneaux, pas non plus de route d'ailleur, pas plus que seulement un halo lumineux pour retrouver la ville !!!

Et pour se perdre dans la campagne y'avait pas loin à aller ... Quelques kilomètres et c'était "Terra Incognita" !!!

 

La chance qu'ils avaient !!! Il pouvaient sortir leur 250 dans leur jardin et observer ... Pas besoin de tout charger dans la voiture et de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un ciel à peu près noir ...

[Neve]

C'est juste! ah! heureux hommes, tiens! M'enfin on a tout de même des moyens d'observation remarquables aujourd'hui, ne l'oublions pas...

 

 

 

Par ailleurs (je n'ai pas lu ce roman, juste un résumé) mais d'un point de vue purement littéraire, cette géométrie ascentionnelle (de hauteur d'homme, puis la cime des arbres et enfin le ciel nocturne ou encore la maison, l'ouverture vers la voûte celeste via le vasisdas et la fonte du personnage dans ses songes éthérés) donne au lecteur une dimension beaucoup plus forte à la rêverie ou au questionnement existentiel de Lévine. Tout ça pour dire que bien malgré nous, le ciel reste le medium (au sens premier du terme) à ses propres interrogations. Comme si se perdre visuellement dans cette immensité nous aidait à nous révéler à nous-même. Un contraste d'échelle qui, curieusement, nous renvoie à notre solitude profonde, à une intèriorisation presque paradoxale...

[Lin]

Ben... ils n'avaient pas la télé ni la radio, et une fois consommé l'alcool de patate, quoi de plus naturel que de se laisser emporter vers les splendeurs d'un ciel vierge

[den]

Le jour baissait de plus en plus. Vénus à la lueur argentée se montrait déjà au couchant, et au levant Arcturus brillait de son feu rouge un peu sombre. Levine apercevait par intervalles la Grande Ourse. Les bécasses ne se montraient plus, mais Levine résolut de les attendre jusqu’à ce que Vénus, qu’il distinguait entre les branches de son bouleau, s’élevât à l’horizon, et que la Grande Ourse fût entièrement visible. L’étoile avait dépassé les bouleaux, et le char de la Grande Ourse brillait déjà dans le ciel, qu’il attendait encore.

 

Ils connaissaient assez bien le ciel, mais avec quelques imprécisions quand même

 

Venus au couchant aura du mal à monter durant la nuit à travers le bouleau, et ce serait bien que ce soit encore une planète après l'avoir dépassé

[Jeff Hawke]

Ah oui, effectivement. Un peu fantaisiste finalement le Tolstoï. A moins que ce ne soit le traducteur ?

[Toutiet]

Ils connaissaient assez bien le ciel, mais avec quelques imprécisions quand même

 

Venus au couchant aura du mal à monter durant la nuit à travers le bouleau, et ce serait bien que ce soit encore une planète après l'avoir dépassé

 

Tout à fait exact, et je l'avais remarqué aussi . Mais c'est de la littérature et pas de la science... !

[Jeff Hawke]

Mais c'est de la littérature et pas de la science... !

 

Je ne comprends pas...

 

La littérature a autant capacité que la science à élucider le monde. Elle utilise une méthode différente et son champ d'action différe. Mais il y a des règles strictes. Dans le roman "réaliste" même de fiction, le cadre descriptif ne doit pas être entâché d'invraissemblances ou d'erreurs grossières. D'où l'importance du travail documentaire préparatoire à l'élaboration d'un roman (voir les notes de Zola sur sa préparation du cycle des Rougon-Maquart).

[TitouLGrandLou]

Par ailleurs un beau texte peut aussi n'avoir aucune vraissemblance, aucun but, aucune logique, juste la beauté des mots ou de leur image mis ensemble, ou de la fantaisie qui en resort...

(ou la sonorité des mots, ou de la musique associée - ex les chansons des Beatles...)

[takaya]

Je me souviens d'un post de Seb2003 sur le ciel de Russie, dans un une quartier sans lumière, loin des grandes villes...

[GéGé]

Faudrait que je retrouve ce carnet de bord d'un matelot sur un baleinier au XIXième siècle, qui raconte comment, allongé sur le pont et ne trouvant pas le sommeil, il suit tout au long de la nuit la route du navire en lisant le mouvement des constellations...

 

Je crois que mon goût pour l'astro vient de ce carnet-roman, et de mes promenades dans Toulouse quand j'étais pitit et que mon papa me montrait la Voie Lactée en rentrant chez nous, après les parties de boules!

 

[TitouLGrandLou]

Faudrait que je retrouve ce carnet de bord d'un matelot sur un baleinier au XIXième siècle, qui raconte comment, allongé sur le pont et ne trouvant pas le sommeil, il suit tout au long de la nuit la route du navire en lisant le mouvement des constellations...

 

Bonsoir GG & GG's family

 

oh oui des extraits ou le nom de ce carnet !!!!!!!

 

(mille sabord tonnere de Brest !!!)

[Jeff Hawke]

Faudrait que je retrouve ce carnet de bord d'un matelot sur un baleinier au XIXième siècle

 

"Moby Dick" ?

 

"2 ans sur le gaillard d'avant" ?

[Jeff Hawke]

Allez, la dernière notation étoilée de Tolstoï, laissant encore entrevoir un passé de ciel lacté.

 

8ème partie, chapitre XIX : "Lévine écoutait les gouttes de pluie qui tombaient des tilleuls du jardin à intervalles réguliers et regardait le triangle d'étoiles qu'il connaissait, et la voie lactée, bifurquée, qui le traversait. A chaque éclair, non seulement la voie lactée, mais les étoiles, disparaissaient momentanément pour reparaître aux mêmes endroits, comme jetées par une main habile."

 

Un orage, pluie, humidité, et une Voie Lactée qui apparait et disparait au rythme des éclairs.