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Merci à Angelina Stickney !…


roger15

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Posté

Bonjour à toutes et à tous, :)

 

Ce nom de Angelina Stickney ne vous dit sans doute rien (sauf à Fourmi 103 probablement), mais c'est grâce à cette dame qu'ont pu être découverts il y aura cent trente ans cette année, les 12 et 18 août 1877, les deux satellites de Mars, Deimos puis Phobos. ;)

 

Et pourtant cela faisait très longtemps que les astronomes cherchaient les deux satellites de Mars, dont la littérature avait révélé l'existence depuis très longtemps. Comment cela était-il possible ?…

 

Voltaire avait écrit dans son "Micromégas" en 1750 « En sortant de Jupiter, nos voyageurs traversèrent un espace d'environ cent millions de lieues et côtoyèrent la planète Mars. Ils virent deux lunes qui servent à cette planète, et qui ont échappé aux regards de nos astronomes. Je sais bien que le Père Castel écrira contre l'existence de ces deux lunes ; mais je m'en rapporte à ceux qui raisonnent par analogie. Ces bons philosophes-là savent combien il serait difficile que Mars, qui est si loin du Soleil, se passât à moins de deux lunes. Quoi qu'il en soit, nos gens trouvèrent cela si petit qu'ils craignirent de n'y pas trouver de quoi se coucher, et ils passèrent leur chemin. »

 

Auparavant Jonathan Swift dans "Les voyages de Gulliver", écrit en 1726, avait déclaré : « Les astronomes de ce pays [le pays imaginaire de "Laputa"] passent la plus grande partie de leur vie à observer les corps célestes à l'aide d'instruments fort supérieurs aux nôtres. Ayant poussé leurs découvertes beaucoup plus loin que nous, ils comptent 10 000 étoiles de plus, ils ont découvert deux étoiles inférieures ou satellites qui tournent autour de Mars, et dont la plus proche de la planète est à une distance du centre de celle-ci équivalent à 3 fois son diamètre, et la plus éloignée à une distance de 5 fois le même diamètre. La révolution de la première s'accomplit en 10 heures et celle de la seconde en 21 heures, de sorte que les carrés des temps sont dans la proportion des cubes des distances, ce qui prouve qu'elles sont gouvernées par la même loi de gravitation qui régit les autres corps célestes. »

 

Question : comment ses deux auteurs avaient-ils pu prédire l'existence des deux satellites de Mars plus d'un siècle avant leur découverte ?…

 

Eh bien, c'était dû au talent visionnaire de Johannes Kepler qui avait écrit à son ami Wachenfels dès janvier 1610, en recevant la nouvelle de la découverte des quatre satellites de jupiter par Gallilée, : « Non seulement l'existence de ces satellites [de Jupiter] me semble probable, mais encore on pourrait sans doute en trouver deux à Mars, six ou huit à Saturne, et peut-être un à Vénus et Mercure ». On ne peut que saluer le caractère visionnaire de Johannes Kepler qui a su prédire l'existence des deux satellites de Mars 267 ans avant leur découverte !!!…

 

La déduction de Kepler avait séduit le monde littéraire…

 

Pour les astronomes du dix-huitième puis du dix-neuvième siècle c'était un challenge merveilleux : qui serait le premier à observer le ou les satellites de Mars ?

 

Il faut dire que Mars est un astre tout petit à observer (ainsi aujourd'hui, 11 juillet 2007, son diamètre apparent n'est que de 6,56" d'arc, alors que celui de Jupiter est 44,13" et celui de Vénus de 36,63"). Mais tous les quinze ans environ (parfois tous les dix-sept ans) la planète rouge est en "opposition périhélique" et son diamètre devient beaucoup plus accessible aux instruments :

 

* opposition le 26 septembre 1704 (plus courte distance de la Terre le 20 septembre 1704 : 23,51") ;

 

* opposition le 27 août 1719 (plus courte distance de la Terre le 25 août 1719 : 25,03") ;

 

* opposition le 14 septembre 1751 (plus courte distance de la Terre le 10 septembre 1751 : 24,37") ;

 

* opposition le 13 août 1766 (plus courte distance de la Terre le 13 août 1766 : 25,08") ;

 

* opposition le 12 juillet 1781 (plus courte distance de la Terre le 18 juillet 1781 : 23,71") ;

 

* opposition le 31 août 1798 (plus courte distance de la Terre le 29 août 1798 : 24,94") ;

 

* opposition le 31 juillet 1813 (plus courte distance de la Terre le 3 août 1813 : 24,69") ;

 

* opposition le 19 septembre 1830 (plus courte distance de la Terre le 14 septembre 1830 : 24,21") ;

 

* opposition le 18 août 1845 (plus courte distance de la Terre le 18 août 1845 : 25,09") ;

 

* opposition le 17 juillet 1860 (plus courte distance de la Terre le 22 juillet 1860 : 23,95").

 

A chaque opposition périhélique les meilleurs observateurs tentèrent, hélas toujours en vain, de découvrir un ou deux satellites à Mars…

 

On en était là en 1877 lorsque fut mis en service la plus grosse lunette du monde à l'Observatoire naval de Washington : 66 centimètres de diamètre (26 pouces). Et ça tombait bien car cette année-là une nouvelle opposition périhélique de Mars était annoncée : la planète rouge serait en opposition le 5 septembre 1877 et serait au plus près de la Terre (56,35 millions de kilomètres) le 2 septembre 1877. Son diamètre apparent serait alors de 24,85".

 

Vous noterez au passage que tous ceux qui veulent minimiser l'exploit de Asaph Hall affirment qu'en 1877 il a profité d'une opposition très exceptionnelle, vous constaterez que celle de 1845 était plus favorable pour l'observation…

 

Tous les éléments donnés plus haut sont extraits de l'excellent livre du calculateur belge Jean Meeus "Astronomical Tables of the Sun, Moon and Planets" paru aux éditions Willmann-Bell à Richmond en Virginie aux Etats-Unis, 2ème édition 1995, aux pages 83 et 84. Voir : http://www.willbell.com/math/mc4.htm .

 

Fin juillet 1877 Asaph Hall (âgé alors de 48 ans) se lance un formidable défit : que ce soit un astronome américain qui réussisse à découvrir enfin le ou les satellites de Mars, et ce à l'aide de la plus grosse lunette du monde !... Pendant onze nuits il observe Mars à l'aide d'un cache de son invention qui occulte le halo martien, mais hélas, toujours rien… Le samedi 11 août 1877 il annonce à sa femme qu'il a peut-être eu tort de croire qu'il arriverait à découvrir un satellite à Mars. Sans doute la planète rouge n'en possédait-elle pas… Et sa femme, Angelina Stickney, qu'il avait épousée en 1856, lui dit qu'il devait continuer à observer encore une nuit, et après il arrêterait s'il ne trouvait rien. Asaph se laissa convaincre et entrepris une dernière tentative dans la nuit du 11 au 12 août 1877 : bien entendu il ne vit aucun point lumineux autour de Mars. Il se dit qu'il n'aurait pas dû écouter sa femme et s'apprêtait à arrêter ses observations lorsque à 02h40 du matin (heure du méridien de Washington) il aperçoit un petit point blanc à quelque distance de Mars. Hélas, un brouillard se lève soudainement sur le fleuve Potomac interdisant toute observation pour le restant de la nuit… Hélas, un ciel sans arrêt couvert empêche toute nouvelle observation les quatre nuits suivantes. Enfin le ciel s'éclaircit sur Washington la nuit du 16 au 17 août 1877 : et miracle le petit point brillant est bien là. Asaph Hall a toutefois un doute : ne serait-ce pas l'astéroïde 52 Europa, qui chemine dans le coin, qui aurait frôlé Mars ?… La nuit suivante le doute est dissipé, ce n'est pas un astéroïde mais bien un satellite !… Asaph arrive même à suivre ce petit point lumineux pendant deux heures. Et, cerise sur le gâteau, cette même nuit du 17 au 18 août 1877 il découvre un deuxième petit point lumineux qui tourne aussi autour de Mars, mais beaucoup plus proche de la planète que le premier. Asaph Hall pousse alors un soupire de soulagement : il a gagné son challenge !… Il fut le premier à savoir que Johannes Kepler avait eu raison dès 1610… Asaph a chaleureusement remercié Angelina de l'avoir incité à persévérer dans sa recherche de satellites à Mars.

 

L'Union Astronomique Internationale a rendu récemment (si fourmi 103 ou un autre spécialiste de Mars pouvait nous dire quand ?) un hommage à l'épouse d'Asaph Hall en nommant "Stickney" le plus gros cratère de Phobos. :be:

 

Alors, Messieurs les Astronomes amateurs, faites toujours confiance à l'intuition féminine !… Mesdemoiselles et Mesdames les astronomes amateurs ça doit aussi marcher dans l'autre sens. ;)

 

Pour terminer je voudrais signaler que Camille Flammarion a été le premier à révéler au grand public francophone l'existence des deux satellites de Mars dès 1879 (donc deux ans seulement après leur découverte) et la parution de son "Astronomie Populaire", aux pages 491 à 497. :be:

 

Roger 15. :rolleyes:

Posté

Merci Roger pour cette belle et intéressante anecdote.. encore une fois, de la persévérance est née l'une des plus grandes découvertes de l'Histoire.....

Posté

Cultissime Roger15 ;)

 

Non, je ne connaissais pas cette Angela Stickney, mais je te remercie d'apporter des informations sur les satellites de Mars et leur "inventeur".

 

Je ne connaissais de Stickney que le cratère de Phobos en effet. Et ce, grâce au romans trilogique de Kim Stanley Robinson Mars La Rouge, la Verte et la Bleue.

Posté
Et sa femme, Angelina Stickney, qu'il avait épousée en 1856, lui dit qu'il devait continuer à observer encore une nuit

Suis je le seul à trouver ce post misogyne et réducteur quand à la condition féminine?

L'égalité est presque dans la société, mais pas encore dans l'astro, si j'en crois cette 'fable'.

Cette histoire est à jeter aux oubliettes, pour sa véracité, et pour ses idées d'un autre âge.

Roger devrait avoir honte de la raconter ainsi, avec son oeil d'un autre temps et ses presugés.

Alberlt galilée, toi qui es une femme, n'as tu pas honte de ton commentaire, qui le prend de surcroit en exemple comme attitude antimachiste? Je dois rêver.

Posté

Gunnm, c'est une anecdote, pas le symbole de tout un combat. Il n'y a pas de quoi s'emporter ainsi, et surtout pas de quoi utiliser le mot "misogyne".

 

Si les webastramettes qui ont lu ce post n'ont pas réagi (puisqu'elles devraient être les plus outrées à cette lecture), il y a certainement une raison...

 

;)

Posté
Roger devrait avoir honte de la raconter ainsi, avec son œil d'un autre temps et ses préjugés.

 

Bonjour Steven, :)

 

Je crois au contraire que cette histoire est tout à la gloire de Asaph Hall, car il aurait très bien pu ne pas mentionner le coup de pouce décisif de sa femme Angelina dans la découverte des deux satellites de Mars… :be:

 

Roger 15. ;)

Posté

hum... C'est vrai que je me suis peut-être un peu emporté.

Milles escuses à vous, Roger et albert galilée.

Posté
hum... C'est vrai que je me suis peut-être un peu emporté. Milles excuses à vous, Roger et Albert galilée.

 

Bonsoir Steven, :)

 

En ce qui me concerne, j'ai beaucoup apprécié ton repentir. Pour moi c'est déjà une affaire classée… ;)

 

Haaa ce Roger, une véritable encyclopédie spatiale à lui tout seul ! Merci cher Roger.

 

Bonsoir André, :)

 

Merci beaucoup pour ton compliment. :wub: :wub: :wub:

 

Roger 15. :be:

Posté

Histoire très intéressante et qui plus est très bien racontée Roger ;)

 

Une lunette de 66cm, une fallait une lunette de compétition pour relever un tel défi :o .

 

[Mode Boulet ON]

Si j'ose une blague à deux balles, cette lulu était l'ancêtre de la 66mm, non ? :p qui est aussi une lunette de compétition...

 

JazzOn:boulet:

[Mode Boulet OFF]

 

Blague à part, continue à nous raconter des histoires comme celle-ci, je suis fan !

a+

Posté
Blague à part, continue à nous raconter des histoires comme celle-ci, je suis fan !

 

Bonjour JazzOn, :)

 

Je vais essayer, mais n'étant pas un très vieil adhérent de ce forum, j'ignore les sujets concernant l'histoire de l'astronomie qui ont y ont déjà été abordés. :?:

 

Si tu as des idées, fais-le moi savoir. ;)

 

Roger. :rolleyes:

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