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Et voici le sujet polémique n°2... C'est de l'astro, mais je le poste ici pour qu'il accompagne le n°1. (Vous voyez, je ne fait pas une fixette sur le soi-disant visuel assisté, en tout cas par que... ;) )

 

Le sujet : il ne faut pas utiliser le « catalogue » Caldwell.

 

Ça va être long, mais j'espère vous convaincre. Et puis il y a un aspect historique qui peut vous intéresser.

 

1/ Catalogues, histoire, règles d'usage

 

En astronomie, il y a deux types de catalogues :

− Les catalogues de découvreurs.

− Les catalogues de synthèse.

− Les listes. Zut, ça fait trois. Justement, non : une liste n'est pas un catalogue.

 

Pour le ciel profond, il y a eu deux grandes périodes :

− L'ère de l'observation visuelle et du dessin (fin 18è jusque fin 19è siècle). On ne connaissait pas la nature des objets du ciel profond, aussi on cataloguait aussi bien les amas d'étoiles que les nébuleuses (y compris les galaxies). D'autant que beaucoup de nébuleuses se résolvaient en étoiles pourvu que le diamètre soit suffisamment grand. Toutes les nébuleuses n'étaient-elles pas des amas d'étoiles non résolus, d'ailleurs ? Grande question (la réponse a été apportée par la spectroscopie à la fin du 19è). Cette ère a culminé avec l'édition du New General Catalogue : sur 7840 objets recensés, 7839 étaient des découvertes visuelles (exception unique : la nébuleuse autour de Maia, découverte par la photo).

− L'ère de l'astrophysique : à la fin du 19è, la spectroscopie et la photographie permettent l'étude physique des objets du ciel profond et, à partir du tiers du 20ème siècle, on distingue les différents types d'objets (amas ouverts, rémanents de supernovæ, galaxies...)

 

Avant Messier, il n'existait pas de catalogues. Quelques observateurs avaient découvert des objets du ciel profond et certains les avaient listés. Aucune de ces listes ne donnait de positions  précisés, c'était plutôt : « sous l'oreille droite de la Grande Ourse » ou « derrière le sabot de la patte arrière-droite de Pégase ». Vraiment ! Et ces listes étaient pleines d'erreur, en général plus de la moitié des objets n'en étaient pas.

 

Le catalogue de Messier est le premier vrai catalogue : il donne les coordonnées des objets, et il y a très peu d'erreurs, c'est pourquoi il est passé à la postérité. C'est un catalogue de découvreur, mais pas que : la majorité des objets sont des découvertes de Messier (en fait indépendantes, car d'autres observateurs étaient souvent passés avant lui, mais on n'en savait rien − c'était une autre époque, les connaissances se diffusaient mal), mais Messier s'est efforcé de mesurer les objets des listes dont je parlais plus haut (il a eu du mal à les retrouver vu que la majorité n'existaient pas... une fois il s'est forcé à trouver quelque chose : c'est ainsi que M40 figure dans son catalogue). Mesurer des coordonnées, c'était le métier de Messier, et grâce à Messier on disposait enfin de coordonnées précises. Bref, le catalogue de Messier est un catalogue de découvreur mais aussi, quelque part, un catalogue de synthèse.

 

Puis William Herschel est arrivé. Son catalogue final fait 2500 objets : tous des découvertes. D'ailleurs il n'a inclus aucun des 103 objets du catalogue Messier de l'époque. C'est un catalogue de découvreur.

 

M comme Messier, H comme Herschel : dans les deux cas, on utilise le nom de celui qui a réalisé le catalogue.

 

John, fils de William, a découvert plusieurs centaines d'objets dans le ciel boréal, et un bon millier (en gros) lorsqu'il a exploré le ciel austral. Mais à cette époque, d'autres observateurs ont commencé à explorer le ciel à leur tour, soit de riches amateurs dans leurs observatoires privés (le comte de Rosse en est le plus fameux exemple, mais pas que), soit des astronomes professionnels avec les grandes lunettes de l'époque. John Herschel a donc publié un catalogue de synthèse, le General Catalogue (GC). Notez qu'il ne porte pas son nom : ce n'est pas un catalogue de découvreur. Ce travail était considéré comme une sorte de sommet du genre. Pourtant, très vite il est devenu obsolète.

 

C'est que les lunettes étaient de plus en plus grandes, et les amateurs fortunés de mieux en mieux équipés. À la fin du 19è siècle, Foucault taille de gros miroirs paraboliques et les couvre d'une argenture qui double presque le coefficient de réflexion par rapport à un miroir en bronze : on va enfin pouvoir construire des télescopes géants. Son télescope de 80 cm, parfois considéré comme le premier télescope (Newton) moderne, est installé à Marseille où l'utilise É. Stephan qui découvre des centaines de petites nébuleuses (dont le fameux Quintette), mais beaucoup d'autres continuent à trouver ça et là des « nébuleuses » : il faut un nouveau catalogue de synthèse. C'est Dreyer qui s'y colle. Ce n'est pas un pur observateur (il n'a pas découvert de « nébuleuses », je crois) et la tâche est gigantesque. Quand le NGC sort, c'est un événement. C'est le dernier catalogue de synthèse de la première ère, celle où l'on regroupait des objets de tous types car on ignorait leur nature. C'est pourquoi il est passé à la postérité.

 

Aujourd'hui encore, si on s'intéresse au ciel profond tous types d'objets confondus, on n'a besoin que de deux catalogues : le Messier, qui offre une numérotation simple à mémoriser, et le NGC pour les autres (avec son annexe, l'Index Catalogue, dont les découvertes ont été essentiellement photographiques). Bien entendu, nous autres amateurs aimons aussi retenir les surnoms.

 

Au vingtième siècle, on a compris la nature des différents objets, aussi on a établi des catalogues d'amas ouverts, de nébuleuses planétaires, de galaxies, etc. Mais toujours selon le principe : catalogue de découvreur, catalogue de synthèse.

 

Ainsi, lorsque G. Abell a examiné les plaques de Schmidt de la Palomar Sky Survey des années 1950, il a trouvé des nébuleuses planétaires de faible brillance de surface qui n'étaient pas recensées dans le NGC/IC. Il les a étudiées (j'imagine qu'il a pris des spectres, ce genre de chose...) puis a publié un catalogue. Un catalogue de découvreur. Les objets portent son nom. Exemple : A21, la nébuleuse de la Méduse. D'autres astronomes ont découvert et recensés de nouvelles nébuleuses planétaires. Dans les années 1960, Perek et Kohoutek ont publié un catalogue de synthèse, contenant toutes les nébuleuses connues − un travail de titan car il faut éplucher un maximum de publications scientifiques. La nébuleuse de la Méduse s'appelle ainsi PK 205+14.1 (au lieu d'un n° d'ordre, ils utilisent ses coordonnées galactiques, ça sera plus simple pour ajouter des objets plus tard).

 

Ainsi, des astronomes comme Collinder, Melotte, Trumpler ou l'équipe de Berkeley ont découvert des amas ouverts non répertoriés dans le NGC. Ils les ont étudiés, ont établi des diagrammes HR pour prouver que c'était bien des amas ouverts, ont estimé leur âge, etc. Un gros travail ! Et il existe des catalogues de découvreur associés. Notez que, dans le catalogue de Berkeley, les objets sont nommés d'après l'observatoire, pas d'après les noms des astronomes. Tout le monde connaît l'amas Coma, visible à l'œil nu (Mel 111), ou l'amas du Cintre (Cr 399). Le catalogue de Collinder est particulier : c'est un catalogue de synthèse où Collinder a ajouté ses propres découvertes (une sorte de Messier à l'envers).

 

Tous les types d'objets ont leurs catalogues de découvreurs, et tous sauf les amas globulaires ont leur catalogue de  synthèse.

 

2/ Le soi-disant catalogue de Caldwell n'est pas un catalogue

 

À la fin des années 1990, le magazine Sky & Telescope a demandé à P. Moore, un des plus grands vulgarisateurs d'astronomie en langue anglaise (mais pas forcément un observateur expérimenté), de rédiger une liste d'objets hors catalogue Messier. Apparemment, le but était de proposer aux astronomes amateurs des objets pour aller plus loin que le catalogue Messier : si vous avez vus les 110 Messier, voici 110 nouvelles cibles. Moore a fourni une liste de 109 objets, et Sky & Telescope l'a appelée le catalogue Caldwell et a numéroté les objets  C1, C2, etc. Était-ce l'idée de Moore ? Apparemment oui puisqu'il a expliqué porquoi ce C (il ne pouvait pas utiliser M, c'était déjà pris, alors il a utilisé l'initiale de son deuxième nom). Donc désormais, et par la volonté de Moore, 109 objets porteront son (deuxième) nom.

 

En réalité ça n'a pas plus de valeur que les noms des étoiles qu'on pouvait acheter autrefois auprès de certaines sociétés, puisque ce n'est pas un catalogue et cette numérotation n'a rien d'officiel. Moore est archi-célèbre (à juste titre), il n'a pas besoin de ça pour que son nom devienne immortel. Pour moi il n'aurait jamais dû vouloir faire un catalogue, ou accepter que Sky & Telescope en fasse un catalogue. Ça suggère qu'il ne comprend pas les règles d'usage : on ne donne pas son nom aux astres n'importe comment.

 

Son soi-disant catalogue n'est pas un catalogue : un catalogue conclut une longue étude de nombreux objets. Là, vu la qualité du résultat (voir 3ème partie), il aurait fait ça en un quart d'heure entre le fromage et le dessert que ça ne m'étonnerait pas. Appeler ça un catalogue, je trouve que c'est manquer de respect vis à vis de Messier et Herchel ou de Dreyer et Collinder. Un catalogue, c'est une œuvre scientifique. La liste de Caldwell est une blague.

 

  • Ce n'est pas un catalogue de découvreur : Moore n'a pas découvert les objets de la liste, et ne les a probablement pas tous observés sinon en regardent de belles photos.
  • Ce n'est pas un catalogue de synthèse. Synthèse de quoi ? De tous les objets connus du ciel profond ? Il en a recensé seulement 109 ! Et on est au 21è siècle, on ne fait plus de synthèse de tout le ciel profond, c'est désormais inutile. Exemple : le catalogue de Hickson est un catalogue de synthèse, mais spécialisé : les groupes compacts de galaxies. 
  • C'est une liste. Une liste d'objets qu'il recommande aux observateurs qui auraient fait le tour du catalogue Messier.

 

3/ La liste de Caldwell est la plus mauvaise liste qui soit

 

Des listes d'objets pour aller au-delà du catalogue Messier, ça existe, c'est très utile, et certaines sont excellentes. Tous les observateurs devraient connaître les "110 best NGC" ou le "Herschel 400" popularisés par les amateurs américains. Les objets recensés dans le livre J'observe le ciel profond de J.-R. Gilis forment à mon avis la meilleure liste du genre : cohérente et exhaustive. Ceux qui ont préparé ces listes ne les ont pas faites en une soirée : il a fallu examiner des catalogues mais aussi observer tous les objets.

 

Une liste doit répondre à un besoin précis. Exemples :

− Quels sont les objets qui auraient pu figurer dans le catalogue Messier mais que Messier a oublié. Intérêt : par définition ces objets sont aussi faciles que les Messier. J'en ai fait une liste sur mon site ("complément Messier").

− Quelles sont les plus belles nébuleuses planétaires pour un télescope de grand diamètre ? Je ne serais pas étonné qu'il en existe des listes.

− Etc. (on trouve de nombreuses listes de la sorte sur internet, j'affirme qu'elles sont toutes mieux faites que la liste de Caldwell).

 

À quelle question répond la liste de Caldwell ? Si la question était « quels sont les objets à observer une fois qu'on a complété le catalogue de Messier », la réponse est très mauvaise.

 

Les objets de Caldwell du ciel austral sont bien les plus brillants ou les plus faciles. Mais dans le ciel boréal, c'est n'importe quoi. On a des objets faciles (Double Amas), mais aussi des objets très difficiles (des galaxies à faible brillance de surface, des nébuleuses IC) et des objets impossibles (Sh2-155). Du moins si on s'intéresse à l'observation visuelle, car en photo certaines nébuleuses seront moins difficiles. Mais quand même... ça donne l'impression que les objets ont été choisis au hasard.

 

On m'a dit : c'est normal, Moore voulait aussi répertorier des objets difficiles pour proposer des challenges. Ben oui mais du coup on mélange tout. Franchement, si on veut une liste de 109 objets de tous types et de toutes difficultés, il suffit de  choisir les 109 objets au hasard. Ce ne sera ni plus ni moins adéquat. Ce serait beaucoup plus intéressant de faire de petites listes par ordre de difficulté. Il existe un excellent livre sur ce thème : Cosmic Challenge, de Ph. Harrington.

 

Ce qui me gène, c'est qu'en suivant la liste de Caldwell en croyant bien faire, on risque de passer à côté de nombreux astres qui valent vraiment le coup. « NGC 7789 n'est pas dans le Caldwell, je passe mon chemin, allons voir plutôt Sh2-155.... »

 

4/ Pourquoi utiliser la liste de Caldwell est néfaste

 

− Liste mal fichue (en fait c'est la liste de quoi ? de rien du tout).

− Liste inutile (il existe déjà de telles listes, et leurs auteurs n'ont pas eu le culot de donner leur nom aux objets).

− Il a renuméroté des objets qui avaient déjà des numéros voire des surnoms. Ça va augmenter la liste de numéro à mémoriser. Sans compter que donner son nom à des objets qu'on n'a pas découvert, c'est pas très correct.

− Si vous utilisez la numérotation de Caldwell, vous allez soit faire perdre du temps à vos interlocuteurs (tu n'as pas vu C9 ? mais, rappelle-moi, c'est quoi ?), soit contribuer à la propager.

 

Je pense que tout le monde aurait intérêt à ce que cette liste tombe dans l'oubli. Et je ne pense pas manquer de respect pour P. Moore en disant ça : justement, lui ne tombera pas dans l'oubli, mais il vaut peut-être mieux pour lui qu'on oublie cette erreur qui n'est pas digne de lui.

 

En France, on n'en parle pas beaucoup, heureusement. Mais je crois qu'aux États-Unis cette liste est plus souvent utilisée. Je sais que le logiciel Coelix indique les numéros de Caldwell sur les cartes, mais c'est peut-être paramétrable. Pour les autres logiciels, je ne sais pas (pas ma version de Guide en tout cas : c'est un logiciel sérieux).

 

Voilà, c'est juste mon avis, mais je sais que j'ai raison ;)

 

  • J'aime 1
  • Merci / Quelle qualité! 1
Posté

@'Bruno autant je ne suis pas d'accord avec toi  sur le "sujet polémique n°1", autant j'adhère complètement  à ta vision des choses sur le n°2.

On peut pas être d'accord sur tout, ce serait ch...

  • J'aime 1
Posté
il y a 49 minutes, 'Bruno a dit :

Les objets recensés dans le livre J'observe le ciel profond de J.-R. Gilis forment à mon avis la meilleure liste du genre : cohérente et exhaustive.

 

Ton post est très intéressant Bruno.

J'ai en effet cet ouvrage pour mes recherches, que je combine

au PSA, idéal pour un instrument de diamètre encore modeste ( rien que la couverture, représentant mes deux instruments de jeunesse, me fait rêver..)

Je crois que cet ouvrage reste toujours une référence dans le monde de l'astro ..

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