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Posté (modifié)

Bonjour à toutes et à tous,

 

D'habitude j'utilise plutôt le forum d'en face pour discuter solaire (il est plus actif sur ce sujet, sans jeu de mots ;)), mais les images que j'ai faites lundi me semblent suffisamment intéressantes pour vous les proposer ici aussi. Je passerai un peu plus de temps à expliquer ce qu'on observe et les détails techniques, puisqu'il me semble que le Sol'Ex est moins connu ici. Ces images ont donc été capturées avec un Sol'Ex, l'instrument créé par Christian Buil, et traitées avec mon logiciel maison JSol'Ex. Le Sol'Ex est un instrument assez incroyable et j'espère que ce post en sera le témoin : il permet de capturer des phénomènes qu'aucun autre appareil ne permet de capturer. En particulier, son utilisation de la spectroscopie permet de mesurer des phénomènes brutaux et de reconstituer des images en plongeant dans l'atmosphère. Il ne permettra pas forcément de faire des zooms, mais on obtient des données assez fascinantes.

 

De quoi parle-t-on ?

 

Ce lundi 3 juin, je me suis lancé le défi de faire un timelapse du soleil, au Sol'Ex. C'est un travail assez fastidieux, puisque comme vous le savez peut-être, le Sol'Ex ne permet pas d'obtenir une image directement, il faut, pour chaque image, capturer une vidéo (on appelle ça un scan) et traiter cette vidéo pour obtenir une image. C'est là que les logiciels interviennent. Le logiciel officiel est fait par Valérie Desnoux et Christian Buil, il s'appelle INTI, et j'ai pour ma part écrit mon propre logiciel, JSol'Ex. Ce logiciel dispose d'un mode batch, mais aussi de scripting et autres détections automatiques qui rendent l'opération plus simple.

 

J'ai donc capturé pas moins de 262 fichiers SER, environ 1 par minute, entre 8h et 16h UTC. Il y a des écarts (passages nuageux ou retournement au méridien), mais au total, cela représente 108 Go de données à traiter ! Pour capturer ces scans, j'ai utilisé SharpCap, avec un script de capture pour piloter la monture, ce qui a demandé un minimum de surveillance, l'essentiel étant fait de manière automatique. Les captures ont été faites avec ma lunette TS-Optics Photoline de 80mm, équipée d'un réducteur de focale 0.79 et diaphragmée à 55 mm (nécessaire pour conserver un rapport F/D proche de 6, optimal pour le Sol'Ex).

 

Avant de commencer la série, j'ai réalisé une dizaine de scans d'affilée pour obtenir une seule image, stackée, dont voici le résultat :09_13_57_0000_batch_colorized.thumb.jpg.da97012de328b59d8917945ac9929a4e.jpg:

 

Le timelapse

 

Nous arrivons donc au résultat de cette journée, un timelapse qui montre beaucoup de choses. En particulier, 2 éruptions de classe M, l'une entre 9h30 et 12h39 UTC dans AR3697 (la grande région active au sud) et l'autre, spectaculaire, dans AR3695 au Nord-Ouest (en haut à droite) qui commence à 14h UTC. Malheureusement pour cette dernière, le principe de Murphy veut que les nuages se soient invités pile à ce moment là, ce qui donne ces images plus sombres dans l'animation. Le traitement est réalisé avec un script, optimisé pour la visibilité des flares et des protubérances. Les différences de luminosité sont essentiellement liées aux passages luminieux et volontairement non corrigées pour bien voir les éruptions et plasmas :

 

shot2.png.09172ea539cd1ad900e5b27df056cb3f.png

 

Il est possible de zoomer sur l'éruption la plus spectaculaire de la journée :

 

ar3695.gif.c957500789e51a28e6d6b93224562faa.gif

 

L'effet Doppler en action

 

L'intérêt de Sol'Ex, c'est qu'il permet simultanément de capturer plusieurs choses. Ainsi, dans une vidéo, on capture une partie du spectre solaire, ici autour de la raie H-alpha. Les images H-alpha sont faites en prenant les pixels qui se trouvent au centre de la raie. Ainsi, dans l'image ci-dessous, ce que l'on voit est une capture d'une des images du fichier SER. En haut, nous avons notre raie Ha, bien sombre au centre. Le trait qui la traverse est la détection du centre de la raie, qui sert à reconstituer les images. Néanmoins, on constate que la raie n'est pas uniforme : elle est déformée, décalée vers le haut ou vers le bas. C'est l'effet Doppler, et on capture ici des décalages vers le rouge (vers le bas) ou vers le bleu (vers le haut). Le trait en bas correspond à un décalage "intéressant" relevé par le logiciel, qui permet de calculer des vitesses (nous y reviendrons) :

 

13_53_24_0000_13_53_24_0_redshift.png.efff26ae0d582f5716444a5b44d401b3.png

 

Les bandes plus sombres visibles à gauche de l'image dans le spectre correspondent à des taches solaires. Ce qui est vraiment intéressant, c'est que grâce à ces images, on peut reconstituer une "image Doppler" du soleil, en prenant non plus le centre de la raie, mais en se décalant de quelques pixels par rapport au centre. On reconstitue alors une image en mettant dans le canal bleu l'image décalée de 3 pixels vers le haut, dans le rouge l'image décalée de 3 pixels vers le bas, et dans le vert la moyenne des 2 (cette procédure est décrite sur le site de Christian). Là où la génération de ces images Doppler est chose commune chez les Sol'Ex'istes, je ne pense cependant pas que quiconque l'ait jamais utilisé pour en faire un timelapse. Voici donc ce que j'ai obtenu :

 

 

shot1.jpg.a3f047287e0b098200c9c4967b961af5.jpg

 

Le résultat est assez spectaculaire ! En particulier, sur la 2ème éruption, on voit bien des éjectas bleus, qui se déplacent donc vers nous, et des rouges, qui s'éloignent ! Nous pouvons cependant faire d'autres belles animations. Ainsi, en utilisant un "coronographe virtuel", il est possible de bien isoler les protubérances. C'est ce que l'on voit dans l'animation suivante, qui montre donc ces images Doppler, mais avec le disque solaire masqué :

 

shot3.jpg.f7b0a564f5ca6844cf89ff8945a38d11.jpg

 

Afin que l'on se rende mieux compte des mouvements de masse, voici deux zooms sur des régions intéressantes :

 

anim1.gif.33abce6cd84d2a12ba97811a77a517e1.gif

 

anim-2.gif.942c09665b3a666bbf15cc5dc640da32.gif

 

De la science !

 

Le Sol'Ex n'est pas qu'un simple instrument d'observation. Il permet de faire "de la science" simplement chez soi. Ainsi, puisque nous disposons du spectre et que nous pouvons calculer des décalages Doppler, j'ai récemment ajouté à JSol'Ex la capacité à détecter automatiquement des "excès de vitesse" sur le disque solaire. De quoi parle-t-on ? Sur l'image du spectre ci-dessus, on constate donc que la raie Ha est "étirée" vers le haut et vers le bas. En mesurant la distance entre un pic et le centre de la raie, on calcule un "décalage en pixels" qui peut être converti en vitesse. Il est ainsi possible, pour chaque image de la série, de calculer les plus gros décalages de pixels et représenter celà graphiquement sur le disque. C'est ce que l'on voit ici, sur une capture prise à 14h27 UTC :

 

0195_14_27_11_mesure_vitesse.thumb.jpg.244d4cf542fbb8a6bd6b89ead0f82d40.jpg

 

On y note une pointe à 234 km/s ! Que voit-on dans le spectre à l'endroit qui correspond à ce pic ? Voici la réponse :

 

14_27_11_0000_14_27_11_0_redshift.png.8c6522161fc9b5c451fa0c5bec8d9c2f.png

 

C'est intéressant ! Cette fois-ci on ne constate plus une raie sombre, mais un flash lumineux. Il s'agit d'un flare, au lieu d'être en absorption, la raie Ha passe ici en émission avec du plasma visible, ce que l'on retrouve dans les animations avec ces régions blanches qui semblent se propager le long de filaments.

 

Plongée dans l'atmosphère

 

Attention, ici on part dans du plus technique, et je ne suis pas certain moi-même de tout comprendre aux phénomènes. Les animations que vous allez voir ne sont plus dans le temps, mais dans l'espace ! C'est contre-intuitif, votre cerveau va vous dire le contraire, mais ce que l'on voit, c'est bien une animation qui se passe à un instant t. Au lieu de se promener dans le temps, on se promène dans différentes couches de l'atmosphère. Il s'agit en fait d'animations faites là où les excès de vitesse sont détectés, en prenant un décalage de pixels correspondant aux décalages détectés. Ainsi, si un décalage est constaté entre -15 (vers le bleu) et +8 (vers le rouge), alors on réalise une animation en générant une image pour chaque décalage, ce qui nous donne ceci pour la région où l'excès à 234km/s a été mesuré :

 

shot4.jpg.1ff6f47bda158e1966ae26eb643583cb.jpg

 

On constate bien le flash, visible au milieu de l'animation, mais il se passe des choses autour, avec des régions sombres qui apparaissent et disparaissent. Il est plus intéressant, pour bien comprendre le phénomène, de se déplacer sur la deuxième éruption, qui a eu lieu plus près du limbe. En effet, la première étant face à nous, il est difficile de percevoir le relief. En revanche, avec une éruption sur le bord solaire, la ligne de vue change et on perçoit des choses très intéressantes :

 

shot5.jpg.dfead0a21bf1bc2e36f65280fb889ba7.jpg

 

Rappelez-vous qu'il s'agit d'un instantané. Donc, le filament noir que l'on voit se déplacer ne correspond pas à quelque chose qui bouge, mais à sa "position" dans l'espace, dans différentes couches de l'atmosphère. Lorsqu'on voit un flash lumineux (il y en a 2 dans cette vidéo), il s'agit d'un flash qui a lieu à une hauteur particulière dans l'atmosphère. La trace noire correspond donc à un éjecta "vu en relief" et l'effet Doppler nous a permis de mesurer la vitesse de cette éjection massive de matière : plus de 200 km/s !

 

Cette dernière animation montre la même éjection à un instant différent, mais très proche, qui montre que la masse éjectée était bien plus importante :

 

shot6.jpg.5836fc136693d7ae796359821e18fdf3.jpg

 

Au final, vous venez de "voir" l'éjection mentionnée dans le GIF plus haut, mais sur une seule image, en calculant la vitesse de l'éjection de matière.

 

En conclusion

 

En conclusion, c'était une bien belle journée d'observation, même si elle a été gâchée en fin de journée par l'apparition des nuages. Le Sol'Ex est un instrument pas cher, simple à utiliser, qui permet de faire des observations et des mesures de qualité scientifique. Avec un peu d'imagination, on peut réaliser des images assez folles, avec des précisions de l'ordre de 0.2 Angströms, ce qui est assez fou. Alors, certes il y a des inconvénients et ça nécessite un peu d'apprentissage, mais en un an d'exploitation, ma connaissance des phénomènes solaires s'est incroyablement enrichie, et ça, c'est grâce à Christian Buil et Valérie Desnoux, merci à eux !

 

 

Modifié par melix
Correction de l'intégration vidéo
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  • Merci / Quelle qualité! 7
Posté

Que dire ?

déjà merci, c'est vraiment super intéressant ! C'est fascinant de voir tout ce qu'on l'on peut récolter comme information avec des outils non professionnels

Donc Bravo ! 

Même si la technique à l'air vraiment différentes des autres types d'observation solaire, ça donne vraiment envie de s'y essayer !!

  • J'aime 1

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