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Pourquoi y a-t-il parfois des "secondes intercalaires " ?


roger15

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Pourquoi y a-t-il parfois des "secondes intercalaires " ?

 

Bonjour à toutes et à tous, :)

 

Seuls les plus anciens de ce forum Webastro s'en souviennent, mais il y a eu un événement astronomique assez perturbant, inédit depuis qu'on a mesuré avec précision la durée d'une journée : le vendredi 30 juin 1972 a duré 86 401 secondes. Jusqu'à présent toutes les journées duraient invariablement 86 400 secondes (24 heures de 60 minutes de 60 secondes ; 24*60*60 = 86 400). Alors pourquoi cette fantaisie d'ajout d'une seconde à 23h 59m 60s la nuit du vendredi 30 juin au samedi 1er juillet 1972 ?

 

Du fait des effets des marées, la rotation de la Terre se ralentit chaque année, augmentant légèrement la durée du jour solaire moyen, d'environ 1,64 cent millièmes de secondes par jour. Au bout de 5 000 ans, ce ralentissement serait de 20 heures environ. On a pu le savoir en comparant les dates et les heures consignées par des témoins dans les archives d'observations des éclipses très anciennes et les heures calculées par les théories modernes de la mécanique céleste.

 

Vu que la rotation de la Terre sur elle-même, qui détermine le passage des jours et des nuits, ralentit donc sur le long terme, à cause principalement des effets d'attraction luni-solaire, mais en plus par le fait que notre planète est perturbée par ses constituants internes (noyau, manteau) et externes (atmosphère, océans), il fallait trouver le moyen de pouvoir toujours relier le temps civil et le temps fourni par les horloges atomiques. Car depuis les années soixante le temps est mesuré par des moyens insensibles aux humeurs de la Terre, actuellement grâce à 250 horloges atomiques appartenant à plusieurs pays du globe (dont 25 sont situées en France). Ensemble, ces 250 horloges atomiques permettent de calculer le Temps Atomique International (TAI) ; et ce TAI est si régulier qu'il apparaît rapidement un décalage entre lui et le temps des jours et des nuits déterminé par la rotation de la Terre sur elle même. Ce décalage pouvant être gênant pour certaines applications, un accord international signé en 1972 a stipulé que la différence entre les deux ne doit jamais dépasser une seconde. C'est à cela que servent les secondes intercalaires : à maintenir à moins d'une seconde l'écart entre le Temps Atomique International (TAI) et le Temps Universel Coordonné (UTC).

 

Depuis le 1er janvier 1972 il y a eu vingt-trois secondes intercalaires d'introduites. La dernière à minuit dans la nuit du 31 décembre 2005 au 1er janvier 2006.

 

La différence UTI - UTC qui était de 10 secondes le 1er janvier 1972 (le "Delta T" [Temps Terrestre - UTC] était alors de 42,2 secondes) est passé au 1er janvier 2006 à 33 secondes (le "Delta T" étant passé à 64,9 secondes).

 

En pratique c'est Monsieur Daniel Gambis (le responsable de l'IERS [international Earth Rotation and Reference Systems Service] - Service International de la Rotation de la Terre) qui prend depuis l'Observatoire de Paris la décision d'introduire une seconde intercalaire. Concrètement Daniel Gambis (qui est donc en quelque sorte le "Maître du Temps mondial") envoie un "bulletin C" à tous les observatoires mondiaux. C'est par le "bulletin C" n° 30 du 4 juillet 2005 qu'il a annoncé au monde entier la dernière seconde intercalaire dans la nuit du 31 décembre 2005 au 1er janvier 2006 (voir : ftp://hpiers.obspm.fr/iers/bul/bulc/bulletinc.30 ).

 

Le précédent "bulletin C" ayant annoncé une seconde intercalaire était le "bulletin C" n° 16 du 17 juillet 1998 (voir : ftp://hpiers.obspm.fr/iers/bul/bulc/bulletinc.16 ) pour l'ajout d'une seconde la nuit du 31 décembre 1998 au 1er janvier 1999. Il y a donc eu sept ans sans secondes intercalaires, signe que le ralentissement de la rotation de la Terre s'est légèrement réduit…

 

Voici d'ailleurs un lien vous permettant de visualiser les dates et les fréquences des 23 sauts de secondes depuis le 1er janvier 1972 : http://lne-syrte.obspm.fr/gen/saut_utc.html .

 

 

Y a-t-il un rapport entre les "secondes intercalaires" et le "Delta T" ?

 

 

Bien sûr, tous les deux sont témoins du ralentissement inexorable de la rotation de la Terre.

 

Les "secondes intercalaires" traduisent ce ralentissement lorsqu'il va y avoir plus d'une seconde entière d'écart entre le Temps Atomique International (mesuré, je le rappelle, par 250 horloges atomiques dans le monde) et le Temps Universel Coordonné, diffusé par les médias pour le grand public. Depuis le 1er janvier 1972, donc depuis 35 ans, il y a eu vingt-trois secondes intercalaires d'introduites. Cela signifie donc concrètement que depuis le 1er janvier 1972, donc en 35 ans, la rotation de la Terre s'est ralentie de 24 secondes. Ça peut vous paraître insignifiant comme retard, mais ça représente pour 100 ans 24 / 35 * 100 = 68,57 secondes ; pour 1 000 ans 24 / 35 * 1 000 = 685,71 secondes soit 685,71 / 60 = 11,43 minutes ; pour 10 000 ans 24 / 35 * 10 000 = 6 857,14 secondes soit 6 857,14 / 60 = 114,29 minutes soit 114,29 /60 = 1,9 heure ; pour 100 000 ans 24 / 35 * 100 000 = 68 571,43 secondes soit 68 571,43 / 3 600 = 19,05 heures ; pour un million d'années 24 / 35 * 1 000 000 = 685 714,29 secondes soit 685 714,29 / 86 400 = 7,94 jours. Près de huit jours de retard en un million d'années, je trouve quant à moi que ça fait beaucoup !…

 

Quant au "Delta T" il mesure également ce retard, avec une précision d'un dixième ou d'un centième de secondes selon la finesse des calculs effectués, mais en permanence…

 

 

Quel est l'avenir des "secondes intercalaires" ?

 

 

Nous avons vu plus haut que ces "secondes intercalaires" (appelées "leap seconds" en anglais) ont été introduites en 1972, il y a donc trente cinq ans.

 

On pourrait penser que personne ne veut leur peau, hélas, les Américains ne cessent d'œuvrer en coulisse pour leur disparition… Je vais essayer de vous faire comprendre pourquoi ?

 

En 1972 il n'y avait pas de "GPS" (Global Positioning System ; ou Système de Positionnement Global), donc pas de positionnement par satellite. Le premier satellite expérimental GPS fut lancé en 1978, mais la constellation des 24 satellites GPS ne fut réellement opérationnelle qu'en 1995.

 

Or, le système GPS suppose une synchronisation parfaite de l'heure (au millième de seconde pour les applications militaires) entre le satellite et le récepteur terrestre pour que le positionnement de ce dernier soit très précis. Le Temps Atomique International (TAI) va comme un gant pour cette application, vu son insensibilité aux variations de la rotation de la Terre.

 

J'ai dit plus haut que l'avant-dernière seconde intercalaire a été introduite à minuit la nuit du jeudi 31 décembre 1998 au vendredi 1er janvier 1999, et la dernière, sept ans plus tard, la nuit du samedi 31 décembre 2005 au dimanche 1er janvier 2006.

 

Pendant ces sept années les techniciens des GPS, des Américains, ont été ravis de l'absence de seconde intercalaire. La dernière introduction d'une "leap second" le 1er janvier 2006 a été l'occasion pour eux d'essayer d'obtenir la fin de ce système, qu'ils jugent "boiteux" et leur complique énormément la vie… Pour eux il est important que tous les systèmes actuels et futurs de positionnement par satellite (GPS pour les États-Unis, Galileo pour l'Europe, Glonass pour la Russie, Gagan pour l'Inde, Compass pour la Chine, et MSAS pour le Japon) puissent transmettent exactement la même échelle de temps avec une très grande précision, pour permettre leur synergie ; par ailleurs, éviter une discontinuité de cette échelle de temps commune leur semble essentiel.

 

Ils ont donc saisi l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) [ en anglais : International Telecommunication Union (ITU)], un service qui siège à Genève et qui est rattaché à l'Organisation des Nations Unies, en proposant une réforme du régime des "secondes intercalaires" et une redéfinition du "Temps Universel Coordonné" (UTC).

 

Lors de la dernière réunion de la commission adéquate de l'UIT (la commission WP7A) qui a eu lieu à Genève du 11 au 14 septembre 2007 il a été décidé une redéfinition du Temps Universel Coordonné. Il sera proposé en 2008 le principe d'une suppression des secondes intercalaires. Ce projet sera soumis aux votes des états membres ; si 70% des votants en étaient d'accord les secondes intercalaires seraient arrêtées vers les années 2011-2013. L'UTC deviendrait alors une échelle continue, donc identique au Temps Terrestre. On pourrait même envisager une suppression du Temps Atomique International qui ferait double usage avec le nouvel UTC. Vu que UTC, TT et TAI seraient exactement la même notion, on pourrait alors parler d'un "Temps Universel Atomique" (AUT [Atomic Universal Time]). Cela impliquerait d'effectuer des calculs dans le passé de la valeur du nouveau "Temps Universel Atomique" et proposer une manière de dater sans ambiguïté les événements très anciens dans cette nouvelle échelle de temps unique.

 

Si le principe de la suppression des secondes intercalaires était voté, l'écart entre l'UT1 (le Temps Universel brut, lié à la rotation de la Terre) et l'UTC (Temps Universel Coordonné, donc l'UT1 arrondi à la seconde ronde) atteindrait 2 à 3 minutes en 2100, et 30 minutes vers 2700.

 

Le principe des "secondes intercalaires" ne serait toutefois pas abandonné complètement car elles seraient remplacées par des "heures intercalaires". La première "heure intercalaire" serait introduite vers l'an 3000…

 

Voilà, vous constatez que le sujet du "Temps Universel" sera plus que jamais d'actualité l'an prochain et dans les prochaines années.

 

Roger le Cantalien. :rolleyes:

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