Croa de J.F. Deniau

[Neve]

Etoiles

 

La nuit, c'est la mer qui devient comme une nuit, et c'est le ciel qui devient une mer immense, constellée d'archipels à la dérive.

Voici le marin qui oublie l'eau et, le nez en l'air navigue dans les étoiles.

Il ne sait plus si ce sont des îles brillantes flottant dans le vide de l'espace ou au contraire, comme le pensaient les sages gnostiques, seulement les trous, les déchirures par lesquelles nous apparaît le monde plus vrai et lumineux que le ciel normalement cache à notre vue.

D'abord, il les reconnait. Elles portent des noms de princesses de légende, de demi-dieux, de bêtes sauvages ou domestiques, d'objets familiers, ou encore des noms de récits orientaux ou barbares tout à fait incompréhensibles mais qui chantent à l'âme. Les retrouver une à une, chacune à sa place dans le lent déroulement des sphères, est comme relire un contre de fées lu dans l'enfance : Achernar, étoile bleue. Alpha du fleuve Eridan ; Alcor, cavalier de Mizar, encore appelé le Postillon de la Grande Ourse ; Aldébaran, dans le Taureau, qui est orange, Aljunina qui ferme le quadrilatère d'Orion entourant les Rois Mages, avec Bételgeuse, qui est rouge, Rigel, qui est bleue et Bellatrix ; à mi-chemin d'Andromède à la Polaire, le W de Cassiopée ; Arcturus dans le Bouvier, Véga dans la Lyre, Altaïr dans l'Aigle, Vindemiatrix, encore appelée la Vendangeuse, dans la Vierge, Fomalhaut dans le Cygne, Regulus dans le Lion, Mirfak dans Persée, La Chèvre, qui est jaune d'or, dans le Cocher ; Castor, dans les Gémeaux, qui est vert pâle, Kiffa boréal dans la Balance, qui est vert émeraude, Canopus, dans le Navire Argo, qui est bleue, Sirius dans le Grand Chien qui est blanche et de toutes la plus brillante...

Avec elles le marin navigue à l'envers sur la voûte du ciel. Pour se diriger, il en choisit une, puis une autre, comme il irait d'escale en escale. Si l'on traverse l'Atlantique d'est en ouest en novembre vers 20° de latitude, la Grue avec son long cou tendu vous accompagne à bâbord et navigue chaque nuit de conserve avec vous vers les Amériques. La Croix du Sud, elle, est plutôt décevante. Au mois d'août, il y a des étoiles filantes d'un tel éclat qu'elles illuminent tout le ciel. On les appelle les Léonides.

 

 

La mer est ronde, J.F. Deniau

 

on lui pardonnera ses Léonides d'août

[Jeff Hawke]

Joli, quand même... (Mais la Croix du Sud, décevante ?)

 

Son bateau a un prédécessur célèbre...et ivre

 

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :

- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,

Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

[xavierc]

On lui pardonnera aussi Fomalhaut dans le Cygne!

 

Ce n'est pas un contemporain pour parler du navire Argo au lieu de la Carène?

 

Xavier

[Neve]

Salutations futurs camarades de virées australes !

 

 

Joli, quand même... (Mais la Croix du Sud, décevante ?)

 

Va donc savoir à quelle fortune de mer elle lui est associée !

 

Son bateau a un prédécessur célèbre...et ivre

 

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles

Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :

- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,

Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

 

On ne joue plus dans la même cour littéraire. Encore que la sensibilité marine se refuse à ce genre d'élection.

 

Oceano nox.

 

On lui pardonnera aussi Fomalhaut dans le Cygne!

 

Piaf d'eau douce ou excès de rhum...

 

Ce n'est pas un contemporain pour parler du navire Argo au lieu de la Carène?

 

Il doit faire parti de ces personnes ayant fait leurs humanités. Ceci pouvant expliquer cela. Ou le rhum, encore une fois ! Cet élixir est souvent loué...

[Invité Scopy]

Avec elles le marin navigue à l'envers sur la voûte du ciel. Pour se diriger, il en choisit une, puis une autre, comme il irait d'escale en escale.

La navigation maritime comme la navigation au dobson ...

J'aime bien l'expression "d'escale en escale" pour la promenade céleste...parfois sur la route, l'escale dure plus longtemps que prévue, aussi belle que la destination finale !

Merci Snounit !

 

Amicalement, Anne

[Pixajo]

Très joli Deniau, on est jamais déçu. Je connaissais ces lignes, et j'aime le ton qui rend le ciel si grandiose. Les marins sont toujours de bons CROAteurs, à leur manière

[bb98]

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,

L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques

Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

 

Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,

Ils regardaient monter en un ciel ignoré

Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

 

 

Merci pour le texte de Deniau à l'initiateur du fil

[Neve]

De rien Scopy & Bb !

 

Les marins sont toujours de bons CROAteurs, à leur manière

Oui... Je dirais même qu'il y a, chez le coureurs d'étoiles, de mers ou de nuages une connivence, une quête commune qui résiste à l'analyse et ne semble presque se saisir que dans la manifestation poétique quel que soit le support à cette dernière (parole, musique, dessin, etc...). Des quelques rencontres en sympathie, je n'ai jamais rencontré de marins qui ne regardent pas le ciel, d'aéronautes qui n'aient été marins ou songé à la mer ; et combien d'astrams voudraient ou déjà voguent ou volent ?

[Pixajo]

De rien Scopy & Bb !

 

Oui... Je dirais même qu'il y a, chez le coureurs d'étoiles, de mers ou de nuages une connivence, une quête commune qui résiste à l'analyse et ne semble presque se saisir que dans la manifestation poétique quel que soit le support à cette dernière (parole, musique, dessin, etc...). Des quelques rencontres en sympathie, je n'ai jamais rencontré de marins qui ne regardent pas le ciel, d'aéronautes qui n'aient été marins ou songé à la mer ; et combien d'astrams voudraient ou déjà voguent ou volent ?

 

Très vrai, les marins ont besoin du ciel, même si le GPS a changé la donne, et je connais nombre d'astrams qui sont navigateurs. L'esprit d'observation est le même. Merci de nous le rappeler, sympa!

[Jeff Hawke]

On ne joue plus dans la même cour littéraire. Encore que la sensibilité marine se refuse à ce genre d'élection.

 

Oh mais je ne me risquais pas à une comparaison...

 

Mais ces premiers mots "et c'est le ciel qui devient une mer immense, constellée d'archipels à la dérive." m'ont immédiatement ramené sur l'inoubliable bateau rimbaldien.

 

 

Quant au navire Argo (qui "n'aurait jamais du parvenir en Colchide !" ), même si la modernité, et nos nécessités de diviser pour repérer et pointer, nous rendent plus aisé le découpage de Lacaille, difficile de ne pas le voir dans son ensemble, quand il sort triomphant de l'horizon austral...

[Neve]

Hmmm... Vivement les balades en haute mer chilienne ! Et si jamais l'Argo vient à mouiller, on détournera le regard de Médée. D'après les cartes, il y a de quoi lui faire préférer bien des merveilles, ici-haut