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Il y a quelques temps, alors que nous en étions encore tous à mettre sur pieds nos programmes d’observation idéaux pour les RAP, je m’étais demandé quel genre d’objets intéressants et exotiques ajouter à ma liste d’observation…

 

Ayant gardé un excellent souvenir de mon observation du quasar 3C 273, je me penchais donc sur la liste des autres quasars potentiellement accessibles dans un télescope de 300mm… Je remarquais alors deux candidats se détachant du lot par leur luminosité et leur position idéale ou presque dans un ciel de printemps : Markarian 421 et Markarian 501, situés respectivement dans les constellations de la Grande Ourse et d’Hercule.

 

A ces objets était associée une classification bien étrange, celle de « Blazar ». C’était bien la première fois que j’entendais ce terme, et je décidais donc de me pencher un peu plus sur la question. La définition est assez complexe, mais pour faire simple un Blazar est un type de Quasar extrêmement compact et brillant, constitué d’une galaxie elliptique géante active accueillant dans son noyau un trou noir supermassif, le tout étant « allumé » par la quantité énorme de matière absorbée chaque seconde par le trou noir et dégageant une énergie considérable. Les férus de mécanique céleste trouveront plus de détails sur ce qu’est un Blazar et son mode de fonctionnement ici :

http://en.wikipedia.org/wiki/Blazar

 

Les Blazars comptent donc, pour faire bref, parmi les objets les plus énergétiques et les plus brillants de notre Univers. Fort de cette découverte, je cherchais donc à trouver comment observer ces deux objets. Je ne tardais pas à trouver que ceux-ci étaient associés à deux galaxies du catalogue UGC : UGC 6132 pour Mrk 421 et UGC 10599 pour Mrk 501.

 

Les deux galaxies et leur noyau actif tournant entre magnitude 13 et 13,5, ne me restait plus qu’à sortir les cartes de repérage et attendre bien sagement les RAP… peine perdue, comme chacun le sait :).

 

Je me préparais donc à ranger mes cartes dans un coin en attendant l’année prochaine, estimant qu’un ciel pur et éloigné de la pollution lumineuse serait nécessaire à cette observation, quand mon bon vieux ciel normand décida de tourner au beau. Et, malgré la pollution lumineuse malheureusement bien présente et un premier quartier de Lune brillant de mille feux, je me disais qu’il ne coûte rien d’essayer.

 

Jeudi dernier vers 21h30 Je sortais donc Edwin, le 300mm made in England qui m’accompagne maintenant depuis presque deux ans, histoire de lui faire prendre la température. Le ciel était transparent, la turbulence assez faible mais la Lune bien haute et offrant un spectacle à couper le souffle, le complexe de rainures entourant le cratère Triesnecker apparaissant dans toute sa beauté au terminateur, et les sommets des monts Apennins sortant un à un de l’obscurité. Je passais deux heures sur le spectacle planétaire de ce début de nuit, papillonnant entre Vénus, Mars, Saturne et l’astre sélène.

 

A 23h30, il était temps de passer aux deux petits blazars bien moins impressionnants vu de notre Terre, mais littéralement monstrueux comparés à notre système solaire. Je pensais pouvoir trouver relativement facilement Mrk 501, bien éloigné de la Lune à l’Est, mais Mrk 421 me laissait des doutes car légèrement baigné dans la lumière lunaire et noyé dans l’éclat d’une étoile de magnitude 6 toute proche. Je pointais donc d’abord mon télescope à l’Est, vers le majestueux Hercule…

 

 

 

 

Markarian 501.

 

Markarian 501, alias UGC 10599, est située à deux degrés à l’Ouest-Nord-Ouest de l’étoile la plus septentrionale du trapèze d’Hercule, Eta. C’est une galaxie elliptique géante située à plus de 450 millions d’années lumières de la Terre, ce qui singulièrement en fait un des quasars les plus proches connus. Son trou noir central a une masse estimée à plus d’un milliard de masses solaires. Pour plus de détails, voici une publication très intéressante sur cet objet (en anglais) :

http://iopscience.iop.org/1538-4357/566/1/L13/fulltext

 

Pour la trouver, je suis un cheminement d’étoiles de magnitude 8-9 directement à l’oculaire de 17mm (grossissement de 70 pour un champ de 1,2 degré), après avoir pointé le télescope sur Eta. Je suis le cheminement jusqu’à mes deux étoiles repère : SAO 65630 (de magnitude 9,7) et SAO 65657 (de magnitude 8,4), la première formant un astérisme en forme de crochet avec trois étoiles plus faibles et la deuxième semblant présenter une légère teinte orangée. Mrk 501 est là, quelque part entre les deux étoiles.

 

10599_10.jpg

Carte de repérage des étoiles SAO 65630 et 65657

 

Le champ trouvé, je passe à l’oculaire de 11mm (grossissement de 110 et champ de 45 minutes d’arc), en plaçant chacune de mes deux étoiles repère en bord de champ. Un petit astérisme d’étoiles faibles (magnitude 11-12) en forme de triangle, situé entre les deux, me sert à réduire encore ma zone de recherche. Enfin, après quelques dizaines de secondes, le petit quasar m’apparaît très clairement en vision décalée. A ma grande surprise, il ne s’agit pas que d’un petit point pouvant être confondu avec les dizaines d’autres étoiles l’entourant, comme je m’y attendais.

 

10599a10.jpg

Carte de repérage de Mrk 501

 

Le noyau de l’objet est certes stellaire, mais autour j’aperçois faiblement un petit halo galactique d’une minute d’arc environ, rendant visibles non seulement le quasar mais également sa galaxie hôte. C’est là toute la magie de l’observation visuelle en astronomie amateur : un géant galactique constitué de centaines de milliards d’étoiles, bien plus grand que notre voie lactée et accueillant en son sein un des objets les plus puissants de l’univers, apparait sous la forme d’une petite tâche laiteuse ressortant difficilement du fond étoilé. Et pourtant, même à 450 millions d’années lumières de distance, quelques légers détails ressortent…

 

 

 

 

Markarian 421.

 

Pour Markarian 421, c’est une autre paire de manches. Bien que légèrement plus brillante que Mrk 501, elle est située à peine à 2 minutes d’arc de 51 Uma, une étoile de magnitude 6 pouvant fortement gêner l’observation de cet objet extrêmement diffus. Pour ne rien arranger, le premier quartier de la Lune rayonne gentiment non loin de là…

 

Mrk 421 / UGC 6132 est elle aussi une galaxie géante elliptique, située à environ 400 millions d’années lumière. Quelques informations intéressantes sont disponibles ici :

http://en.wikipedia.org/wiki/Markarian_421

 

Pour trouver la position de Mrk 421, rien de plus simple : il suffit de trouver 51 Uma. Je décide donc d’utiliser le chercheur en partant de Mu (la « pâte arrière » de la Grande Ourse), et de suivre un cheminement d’étoiles brillantes (magnitudes 6 à 8) sur environ 8 degrés, jusqu’à tomber sur 47, puis 49, puis finalement 51 Uma.

 

6132_g10.jpg

Carte de repérage de l’étoile 51 Uma

 

 

Une fois 51 centrée au chercheur et à l’oculaire, je passe à un oculaire de 7mm, me donnant un grossissement de 170 et un champ de 30 minutes d’arc, me permettant d’éloigner un peu l’étoile brillante du petit quasar. Je suis surpris de constater que même 51 encore au milieu du champ, Mrk 421 est déjà repérable en vision décalée sous la forme d’une petite étoile de magnitude 13. L’objet est ponctuel et mérite bien son nom de quasar. Même en sortant 51 du champ, aucun halo n’est visible autour du noyau, même si celui-ci apparaît en vision directe. Ici les conditions d’observation peu favorables ont peut être joué le rôle de « gomme ». Mais l’observation reste émouvante, car plus de 400 millions d’années séparent l’émission de ces quelques photons de leur arrivée dans ma pupille… Et après, certains me demandent encore pourquoi je préfère l’observation à la photo ;)

 

6132a_10.jpg

Carte de repérage de Mrk 421

 

 

L’observation de ces deux quasars, sous un ciel n’ayant rien d’exceptionnel, s’est révélée sans grande difficulté. Il me vient même à penser que l’observation de ces deux quasar serait tout à fait possible dans un 200mm, à condition de disposer d’un bon ciel et d’un peu d’expérience de l’observation des objets faibles… comme quoi un matériel à la portée de (presque) tous peut permettre des observations inhabituelles et offrir des ressources presque inépuisables.

 

 

 

Les cartes ont été réalisées à partir des logiciels "Cartes du Ciel", "Google Earth" et "Adobe Illustrator"

Posté
je me penchais donc sur la liste des autres quasars potentiellement accessibles dans un télescope de 300mm… J

 

Excellente idée!:)

Existe-t-il un catalogue qui les recense?

Posté

Salut Nicolas, quel plaisir de trouver un CROA de toi ce matin ! :) Précis et méthodique, un modèle du genre. ;)

 

A ces objets était associée une classification bien étrange, celle de « Blazar ». C’était bien la première fois que j’entendais ce terme

 

Ben, moi aussi :b:

 

C’est là toute la magie de l’observation visuelle en astronomie amateur : un géant galactique constitué de centaines de milliards d’étoiles, bien plus grand que notre voie lactée et accueillant en son sein un des objets les plus puissants de l’univers, apparait sous la forme d’une petite tâche laiteuse ressortant difficilement du fond étoilé. Et pourtant, même à 450 millions d’années lumières de distance, quelques légers détails ressortent…

 

Complètement d'accord avec toi :rolleyes:

 

Mais l’observation reste émouvante, car plus de 400 millions d’années séparent l’émission de ces quelques photons de leur arrivée dans ma pupille… Et après, certains me demandent encore pourquoi je préfère l’observation à la photo ;)

 

+1 :wub:

 

L’observation de ces deux quasars, sous un ciel n’ayant rien d’exceptionnel, s’est révélée sans grande difficulté. Il me vient même à penser que l’observation de ces deux quasar serait tout à fait possible dans un 200mm, à condition de disposer d’un bon ciel et d’un peu d’expérience de l’observation des objets faibles…

 

Merci de tes indications, va falloir essayer ça un de ces jours. Tu nous offres un bien joli challenge. Merci! :)

Posté

Houaouuuuu Garfield est de retour, Et quel retour fracassant :rolleyes:

 

Très bonne recherche et approche de ces objets très rarement observés, moi aussi j'ignorai ce terme de Blazar :o

 

 

Le noyau de l’objet est certes stellaire, mais autour j’aperçois faiblement un petit halo galactique d’une minute d’arc environ, rendant visibles non seulement le quasar mais également sa galaxie hôte

 

Là, tu m'en bouche un coin, je pensait que cet objet resterai quasi-ponctuel :b:

 

Mais l’observation reste émouvante, car plus de 400 millions d’années séparent l’émission de ces quelques photons de leur arrivée dans ma pupille… Et après, certains me demandent encore pourquoi je préfère l’observation à la photo ;)

 

 

:rolleyes:

 

Merci pour ce CROA bien détaillé et avec les cartes de repérage en prime :)

Posté

 

Là, tu m'en bouche un coin, je pensait que cet objet resterai quasi-ponctuel :b:

 

 

Oui, ça m'a surpris aussi à l'observation: je cherchais un objet stellaire, pas une galaxie :)! Mais Mrk 501 a vraiment le halo d'une petite galaxie faiblarde, avec un noyau très ponctuel en prime. C'est d'ailleurs surprenant, vu son aspect et sa magnitude, qu'elle ne soit pas dans le catalogue NGC.

Invité Scopy
Posté

Un croa précis, détaillé et très agréable à lire !!

Merci Garfield :) !

(et je me permet de rappeller le bouquin sur les quasars qu'avait recommandé Tatien, car c'est un petit livre formidable qui se lit comme un roman :

"Les balises de l'Univers : quasars, supernovae et sursauts gamma" de Daniel Kunth.)

Posté
j'ai trouvé ce lien bien utile, recensant les 20 quasars les plus brillants:

 

http://seds.org/~spider/spider/Misc/qso.html

 

A ma connaissance, il n'existe pas de catalogue des quasars sur "Cartes du Ciel". De même, l'Uranometria ne fait que relever les positions des principaux quasars, sans les décrire.

 

Merci pour le lien mais ça ne va pas être évident de les "attraper" au télescope, la magnitude est si faible!

Posté
Et, malgré la pollution lumineuse malheureusement bien présente et un premier quartier de Lune brillant de mille feux, je me disais qu’il ne coûte rien d’essayer.
:)

 

Je passais deux heures sur le spectacle planétaire de ce début de nuit, papillonnant entre Vénus, Mars, Saturne et l’astre sélène.

Super préparation aux blazars... :be:

 

A ma grande surprise, il ne s’agit pas que d’un petit point pouvant être confondu avec les dizaines d’autres étoiles l’entourant, comme je m’y attendais.

Ah ? De plus en plus intéressant, ce CROA. B)

 

comme quoi un matériel à la portée de (presque) tous peut permettre des observations inhabituelles et offrir des ressources presque inépuisables.

Eh oui. :)

 

En tout cas, merci pour cette exploration passionnante, je ne manquerai pas de tenter ces lointains avec mon petit 300 dès que les circonstances le permettront...

  • 5 mois plus tard...
Posté

Merci pour ce CROA fort original et bien expliqué ! Observer des objets inhabituels et pourtant cosmiquement grandioses est pour moi une des plus belles quêtes des astronomes amateurs. Comment mieux comprendre l'univers qui nous entoure qu'en l'observant, même si ce n'est qu'un point dans certains cas ?

 

Pour info, je vois souvent ces cartes dans les CROA, avec quoi est-ce que vous les faites ? C'est le logiciel "carte du ciel" ? Je n'ai pas du bien comprendre comment l'avoir en fond blanc en ayant les objets dans des couleurs qui ne sont pas immondes.

  • 3 mois plus tard...
Posté

J'ai l'habitude de fréquenter d'autres parties du forum (photométrie et spectroscopie), aussi est-ce par hasard que je suis tomber sur cet intéressant post.

 

Ces quasars sont des objets émouvants pour un amateur: penser que certains d'entre eux sont situés à des miliards d'années-lumière et que l'on peut les imager du fond de son jardin ...

 

J'ai commencé l'astronomie avec ces objets extraordinaires et j'en ai fait un atlas avec plusieurs dizaines de spécimens :

 

http://www.astronomie-amateur.fr/atlasphotographique.html

 

C'est à partir de ces observations que je me suis lancé dans la photométrie. Certains d'entre eux montrent des variations spectaculaires : plusieurs magnitudes ! Quand on pense à la fantastique quantité d'énergie rayonnée c'est énorme.

Outre le plus célèbre 3C273, ceux qui me fascinent le plus sont :

 

APM 08279+5255 : l'objet connu le plus lumineux de l'univers. Sa distance est estimée à plus de 12 milliards d'années lumière : http://www.astronomie-amateur.fr/atlasphotographique.html#APM

 

0957+561 A et B : une lentille gravitationnelle ; c'est à dire le même quasar, vu par deux chemins optiques différents : une preuve de la relativité générale vue dans un télescope amateur.

 

Un petite précision : le terme blazar est la contraction de "BL Lac" et "quasar".

Il représente un sous-groupe de quasars dont le prototype est la variable BL Lac : des variations brutales de luminosité qui peuvent atteindre 3 ou 4 mags.

 

 

 

Bonnes observations

François Teyssier

http://www.astronomie-amateur.fr

Posté
J'ai l'habitude de fréquenter d'autres parties du forum (photométrie et spectroscopie), aussi est-ce par hasard que je suis tomber sur cet intéressant post.

 

Ces quasars sont des objets émouvants pour un amateur: penser que certains d'entre eux sont situés à des miliards d'années-lumière et que l'on peut les imager du fond de son jardin ...

 

J'ai commencé l'astronomie avec ces objets extraordinaires et j'en ai fait un atlas avec plusieurs dizaines de spécimens :

 

http://www.astronomie-amateur.fr/atlasphotographique.html

 

C'est à partir de ces observations que je me suis lancé dans la photométrie. Certains d'entre eux montrent des variations spectaculaires : plusieurs magnitudes ! Quand on pense à la fantastique quantité d'énergie rayonnée c'est énorme.

Outre le plus célèbre 3C273, ceux qui me fascinent le plus sont :

 

APM 08279+5255 : l'objet connu le plus lumineux de l'univers. Sa distance est estimée à plus de 12 milliards d'années lumière : http://www.astronomie-amateur.fr/atlasphotographique.html#APM

 

0957+561 A et B : une lentille gravitationnelle ; c'est à dire le même quasar, vu par deux chemins optiques différents : une preuve de la relativité générale vue dans un télescope amateur.

 

Un petite précision : le terme blazar est la contraction de "BL Lac" et "quasar".

Il représente un sous-groupe de quasars dont le prototype est la variable BL Lac : des variations brutales de luminosité qui peuvent atteindre 3 ou 4 mags.

 

 

 

Bonnes observations

François Teyssier

http://www.astronomie-amateur.fr

 

Bonjour François!

 

Merci de partager ces infos.

 

Ton site à l'air très complet, je vais le parcourir plus sérieusement, notamment ton atlas des quasars, et voir si d'autres sont accessibles en visuel.

 

Amicalement

 

Garfield

Posté

Bonjour Garfiedthecat.

 

Un trés beau CROA superbement détaillé.

De l'astro comme j'aime avec cheminement d'étoile en étoile :wub: même si je n'en suis pas à chercher ce genre de petits objets.

Merci d'avoir partagé ce beau moment d'astronomie ;).

Posté

ppfffiiiooouuu! si ça c'est pas du ciel profond j'y comprend rien.

 

félicitation garfield bel exploit bravo.

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