Aller au contenu

De Gruithuisen à Oberon...


garfieldthecat

Messages recommandés

Posté

Des modèles météo annonçant une nuit sans vents et sans turbulences en altitude en Normandie, c’est à peu près aussi récurrent qu’un 36 du mois. En regardant les prévisions presque idylliques pour la soirée du 20 au 21 septembre, je ne pouvais donc que sauter sur l’occasion de rejoindre le petit village ou j’ai l’habitude d’observer aussi loin que possible des lumières d’Evreux.

 

Problème, la Lune gibbeuse allait éclairer le paysage eurois toute la nuit, et il me serait impossible de me lancer à l’assaut de ces petites tâches laiteuses du ciel profond qui occupent d’habitude la plus grande partie de mes observations.

 

Qu’à cela ne tienne, je m’armais de l’inépuisable source d’inspirations que constitue l’« Atlas de la Lune » d’Antonin Rükl, ainsi que des cartes de position des satellites d’Uranus, et vogue la galère !

 

 

 

La mise en température d’Edwin - dobson de 300mm de diamètre pour 1200 mm de focale - effectuée et la nuit définitivement tombée, je pouvais commencer un programme d’observation lunaire établi grâce à l’Atlas et sa sélection des 50 sites sélènes les plus intéressants au télescope.

 

D’emblée, le Nagler de 17mm me permettait de contempler la Lune dans son ensemble, pour constater que la turbulence était effectivement quasiment absente…Toutes les mers lunaires semblaient comme figées, ne présentant pas cet aspect brouillon - façon « cryptage canal + » plus ou moins prononcé - si courant dans nos contrées même à grossissement moyen. Tycho et Copernic resplendissaient, le mont Pico et ses proches cousins semblaient comme des tâches de peinture blanche apposées sur la surface de la mer des pluies. Les Alpes et la grande vallée alpine, apparemment totalement dépourvues de relief car éclairées pleine face, n’en étaient pas moins impressionnantes. La libration favorable faisait apparaître, à l’Est de la Mer des Crises, le petit complexe de plaines volcaniques de la Mer Marginale.

 

Après quelques minutes de contemplations du tableau lunaire, il était temps de se tourner du côté du faible terminateur encore subsistant, mais qui faisait ressortir quelques uns des reliefs les plus étonnants de notre compagne de voyage. Je décidais pour poursuivre les observations de pousser fortement le grossissement, en équipant le nagler de 11mm de deux barlows x2, pour un grossissement total de 440. Il est à noter que même à ce grossissement, l’image était étonnamment stable.

 

Premier arrêt sur un petit plateau continental coincé entre le Golfe des Iris, la Mer des Pluies et l’Océan des Tempêtes et dominé par les cratères Mairan et Sharp. Au télescope, les deux géants de 40 km de diamètre semblent entourés d’une véritable constellation de petits cratères de quelques kilomètres de diamètre, presque sans cratères de taille intermédiaire : le paysage lunaire en trou de gruyère par excellence…

Mais l’attraction principale de cette zone se situe à l’extrême Sud du plateau : les monts Gruithuisen Gamma et Delta, deux dômes lunaires d’origine volcanique d’une vingtaine de kilomètres de diamètre. A l’oculaire, Delta ressemble à l’une des nombreuses autres montagnes lunaires visibles un peu partout. Mais Gamma présente une forme conique immédiatement remarquable, qui fait penser bien plus à un volcan qu’à une simple montagne. Cerise sur le gâteau, la faible turbulence me laisse apercevoir au sommet du dôme un petit cratère sommital, parachevant l’impression de nature volcanique de l’ensemble. J’apprendrais plus tard que ce cratelet ne fait pas plus de 900 mètres de diamètre, ce qui fait une résolution inférieure à 0,5 secondes d’arc, proche des limites théoriques d’Edwin.

 

Au Sud Ouest de cette zone se trouve une région particulièrement tourmentée de l’Océan des tempêtes, formée par les cratères Aristarque et Hérodote. Aristarque ne présente comme particularité qu’un fond de cratère extrêmement brillant, qui apparaît encore peu sous cet éclairage assez raz.

Hérodote, lui, est plutôt singulier. Il présente une forme en ovale, qui semble prolongée au Nord par une vallée assez profonde, longue et tortueuse : la vallée de Schröter. A l’oculaire, l’ensemble a tout bonnement l’air d’un grand têtard posé sur la surface lunaire…

Au Nord du « têtard », j’observe également la barre montagneuse des monts Agricola, orientée Sud Ouest / Nord Est, et formant un trait presque parfait de plusieurs dizaines de kilomètres de long.

Enfin, au Nord d’Aristarque et à l’Est de la chaîne Agricola, le système de rainures Toscanelli est parfaitement visible.

 

Un peu au Sud, juste au dessus du cratère Marius, je trouve une crevasse très longue (250km) mais difficile à observer, car faisant à peine plus de deux kilomètres de large au maximum : Rima Marius. Elle zigzague du Nord au Sud entre plusieurs petits cratères, d’abord en direction de l’Est, puis prends un coude à 90° vers le Sud et le cratère Marius. Perceptible dans sa totalité à l’oculaire, mais extrêmement fine, elle fait penser à un très fin et long cheveu.

 

A l’Est du cratère Marius, l’oculaire offre la vision d’un océan des tempêtes couvert de dizaine de petits grumeaux de quelques kilomètres de diamètre. Il s’agit en fait d’une myriade de petits dômes volcaniques, dont les légers reliefs ressortent superbement à proximité du terminateur.

 

Au Sud de Marius, je trouve le cratère Reiner… et à l’Ouest de celui-ci, une zone ovale très brillante et sans aucun relief, Reiner Gamma. La particularité de cette formation est – à ma connaissance – qu’on ne connaît pas grand-chose (voire rien du tout) des mécanismes ayant amené à son apparition.

 

Ma balade lunaire se termine par la visite de deux cratères très particuliers, à l’extrême Sud du globe lunaire.

Le cratère Schiller présente une forme fortement allongée (180 x 70 km). Sa position en bordure du globe lunaire accentue encore l’impression d’élongation.

Le cratère Wargentin, situé ce soir là en limite du terminateur, présente un relief pour le moins étrange. A l’oculaire, il a l’air d’être « à l’envers », c'est-à-dire que l’intérieur du cratère semble plus élevé que les régions avoisinantes. Le cratère a en effet été presque entièrement rempli d’écoulements de lave, et est devenu un immense plateau surplombant les régions environnantes. Seuls quelques sommets de l’enceinte du cratère dépassent encore le plateau d’une courte tête et posent leur ombre allongée sur celui-ci. Je note également une dorsale en forme de fourche parcourant le plateau d’un bord à l’autre du cratère.

 

 

 

Après ce raid lunaire, il est temps de sortir de la proche banlieue terrestre et de se diriger vers les régions plus extérieures du système solaire. Jupiter, éclatante au dessus de l’horizon Sud, m’attends… là encore, constatant le calme olympien de l’atmosphère, je grossis à 440 fois. Jupiter m’offre alors un spectacle splendide, même si la grande tâche rouge prolonge sa sieste du côté obscur de la planète. Toutes les grandes formations nuageuses (à l’exception de la fameuse bande équatoriale Sud) m’apparaissent, parcourues de petites touches brun sombre ou jaune clair brisant le trop parfait alignement des bandes et ajoutant à la beauté de l’ensemble.

 

Mais ce qui m’impressionne le plus, en me tournant vers les satellites galiléens, est de constater qu’ils n’ont rien des points lumineux observés habituellement, mais qu’ils ont l’aspect de jolies petites billes sphériques. L’effet est particulièrement impressionnant sur Ganymède, atteignant presque 2 secondes d’arc de diamètre et parfaitement résolue par Edwin. Je force l’œil en espérant apercevoir quelques détails de surface, mais rien de bien évident n’apparaîtra. Il ne faut pas être trop gourmand, et je suis déjà heureux de faire passer ces petits corps de la catégorie « point lumineux » à la catégorie « corps céleste sphérique ».

 

 

 

Enfin, je décide de conclure le parcours par un petit coucou à Uranus, située non loin de Jupiter, et que je réussis miraculeusement à trouver immédiatement sans changer d’oculaire. Une petite bille bleutée de quelques secondes d’arc apparaît dans le champ… je dis bleutée, bien que de nombreuses personnes la décrivent comme verdâtre. J’ai pour ma part beaucoup de mal à observer les nuances vertes sur les objets astronomiques et à y voir plutôt du bleu, comme je l’ai déjà constaté en observant M42, que je vois résolument bleutée là où la plupart des autres observateurs y voient un chatoiement de vert (probablement un problème de vision quelconque de ma part).

Armé de la carte de position des satellites, je me rends compte bien vite que la proximité sélène éclaircit énormément le fond de ciel et qu’il me sera bien difficile de trouver un de ces petits astres. Au bout de quelques minutes, tout de même, et après moult vérifications, je parviendrais à avoir la certitude de percevoir faiblement la lumière d’Oberon (magnitude 14) en limite de vision décalée.

 

 

 

Cette soirée de balade dans le système solaire était – et ce à plusieurs titres – singulière. Singulière par la qualité du ciel ce soir là et les richesses qu’elle a permis de dévoiler. Singulière parce que rare pour moi, qui suis d’habitude plutôt attiré par le ciel profond et tout ce qui se trouve à l’extérieur de notre petit système. Mais pour tout vous dire, cette replongée dans notre banlieue céleste m’a rappelé que les merveilles de l’Univers sont parfois bien plus proches qu’on ne le croit.

Posté

Bravo Gardfield, pour quelqu'un qui est résolument plutôt CP, tu nous fais une description du système solaire, alors observable, de premier plan !!

Quelle description que ton parcours sélène, on te suit avec intérêt entre cratères, crevasses et autres failles...

Pour ce qui est des satellites des géantes, moi aussi la dernière fois j'ai pu constater que les joviens n'étaient pas des points mais avaient bien un diamètre, par contre limité par mon T180, je n'ai pas pu repèrer de satellite autour d'Uranus.

Posté

Excellent :), tout simplement excellent. Merci pour ce parcoure lunaire fort sympathique et si bien détailler :) Moi aussi dimanche soir j ai bien vu les sat jovien comme des petites billes et non plus comme des points ;) Par contre j ai pas vu de sat d uranus :confused:

 

Merci de ce beau croa :)

Posté
J’apprendrais plus tard que ce cratelet ne fait pas plus de 900 mètres de diamètre, ce qui fait une résolution inférieure à 0,5 secondes d’arc, proche des limites théoriques d’Edwin.
:b: Pas mal, ça, voir un truc de 900 métres...

 

je dis bleutée, bien que de nombreuses personnes la décrivent comme verdâtre. J’ai pour ma part beaucoup de mal à observer les nuances vertes sur les objets astronomiques et à y voir plutôt du bleu, comme je l’ai déjà constaté en observant M42, que je vois résolument bleutée là où la plupart des autres observateurs y voient un chatoiement de vert (probablement un problème de vision quelconque de ma part).

Pas sûr...Peut-être un problème d'apprentissage... Tu devrais essayer de regarder des couleurs dans les bleus verts, et t'entrainer à les distinguer...les nommer... déterminer à quel moment, dans une mire par exemple, le bleu devient vert...

 

Mais pour tout vous dire, cette replongée dans notre banlieue céleste m’a rappelé que les merveilles de l’Univers sont parfois bien plus proches qu’on ne le croit.
Effectivement. :cool:(Mais bon, c'est un peu trop proche tout ça, non ? :ninja:)
Posté

Pour ce qui est des satellites des géantes, moi aussi la dernière fois j'ai pu constater que les joviens n'étaient pas des points mais avaient bien un diamètre, par contre limité par mon T180, je n'ai pas pu repèrer de satellite autour d'Uranus.

 

Ben tu vois, j'aurais dû noter les positions, parce qu'à la dernière nouvelle lune il m'a semblé en voir deux. Je n'étais pas sûr de mon coup, parce que c'était par intermittence, alors je n'ai pas trop claironné, mais je re-regarderai. J'ai un 250. Avec 300, je pense que c'est vraiment jouable.

Posté
Des modèles météo annonçant une nuit sans vents et sans turbulences en altitude en Normandie, c’est à peu près aussi récurrent qu’un 36 du mois. En regardant les prévisions presque idylliques pour la soirée du 20 au 21 septembre, je ne pouvais donc que sauter sur l’occasion de rejoindre le petit village ou j’ai l’habitude d’observer aussi loin que possible des lumières d’Evreux.

 

Problème, la Lune gibbeuse allait éclairer le paysage eurois toute la nuit, et il me serait impossible de me lancer à l’assaut de ces petites tâches laiteuses du ciel profond qui occupent d’habitude la plus grande partie de mes observations.

 

Qu’à cela ne tienne, je m’armais de l’inépuisable source d’inspirations que constitue l’« Atlas de la Lune » d’Antonin Rükl, ainsi que des cartes de position des satellites d’Uranus, et vogue la galère !

 

 

 

La mise en température d’Edwin - dobson de 300mm de diamètre pour 1200 mm de focale - effectuée et la nuit définitivement tombée, je pouvais commencer un programme d’observation lunaire établi grâce à l’Atlas et sa sélection des 50 sites sélènes les plus intéressants au télescope.

 

D’emblée, le Nagler de 17mm me permettait de contempler la Lune dans son ensemble, pour constater que la turbulence était effectivement quasiment absente…Toutes les mers lunaires semblaient comme figées, ne présentant pas cet aspect brouillon - façon « cryptage canal + » plus ou moins prononcé - si courant dans nos contrées même à grossissement moyen. Tycho et Copernic resplendissaient, le mont Pico et ses proches cousins semblaient comme des tâches de peinture blanche apposées sur la surface de la mer des pluies. Les Alpes et la grande vallée alpine, apparemment totalement dépourvues de relief car éclairées pleine face, n’en étaient pas moins impressionnantes. La libration favorable faisait apparaître, à l’Est de la Mer des Crises, le petit complexe de plaines volcaniques de la Mer Marginale.

 

Après quelques minutes de contemplations du tableau lunaire, il était temps de se tourner du côté du faible terminateur encore subsistant, mais qui faisait ressortir quelques uns des reliefs les plus étonnants de notre compagne de voyage. Je décidais pour poursuivre les observations de pousser fortement le grossissement, en équipant le nagler de 11mm de deux barlows x2, pour un grossissement total de 440. Il est à noter que même à ce grossissement, l’image était étonnamment stable.

 

Premier arrêt sur un petit plateau continental coincé entre le Golfe des Iris, la Mer des Pluies et l’Océan des Tempêtes et dominé par les cratères Mairan et Sharp. Au télescope, les deux géants de 40 km de diamètre semblent entourés d’une véritable constellation de petits cratères de quelques kilomètres de diamètre, presque sans cratères de taille intermédiaire : le paysage lunaire en trou de gruyère par excellence…

Mais l’attraction principale de cette zone se situe à l’extrême Sud du plateau : les monts Gruithuisen Gamma et Delta, deux dômes lunaires d’origine volcanique d’une vingtaine de kilomètres de diamètre. A l’oculaire, Delta ressemble à l’une des nombreuses autres montagnes lunaires visibles un peu partout. Mais Gamma présente une forme conique immédiatement remarquable, qui fait penser bien plus à un volcan qu’à une simple montagne. Cerise sur le gâteau, la faible turbulence me laisse apercevoir au sommet du dôme un petit cratère sommital, parachevant l’impression de nature volcanique de l’ensemble. J’apprendrais plus tard que ce cratelet ne fait pas plus de 900 mètres de diamètre, ce qui fait une résolution inférieure à 0,5 secondes d’arc, proche des limites théoriques d’Edwin.

 

Au Sud Ouest de cette zone se trouve une région particulièrement tourmentée de l’Océan des tempêtes, formée par les cratères Aristarque et Hérodote. Aristarque ne présente comme particularité qu’un fond de cratère extrêmement brillant, qui apparaît encore peu sous cet éclairage assez raz.

Hérodote, lui, est plutôt singulier. Il présente une forme en ovale, qui semble prolongée au Nord par une vallée assez profonde, longue et tortueuse : la vallée de Schröter. A l’oculaire, l’ensemble a tout bonnement l’air d’un grand têtard posé sur la surface lunaire…

Au Nord du « têtard », j’observe également la barre montagneuse des monts Agricola, orientée Sud Ouest / Nord Est, et formant un trait presque parfait de plusieurs dizaines de kilomètres de long.

Enfin, au Nord d’Aristarque et à l’Est de la chaîne Agricola, le système de rainures Toscanelli est parfaitement visible.

 

Un peu au Sud, juste au dessus du cratère Marius, je trouve une crevasse très longue (250km) mais difficile à observer, car faisant à peine plus de deux kilomètres de large au maximum : Rima Marius. Elle zigzague du Nord au Sud entre plusieurs petits cratères, d’abord en direction de l’Est, puis prends un coude à 90° vers le Sud et le cratère Marius. Perceptible dans sa totalité à l’oculaire, mais extrêmement fine, elle fait penser à un très fin et long cheveu.

 

A l’Est du cratère Marius, l’oculaire offre la vision d’un océan des tempêtes couvert de dizaine de petits grumeaux de quelques kilomètres de diamètre. Il s’agit en fait d’une myriade de petits dômes volcaniques, dont les légers reliefs ressortent superbement à proximité du terminateur.

 

Au Sud de Marius, je trouve le cratère Reiner… et à l’Ouest de celui-ci, une zone ovale très brillante et sans aucun relief, Reiner Gamma. La particularité de cette formation est – à ma connaissance – qu’on ne connaît pas grand-chose (voire rien du tout) des mécanismes ayant amené à son apparition.

 

Ma balade lunaire se termine par la visite de deux cratères très particuliers, à l’extrême Sud du globe lunaire.

Le cratère Schiller présente une forme fortement allongée (180 x 70 km). Sa position en bordure du globe lunaire accentue encore l’impression d’élongation.

Le cratère Wargentin, situé ce soir là en limite du terminateur, présente un relief pour le moins étrange. A l’oculaire, il a l’air d’être « à l’envers », c'est-à-dire que l’intérieur du cratère semble plus élevé que les régions avoisinantes. Le cratère a en effet été presque entièrement rempli d’écoulements de lave, et est devenu un immense plateau surplombant les régions environnantes. Seuls quelques sommets de l’enceinte du cratère dépassent encore le plateau d’une courte tête et posent leur ombre allongée sur celui-ci. Je note également une dorsale en forme de fourche parcourant le plateau d’un bord à l’autre du cratère.

 

 

 

Après ce raid lunaire, il est temps de sortir de la proche banlieue terrestre et de se diriger vers les régions plus extérieures du système solaire. Jupiter, éclatante au dessus de l’horizon Sud, m’attends… là encore, constatant le calme olympien de l’atmosphère, je grossis à 440 fois. Jupiter m’offre alors un spectacle splendide, même si la grande tâche rouge prolonge sa sieste du côté obscur de la planète. Toutes les grandes formations nuageuses (à l’exception de la fameuse bande équatoriale Sud) m’apparaissent, parcourues de petites touches brun sombre ou jaune clair brisant le trop parfait alignement des bandes et ajoutant à la beauté de l’ensemble.

 

Mais ce qui m’impressionne le plus, en me tournant vers les satellites galiléens, est de constater qu’ils n’ont rien des points lumineux observés habituellement, mais qu’ils ont l’aspect de jolies petites billes sphériques. L’effet est particulièrement impressionnant sur Ganymède, atteignant presque 2 secondes d’arc de diamètre et parfaitement résolue par Edwin. Je force l’œil en espérant apercevoir quelques détails de surface, mais rien de bien évident n’apparaîtra. Il ne faut pas être trop gourmand, et je suis déjà heureux de faire passer ces petits corps de la catégorie « point lumineux » à la catégorie « corps céleste sphérique ».

 

 

 

Enfin, je décide de conclure le parcours par un petit coucou à Uranus, située non loin de Jupiter, et que je réussis miraculeusement à trouver immédiatement sans changer d’oculaire. Une petite bille bleutée de quelques secondes d’arc apparaît dans le champ… je dis bleutée, bien que de nombreuses personnes la décrivent comme verdâtre. J’ai pour ma part beaucoup de mal à observer les nuances vertes sur les objets astronomiques et à y voir plutôt du bleu, comme je l’ai déjà constaté en observant M42, que je vois résolument bleutée là où la plupart des autres observateurs y voient un chatoiement de vert (probablement un problème de vision quelconque de ma part).

Armé de la carte de position des satellites, je me rends compte bien vite que la proximité sélène éclaircit énormément le fond de ciel et qu’il me sera bien difficile de trouver un de ces petits astres. Au bout de quelques minutes, tout de même, et après moult vérifications, je parviendrais à avoir la certitude de percevoir faiblement la lumière d’Oberon (magnitude 14) en limite de vision décalée.

 

 

 

Cette soirée de balade dans le système solaire était – et ce à plusieurs titres – singulière. Singulière par la qualité du ciel ce soir là et les richesses qu’elle a permis de dévoiler. Singulière parce que rare pour moi, qui suis d’habitude plutôt attiré par le ciel profond et tout ce qui se trouve à l’extérieur de notre petit système. Mais pour tout vous dire, cette replongée dans notre banlieue céleste m’a rappelé que les merveilles de l’Univers sont parfois bien plus proches qu’on ne le croit.

 

salut, je suis allé observé prés de marchainville dans le 61 : ciel bien noir même vers les horizons mais hélas l'humidité ambiante voile ce beau ciel :confused:

en tout cas beau croa instructif : je regarde ( à tord ) peu la Lune mais ça me donne envie de taquiner les cratéres.

bravo pour Oberon : encore aucun satellite " Uranien ?" à mon palmares.

bon ciel

françois

Invité Scopy
Posté

J'aime beaucoup ta balade planétaire (d'ailleurs, je pense que je vais la relire pour en apprécier toutes les subtilités !).

C'est précis et technique mais joliment raconté : on n'a pas envie de s'arrêter en si bon chemin !!

Merci Garfield pour cet excellent moment :) !

 

Effectivement. :cool:(Mais bon, c'est un peu trop proche tout ça, non ? :ninja:)

Pourquoi :b: ? Faudrait-il absolument aller très loin pour admirer de jolies choses ?

Posté

Bonjour Garfield, quel plaisir de te retrouver dans ce sous-forum :)

 

Problème, la Lune gibbeuse allait éclairer le paysage eurois toute la nuit, et il me serait impossible de me lancer à l’assaut de ces petites tâches laiteuses du ciel profond qui occupent d’habitude la plus grande partie de mes observations.

 

Qu’à cela ne tienne, je m’armais de l’inépuisable source d’inspirations que constitue l’« Atlas de la Lune » d’Antonin Rükl, ainsi que des cartes de position des satellites d’Uranus, et vogue la galère !

 

Un mal pour un bien, quand on a envie de sortir, il faut savoir s'adapter au ciel du moment ;)

 

Cerise sur le gâteau, la faible turbulence me laisse apercevoir au sommet du dôme un petit cratère sommital, parachevant l’impression de nature volcanique de l’ensemble. J’apprendrais plus tard que ce cratelet ne fait pas plus de 900 mètres de diamètre, ce qui fait une résolution inférieure à 0,5 secondes d’arc, proche des limites théoriques d’Edwin.

Houaouuuuu :rolleyes:

 

Au Sud de Marius, je trouve le cratère Reiner… et à l’Ouest de celui-ci, une zone ovale très brillante et sans aucun relief, Reiner Gamma. La particularité de cette formation est – à ma connaissance – qu’on ne connaît pas grand-chose (voire rien du tout) des mécanismes ayant amené à son apparition.

En faisant des recherches sur Google, il parrait que cette formation viendrait d'un noyau comètaire, je cite :

Reiner Gamma est une mystérieuse formation qui n’a pareil ailleurs sur la surface lunaire. Il s’agit d’une nappe de matériaux d’albédos contrastés. Constitué d’un anneau elliptique plutôt sombre, entouré d’une plage très claire, l’ensemble s’étant sur une quarantaine de kilomètres dans l’Océan des tempêtes. Cette plage serait épaisse de quelques mètres tout au plus. Reiner Gamma est visible dés que le soleil est au terminateur au contraire des raies lumineuses de certains cratères comme Tycho ou Kepler.

REINER GAMMA serait la signature d’un noyau cométaire faible densité et riche en gaz et en poussière, qui aurait heurté le sol sous une faible incidence et se serait volatilisé sans creuser de cratère.

 

(Le Grand Atlas de la Lune de Serge Brunier et Thierry Legault)

 

je parviendrais à avoir la certitude de percevoir faiblement la lumière d’Oberon (magnitude 14) en limite de vision décalée.

 

RE-houaouuuuuu, ça doit être gratifiant de savoir qu'on a observé ce satellite :p

 

Cette soirée de balade dans le système solaire était – et ce à plusieurs titres – singulière. Singulière par la qualité du ciel ce soir là et les richesses qu’elle a permis de dévoiler. Singulière parce que rare pour moi, qui suis d’habitude plutôt attiré par le ciel profond et tout ce qui se trouve à l’extérieur de notre petit système. Mais pour tout vous dire, cette replongée dans notre banlieue céleste m’a rappelé que les merveilles de l’Univers sont parfois bien plus proches qu’on ne le croit.

 

Moi qui boude le planétaire (sauf bien entendu les comètes) et la Lune en particulier, en te lisant, ça me donne vraiment envie de m'y attarder plus.................. :cool:

 

Merci Garfield et au plaisir de te lire :)

Posté

Hello!

 

Jeff, j'essayerai de m'entraîner mais j'ai définitivement quelques problèmes avec les nuances de couleurs subtiles. Dernier exemple en date, ma compagne a acheté un cadre marron foncé que je ne peux m'empêcher de voir bleu marine :)

 

Merci Dédé pour les infos sur Reiner Gamma... ;)

 

Pour complément également, je ne resiste pas à vous donner quelques infos sur le sieur Gruithuisen, à l'origine de la dénomination des monts et du cratère lunaires: c'était un astronome bavarois de la première partie du 19ème siècle, qui croyait dur comme fer à l'existence des sélénites. Il a d'ailleurs proclamé avoir observé au Nord du cratère Schröter tout un complexe urbain, avec rues et bâtiments. Sa théorie n'a malheureusement pas rencontré beaucoup d'opinions favorables, même à l'époque. A son crédit toutefois, il a été l'un des premiers à émettre et défendre la théorie de l'origine météoritique des cratères lunaires...

 

J'avais tendance à considérer par le passé qu'une nuit de Lune était une nuit sans observations intéressantes... mais cela fait déjà deux ou trois sorties que je me penche un peu plus sur le cas lunaire, et je me rends compte qu'il y a énormément des choses à y voir, et surtout une variété de paysages impressionnante. Qui sait, je vais peut être finir par être définitivement accro au planétaire, autant qu'au ciel profond :)

Posté
Pourquoi :b: ? Faudrait-il absolument aller très loin pour admirer de jolies choses ?

 

Ben oui, non ? :p(sinon, on regarde des photos, c'est tout près, ça... :ninja:)

 

Cela dit, ma remarque n'était pas à prendre au premier degré...quoique... :refl: cela pose quand même la question (comme pour l'astro photo, d'ailleurs. il y avait eu un fil, où je me suis taxer de blabla d'ailleurs, ça m'apprendra à m'aventurer sur les terres du Clan des Imageurs :p) sur ce qu'est une "belle" observation. Assurément, cela ne se résume pas à une objectivité de détails, de précision, de luminosité...

 

Il y entre autre chose, dont la composante subjective pèse sur l'émotion esthétique produite. Et qui fait qu'une Uranus lointaine de bleu vert va sembler à l'un plus belle qu'une débauche de nuages sur Jupiter, tandis que pour un autre, rien n'égalera la douceur des reliefs lunaires.

 

Et pour les aficonados des galaxies, se perdre à la recherche d'une nuance de gris incertain, à tenter de déceler un halo le plus loin possible d'un centre vaguement stellaire, cela peut valoir largement l'exubérance lumineuse d'un amas globulaire géant. ;)

Posté

Merci pour la balade dans notre système solaire :)

 

Moi qui observe très peu la lune, cela donne vraiment envie de partir à l´exploration de notre satellite comme tu le fais si bien :cool:

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

  • En ligne récemment   0 membre est en ligne

    • Aucun utilisateur enregistré regarde cette page.
×
×
  • Créer...

Information importante

Nous avons placé des cookies sur votre appareil pour aider à améliorer ce site. Vous pouvez choisir d’ajuster vos paramètres de cookie, sinon nous supposerons que vous êtes d’accord pour continuer.