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La notion de complémentarité…(les atomes existent-ils ?)


Jeff Hawke

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Ambition du (bref) sujet

 

Sur certains fils de discussion, dans le sous-forum Sciences, qui concernent la physique quantique, il apparait fréquemment que des incompréhensions ou des confusions existent sur ce qu’est l’interprétation de Copenhague, et sur notamment la notion, fondamentale pour cette interprétation, de complémentarité. Entre autres, cette dernière est souvent confondue avec la dualité onde/particule, alors qu’elle est une proposition de résolution du paradoxe que représente cette dualité, pour notre entendement.

 

Je voudrais donc essayer d’indiquer ce qu’il y a derrière cette notion de complémentarité, de la façon la plus claire et concise que possible, en évitant de faire appel à des concepts de physique ou de philosophie pas nécessairement très compliqués, mais peut-être pas très familiers à tous.

 

 

Sources bibliographiques

 

Niels Bohr, Les essais philosophiques (tome 1 en anglais, tome 2 en français, Folio, tome 3 en anglais)

 

Werner Heisenberg (La nature dans la physique contemporaine, Folio, Le manuscrit de 1942, Physics and philosophy)

 

L’étude de Catherine Chevalley, Complémentarité et langage dans l’interprétation de Copenhague, sur la toile, Persée, est bien intéressante pour son éclairage sur les considérations de langage.

 

 

Un point de vue épistémologique, donc une question de langage.

 

La complémentarité est une question de langage, et non de propriétés des choses étudiées par la physique. C’est un concept qui a été forgé par Bohr (Conférences de Côme et Solvay, 1927) pour pouvoir continuer à parler d’une réalité physique devenue indicible avec l’arrivée de la Mécanique Quantique.

 

 

Il répond en fait au double problème suivant :

  1. Les concepts classiques ne s’appliquent pas aux objets quantiques.
  2. Il est impossible de créer un langage quantique, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de concepts quantiques.

Ce qui est derrière ces deux constatations, c’est que les objets atomiques n’existent pas au sens où existent, pour nous, les objets classiques. Leur réalité est en quelque sorte fondamentale, immanente, mais pas actuelle, pas effective.

 

Dès lors, la complémentarité désigne le fait que des propriétés que l’on peut mettre en évidence sur les objets et phénomènes atomiques, à l’aide de différents dispositifs observationnels, sont mutuellement exclusives, et n’ont de sens précisément que dans un contexte expérimental clairement précisé.

 

Ce qui implique que, dans cette conception, les objets atomiques n’ont pas d’existence « manifeste », « actuelle » (*), hors de ces mesures, mesures qui ne nous révèlent que ce qui est connaissable dans un contexte donné.

 

La complémentarité vise à retirer aux mots leur poids ontologique, c'est-à-dire à reconsidérer ce que l’on entend par être et exister, quand on parle des phénomènes atomiques.

 

Les atomes sont, mais n’existent pas…:cool:

 

 

 

 

 

 

(*) Ils sont réels, au sens anglais de « real », mais n’existent pas, au sens anglais de « actual »…Ou alors ils « sont », au sens du verbe espagnol ser, et non au sens du verbe estar. La langue française présente une difficulté ici, car quand elle parle de la réalité, elle n’a qu’un seul mot pour deux choses différentes que la plupart des autres langues Européennes distinguent bien. Il y a un reste de cette distinction dans les formes de la conjugaison irrégulière du verbe être (Je SUIS, tu es, il est, nous SOMMES, vous êtes, ils SONT) ce qui laisse supposer que le français d’avant cette moderne dégradation distinguait les deux modes de l’être.

Posté

Vu comme ça, la complémentarité est une solution à la recherche d' un problème.

 

En effet :

 

- Le "paradoxe de la dualité" est définitivement réglé par la notion de champ quantifié.

 

D'autre part:

 

- Les concepts classiques peuvent s' appliquer aux objets quantiques - Cf la construction de l' intégrale de chemin, dans laquelle l' action qui intervient pour chaque chemin est l' action classique !

 

- Le langage quantique existe (il est mathématique et géométrique)

 

On pourrait objecter que ces concepts et ce langage ne décrivent que des probabilités , et des observations. Mais ce n'est pas un critère :

La thermodynamique traite de probabilités, ça n' en fait pas une théorie quantique.

 

Et la physique moderne ne traite que d'observations, cette question ne fait plus débat, il me semble.

Posté

Merci pour cet exposé.

J'ai toujours eu et ai toujours du mal avec les deux verbes "être" espagnols. La disparition de ce distingo dans la langue Française est bien dommage et handicape finalement un peu notre compréhension du Monde.

L'exemple de la conjugaison est très bien vu avec le mix :

(Je SUIS(soy(ser)), tu es(estas(estar)), il est(esta(estar), nous SOMMES(somos(ser), vous êtes(estaïs(estar)), ils SONT(son(ser))

Posté

Tiens, j'aurais dit le contraire... :)

 

Si on reprend les termes et distinguo de la phénoménologie (Husserl, Heideger, Sartre), il y a l'essence, l'en-soi, le Sein, et puis, l'ex-istence, le pour-soi, le Da-sein, qui est l'actualisation (ou l'objectivation), "l'apparition au monde".

 

Dans ce cas, les objets atomiques ne sont pas compris dans leur essence, ne sont pas des en-soi, mais sont des pour-soi, ils ex-istent, de par leur ob-jectivation, ils "viennent au monde", ils "surgissent" par le "regard", le "pro-ject" de l'observateur qui les act-ualise.

Posté

Question verbes être, le japonais n' est pas mal non plus :

 

aru => être (en acte) pour les objets

iru => être (en acte) pour les sujets

desu => être (état, potentiel)

 

Par ailleurs, je pense qu'il y a un problème dans cette formulation :

Dès lors, la complémentarité désigne le fait que des propriétés que l’on peut mettre en évidence sur les objets et phénomènes atomiques, à l’aide de différents dispositifs observationnels, sont mutuellement exclusives

Si les objets et phénomènes atomique n' "existent pas", en dehors des observations, alors il n' y a rien de mutuel à exclure :b:, seulent restent les observations classiques.

Posté

Donc en complément de faire des choses bizarres au sens classique (intrication, fentes de Young, etc...), les objets quantiques ont aussi une façon particulière et atypique "d'exister/être", totalement novatrice, ce qui excuse notamment la dualité onde/particule dont ils semblent faire preuve dans leur "essence" ?

Posté

Merci Jeff :)

 

Cependant cette phrase m'interpelle:

 

Les atomes sont, mais n’existent pas…

 

La représentation 'newtonienne' des atomes telle qu'apprise à l'école secondaire n'est qu'une illustration, puisque la physique quantique ne se dessine pas. La boule avec les boulettes qui tournent autour. Les molécules qui sont des agglomérations de boules, etc. Tout ça c'est de la pédagogie, une image forcément éloignée d'une réalité qui ne peut être que virtuelle...

 

Mais ça semble bel et bien se concrétiser dans les images de l'infiniment petit:

 

http://singularityhub.com/wp-content/uploads/2009/08/ibm-microscope-sees-molecules.jpg'>http://singularityhub.com/wp-content/uploads/2009/08/ibm-microscope-sees-molecules.jpg

ibm-microscope-sees-molecules.jpg

http://www.vladimirpetkovic.com/blog/wp-content/uploads/2007/08/22262wss.jpg

http://www.pinktentacle.com/images/atom_pen.jpg

http://singularityhub.com/wp-content/uploads/2009/08/ibm-microscope-sees-molecules.jpg

 

http://www.lassp.cornell.edu/lassp_data/whoarsmisdc.html

 

etc. :?:

 

Le monde quantique deviendra-t-il un jour tangible?

:question:

Posté
Merci Jeff :)

Le monde quantique deviendra-t-il un jour tangible?

:question:

 

Le singulier n'est pas tangible..tandis que le pluriel le devient.:refl:

Posté
Question verbes être, le japonais n' est pas mal non plus :

 

aru => être (en acte) pour les objets

iru => être (en acte) pour les sujets

desu => être (état, potentiel)

 

 

 

En chinois, d'après mes modestes connaissances, cun zai ( 存在 ) correspond assez bien à notre "exister" (quand ce n'est pas simplement au sens de "vivre").

 

Pour "être", c'est plus délicat. shi (是) correspond à être, sauf qu'on ne peut pas dire "les atomes sont",

et on ne dit pas "les atomes sont petits", on dit "atomes petits", ou plus exactement "atome petit" car il n'y a pas de pluriel pour les objets (il y en a un pour les personnes, un suffixe 们 correspondant à notre "s").

是 est normalement toujours suivi d'un complément nominal :

on dit "il être mon ami" (il n'y a pas plus de conjugaison que de déclinaison)

mais on dit "il grand" et pas "il être grand".

Mais comme ce serait trop simple, on peut utiliser 是 comme terme de renforcement du prédicat adjectif, et dire "il 是 grand", ou plus souvent "il 是 grand 的". Je préfère écrire 是 plutôt qu "être" parce que ce n'est pas vraiment être comme nous l'entendons. 的 (prononcer de) est une particule structurale très employée (le caractère le plus courant, ou l'un des plus courants, du chinois).

Pour finir, pour réel on dit en fait "atome 是 真 的", avec un adverbe (et pas un adjectif !) 真 (zhen) qui veut dire réellement, vraiment, et là on peut dire que 是 veut bien dire être, et 真 的 réel...

 

J'espère ne pas m'être trop planté. Tout ça pour dire qu'il faut se méfier des exégèses verbales quand on aborde ces sujets.

Posté

- Le "paradoxe de la dualité" est définitivement réglé par la notion de champ quantifié.

Le paradoxe de la dualité n'est pas réglé par le formalisme du champ quantifié, ni par aucun autre (Schrödinger, Dirac, Hiesenberg,...) car il n'y a pas de paradoxe dans les formalismes. Celui-ci n'apparait que dans nos concepts classiques, quand on veut décrire les choses avec notre langage naturel...

 

- Les concepts classiques peuvent s' appliquer aux objets quantiques - Cf la construction de l' intégrale de chemin, dans laquelle l' action qui intervient pour chaque chemin est l' action classique !

Oui, mais là encore, il s'agit de la construction d'un formalisme, ce n'est pas un concept de "réalité", au sens de notre entendement.

 

- Le langage quantique existe (il est mathématique et géométrique)

Ce n'est pas un langage de notre entendement (je me répéte un peu, mais visiblement tu es réticent à percevoir le problème central de l'irréductibilité quantique aux concepts classiques, et que cette irréductibilité est épistémologique).

 

Pour les maths, Dirac avait cette position qu'il ne fallait pas chercher à décrire autrement la réalité quantique...en opposition avec Bohr, Heisenberg et autres, qui affirmaient la nécessité absolue de conserver un langage naturel, une description classique, pour peut-être ne pas tomber dans le mysticisme... (ou l'abandon du "tais-toi et calcule", prétendument attribué à Feynman).

 

La thermodynamique traite de probabilités, ça n' en fait pas une théorie quantique.

La thermodynamique se prête sans aucune difficulté à une description par le langage naturel et les concepts classiques.

 

Et la physique moderne ne traite que d'observations, cette question ne fait plus débat, il me semble.
Curieux de lire ça venant de toi, qui pas plus tard que sur le post sur l'expérience d'Afshar affirmait l'existence des franges d'interférences même sans les observer...(comparant cela à la tour Eiffel dont on peut déduire la présence même sans la voir directement...);)

 

Cela dit, la physique "moderne" ou pas, traite de ce que l'on peut apprendre de la nature.

 

Si on reprend les termes et distinguo de la phénoménologie (Husserl, Heideger, Sartre), il y a l'essence, l'en-soi, le Sein, et puis, l'ex-istence, le pour-soi, le Da-sein, qui est l'actualisation (ou l'objectivation), "l'apparition au monde".

 

Dans ce cas, les objets atomiques ne sont pas compris dans leur essence, ne sont pas des en-soi, mais sont des pour-soi, ils ex-istent, de par leur ob-jectivation, ils "viennent au monde", ils "surgissent" par le "regard", le "pro-ject" de l'observateur qui les act-ualise.

 

Ben non Pierre. les objets atomiques n'apparaissent pas, justement. C'est nous, et le monde classique qui apparaissons, et avons une ex-istence, une permanence. Les objets atomiques font juste des incursions discontinues, depuis leur im-manence, dans le monde des phénomènes...:cool:

 

Si les objets et phénomènes atomique n' "existent pas", en dehors des observations, alors il n' y a rien de mutuel à exclure :b:, seulent restent les observations classiques.

 

Observations classiques qui donnent, selon le dispositif, des informations sur des propriétés mutuellement exclusives sur ces objets lorsqu'ils apparaissent. Encore une fois, la complémentarité ne traite pas des objets, mais de nous, de ce que nous apprenons sur eux....Nous, nous existons (et eux, ils sont...;))

 

 

Mais ça semble bel et bien se concrétiser dans les images de l'infiniment petit:

 

http://singularityhub.com/wp-content/uploads/2009/08/ibm-microscope-sees-molecules.jpg

ibm-microscope-sees-molecules.jpg

 

 

Autant que ça :

 

100921_CMS.png

 

 

 

peut laisser supposer qu'il existe des trajectoires aux particules...On sait depuis les années 20 qu'il n'en est rien... ;)

 

 

J'espère ne pas m'être trop planté. Tout ça pour dire qu'il faut se méfier des exégèses verbales quand on aborde ces sujets.

Je voulais simplement fournir une illustration du distingo des modes de l'être...Il est clair que le sujet est plus complexe et subtil que cette brève suggestion.

 

Pour la conception chinoise, ça doit être encore très différent, car leur "entendement" différe profondément de l'entendement occidental, privilégiant le processus, les tranformations permanentes, plutôt que l'histoire, et le sujet/objet des Grecs.

 

Je me souviens que le shi avait l'objet d'un bouquin de François Jullien ("La propension des choses", qui selon lui rendait cette notion d'être en procès de devenir permanent).

 

Ce serait intéressant de voir comment la philosophie chinoise aborde les questions posées par la physique moderne. :cool:

Posté

On n'a peut etre pas la même définition des mots, mais nous disons la même chose.

 

Pour moi, l'essence, c'est l'immanence des choses, alors que l'ex-istence, c'est l'accident, l'actualisation dans le monde, l'impermanence. Ce sont des distinctions anciennes, depuis Saint Augustin, peut-être. En fait, c'est un des fondements de la pensée occidentale, avec cette notion de Dieu, immanence, qui s'incarne, qui s'actualise, donc existe.

 

Si on prend ces termes, la particule ex-iste, parce que précisément, elle "surgit" au monde, elle "fait une appararition", une "incursion discontinue", comme tu dis, parce que l'observateur l'a "regardé".

 

Tout se passe donc comme si la particule n'avait pas d'immanence, pas d'essence, n'était pas.

 

En tout cas, elle ne se définit pas comme cela. Par contre, elle ex-iste, elle surgit au monde, fujitive, discontinue, du fait du regard de l'observateur.

 

Elle n' existe, fujitivement, que par le regard qu'on lui porte. C'est même cela qui la définit. Dans ce cas, on pourrait même dire qu'elle n'a pas d'immanence, pas d'essence propre. C'est son surgissement, fugitif, aléatoire, discontinue, qui en fait sa propre définition. Son existence précède son essence...

Posté
Le paradoxe de la dualité n'est pas réglé par le formalisme du champ quantifié, ni par aucun autre (Schrödinger, Dirac, Hiesenberg,...) car il n'y a pas de paradoxe dans les formalismes. Celui-ci n'apparait que dans nos concepts classiques, quand on veut décrire les choses avec notre langage naturel...

Autrement dit : Tu définis une frontière arbitraire (le "langage naturel" qui ne permet de décrire que nos "concepts classiques") , puis prétends qu'il ne permet pas de décrire ce qui lui est extérieur, ce qui entraine des paradoxes. D'accord.

 

Celà dit, il y a des paradoxes dans les formalismes. Le formalisme classique, quand on l' applique à certains phénomènes et objets, entraîne des paradoxes (ce n' est donc pas un problème de "langage" soi-disant "naturel", c'est bien un problème de formalisme, qui pour moi est une extension du langage. Les champs quantiques sont tout aussi naturels que les masses ponctuelles de la mécanique de Newton. Sauf que le premier concept n' entraine pas de paradoxe quand on s' en sert pour décrire un électron, alors que le second, si)

Posté

Dans le titre du fil "Les atomes existent-ils", les atomes ne sont-ils pas un peu "gros" et à décohérence hyper rapide à température normale pour caractériser les objets quantiques ?

N'est-on pas déjà en partie dans le monde macroscopique ?

Posté
Dans le titre du fil "Les atomes existent-ils", les atomes ne sont-ils pas un peu "gros" et à décohérence hyper rapide à température normale pour caractériser les objets quantiques ?

N'est-on pas déjà en partie dans le monde macroscopique ?

 

En tout cas les atomes sont sûrement quantiques à des températures très basses, puisqu'alors on peut les faire interférer en les laissant tomber sur une plaque percée de deux fentes parallèles, larges de 2 microns et espacées de 6 microns :

 

F. Shimizu, K. Shimizu and H. Takuma, Double-slit interference with ultracold metastable neon atoms, Phys. Rev. A 46, R 17 (1992).

 

Une expérience analogue a été réalisée (en 2004 ?) avec des molécules de fullerene, mais je n'ai pas l'article qui a été publié à la suite de cette expérience.

Posté

 

 

Je voulais simplement fournir une illustration du distingo des modes de l'être...Il est clair que le sujet est plus complexe et subtil que cette brève suggestion.

 

Pour la conception chinoise, ça doit être encore très différent, car leur "entendement" différe profondément de l'entendement occidental, privilégiant le processus, les tranformations permanentes, plutôt que l'histoire, et le sujet/objet des Grecs.

 

Je me souviens que le shi avait l'objet d'un bouquin de François Jullien ("La propension des choses", qui selon lui rendait cette notion d'être en procès de devenir permanent).

 

Ce serait intéressant de voir comment la philosophie chinoise aborde les questions posées par la physique moderne. :cool:

 

Dans le domaine philosophico-métaphysique je ne sais pas trop, mais, pour avoir quelques amis chinois, je peux dire que, dans les domaines de la vie courante et de la morale, je ne vois aucune différence avec moi (il est vrai que je m'entends mieux avec eux, et avec mes amis vietnamiens, qu'avec bien d'autres gens, européens ou pas). Je ne vois dans ces domaines aucune différence entre leur entendement et le mien.

Posté
On n'a peut etre pas la même définition des mots, mais nous disons la même chose.

 

Si, on a la même définition, mais il y a une confusion, dans la façon dont tu vois les choses (il me semble :cool:. Il est vrai que je me suis peut-être exprimé de façon insuffisamment précise en parlant d'incursion des particules).

 

Les objets quantiques n'apparaissent pas, il produisent seulement des évènements, des manifestations discontinues, qui donnent lieu à des observations classiques. De ces observations, on a tendance à en déduire que c'est eux que l'on observe, et à inférer un comportement entre deux évènements observés...

 

Or il n'y a rien de tel.

 

Seul le "classique" existe...c'est à dire qu'il a une permanence phénoménologique...("J'appelle réel ce qui est descriptible par les concepts classiques" dit Heisenberg, dans Physique & philosophie. Il s'agit bien sûr du réel "actuel").

 

Donc, la conception de Copenhague c'est le contraire de ce que tu dis. Les objets quantiques (ne disons plus "particules", c'en est très éloigné) sont dans l'immanence...et seules des productions discontinues de cette immanence créent des événements observables, pour nous, créatures classiques...

 

Autrement dit : Tu définis une frontière arbitraire (le "langage naturel" qui ne permet de décrire que nos "concepts classiques") , puis prétends qu'il ne permet pas de décrire ce qui lui est extérieur, ce qui entraine des paradoxes. D'accord.

 

Oui. Enfin, c'est Bohr (et quelques autres) qui opére cette distinction. Cela dit, c'est assez normal, car le langage, c'est la pensée, les concepts...C'est profond.

 

c'est bien un problème de formalisme, qui pour moi est une extension du langage.

 

On peut bien sûr étendre le langage à des formalismes, mais ça ne suffit pas à modifier nos catégories d'entendement. Il ne suffit pas de baptiser "quanton" le photon-onde pour que nous parvenions, par magie linguistique, à nous représenter la chose... Même si c'est une démarche épistémologique utile.

 

Dans le titre du fil "Les atomes existent-ils", les atomes ne sont-ils pas un peu "gros" et à décohérence hyper rapide à température normale pour caractériser les objets quantiques ?

 

C'est tout petit un atome...(en plus, ça n'existe pas... :ninja:)

 

Je ne vois dans ces domaines aucune différence entre leur entendement et le mien.

 

Evidemment...;) Ce n'est pas de ça que je parlais...

 

Les concepts de l'entendement, forgés de longue date par la culture, la langue, la façon d'appréhender le monde et d'agir, c'est profond, et ça ne va pas nécessairement transparaitre sur du quotidien... Mais il suffit de travailler un tant soit peu en milieu international (l'Europe suffit déjà amplement :be:) pour découvrir les grandes variétés qui existent dans la façon de se représenter les choses, d'aborder et de résoudre les problèmes,...

Posté
Les objets quantiques n'apparaissent pas, il produisent seulement des évènements, des manifestations discontinues, qui donnent lieu à des observations classiques.

Effectivement une trajectoire particulaire qui semble continue dans un détecteur est en fait discrète et ce n'est pas la particule que l'on voit mais ce sont ses traces de pas discontinues qui sont autant d'interactions discrètes avec les objets du milieu détecteur.

J'ai bon ?

Posté

Les images d'atomes et de molécules ne seraient que des chimères?

Je crois au contraire qu'au niveau atomique et peut-être moléculaire la matière peut se comporter à la fois comme une entité quantique (statistique?) et comme un objet matériel.

De même qu'énergie et masse sont deux visages d'une même entité.

:confused:

Posté
ce n'est pas la particule que l'on voit mais ce sont ses traces de pas discontinues qui sont autant d'interactions discrètes avec les objets du milieu détecteur.

 

Cette façon de le dire laisse entendre qu'il y a une particule qui se déplace, et laisse sa trace. Rien ne permet d'affirmer cela. En fait, il y a des traces de ce que l'on conçoit comme celles d'une particule, et qui dessinent une trajectoire...Mais en réalité, il y a simplement un formalisme qui permet de calculer/prévoir comment vont "s'aligner" les atomes excités - et qui vont, par là-même, générer les "traces" - par un rayonnement, selon des caractéristiques de ce rayonnement.

 

Les images d'atomes et de molécules ne seraient que des chimères?

Des images.

 

Je crois au contraire qu'au niveau atomique et peut-être moléculaire la matière peut se comporter à la fois comme une entité quantique (statistique?) et comme un objet matériel.
:?:

 

De même qu'énergie et masse sont deux visages d'une même entité.:confused:
Energie et masse sont des grandeurs, qu'on mesure sur des objets, des observables... Elles n'ont pas de réalité "physique".
Posté
On peut bien sûr étendre le langage à des formalismes, mais ça ne suffit pas à modifier nos catégories d'entendement.

Si. Une fois le formalisme intériorisé (le langage appris), ça modifie évidemment nos catégories d' entendement.

 

Avant la mécanique quantique, le terme "chat de Schrödinger" évoquait un félin de compagnie. Maintenant, ça évoque une situation paradoxale pour certains, des expériences d' atomes en cavité pour d' autres.

Les catégories d' entendement ont été considérablement modifiées ;) ;)

Posté
Si. Une fois le formalisme intériorisé (le langage appris), ça modifie évidemment nos catégories d' entendement.;)

 

C'était il semble, l'avis de Dirac, cité dans ce papier de Françoise Balibar :

 

Car, comme le dit toujours Dirac, mais cette fois-ci, de nouveau, dans son manuel :

 

« The main object of physical science is not the provision of pictures but is the formulation of laws governing phenomena and the applicationof these laws to the discovery of new phenomena. If a picture exists, so much the better; but wether a picture exists or not is a matter of only second importance. »

 

« This state of affairs is very satisfactory from a philosophical point of view... but it makes things less easy for the learner of physics... » reconnaît Dirac ! Mais ce n'est là selon lui qu'une situation transitoire : les étudiants finiront bien par s'habituer; ils n'ont qu'à s'entraîner à acquérir une certaine familiarité avec les nouvelles lois de la physique; ainsi se forgeront-ils une nouvelle « image » ; car loin d'être intuitives, nos images sont fortement imprégnées de théorie, et d'ailleurs, nos images précédentes n'avaient vraiment rien d'intuitif i « One may think to extend the meaning of the word « picture » as to include any way of looking at the fundamental laws (9). »

 

 

Pas vraiment suivi par d'autres physiciens (*)...(Feynman : On n'y comprend rien, Bohr : Celui qui n'est pas horrifié, c'est qu'il n'a pas saisi, etc, etc...;))

 

Sérieusement, tu penses que les physiciens habitués au langage du formalisme de Schrödinger ont acquis un entendement non-local ? (ca doit faciliter la vie, au quotidien, en matière de transports).

 

Que les mathématiciens habitués à se mouvoir dans une réalité a-temporelle (les maths) ne sont plus sensibles à l'écoulement du temps ?

 

 

(*) Et très probablement par très peu, si ce n'est aucun linguiste, psychologue, philosophe... :be:

Posté

Lacan prétendait "La femme n'existe pas" et il s'est beaucoup fait détester pour cela ! Cela veut-il dire que la femme serait quantique ?

(Je suis déjà sorti !)

Posté
C'était il semble, l'avis de Dirac, cité dans ce papier de Françoise Balibar :

 

Car, comme le dit toujours Dirac, mais cette fois-ci, de nouveau, dans son manuel :

 

« The main object of physical science is not the provision of pictures but is the formulation of laws governing phenomena and the applicationof these laws to the discovery of new phenomena. If a picture exists, so much the better; but wether a picture exists or not is a matter of only second importance. »

 

« This state of affairs is very satisfactory from a philosophical point of view... but it makes things less easy for the learner of physics... » reconnaît Dirac ! Mais ce n'est là selon lui qu'une situation transitoire : les étudiants finiront bien par s'habituer; ils n'ont qu'à s'entraîner à acquérir une certaine familiarité avec les nouvelles lois de la physique; ainsi se forgeront-ils une nouvelle « image » ; car loin d'être intuitives, nos images sont fortement imprégnées de théorie, et d'ailleurs, nos images précédentes n'avaient vraiment rien d'intuitif i « One may think to extend the meaning of the word « picture » as to include any way of looking at the fundamental laws (9). »

 

 

Pas vraiment suivi par d'autres physiciens (*)...(Feynman : On n'y comprend rien, Bohr : Celui qui n'est pas horrifié, c'est qu'il n'a pas saisi, etc, etc...;))

 

Sérieusement, tu penses que les physiciens habitués au langage du formalisme de Schrödinger ont acquis un entendement non-local ? (ca doit faciliter la vie, au quotidien, en matière de transports).

 

Que les mathématiciens habitués à se mouvoir dans une réalité a-temporelle (les maths) ne sont plus sensibles à l'écoulement du temps ?

 

 

(*) Et très probablement par très peu, si ce n'est aucun linguiste, psychologue, philosophe... :be:

 

Je penche plutôt vers l'avis de Dirac. Et je crois bien que de remarquables spécialistes comme Haroche et Raimond font de même. Voici ce qu'ils écrivent, avec un peu d'ironie, dans "Exploring the Quantum", 2006, page 25 (j'ai traduit) :

 

Plutôt que d'essayer de «comprendre» l'étrangeté quantique, les physiciens maintenant travaillent à la définir et à la quantifier. Ils étudient, théoriquement et expérimentalement, l'intrication, la non-localité et la décohérence dans des systèmes d'une complexité croissante. Ce faisant, ils acquièrent une sorte de familiarité avec ces concepts. Ils développent une nouvelle sorte d'intuition, qui leur permer de deviner le résultat d'une expérience avant de la réaliser ou même de la simuler par le calcul. Savoir si une telle intuition quantique est différente de la «compréhension» est une question que nous laissons aux philosophes.

Posté
Ils développent une nouvelle sorte d'intuition, qui leur permer de deviner le résultat d'une expérience avant de la réaliser ou même de la simuler par le calcul. Savoir si une telle intuition quantique est différente de la «compréhension» est une question que nous laissons aux philosophes.

 

Effectivement, c'est une position qui peut se comprendre, encore que parler "d'intuition quantique" est sans doute fortement exagéré...(on devrait dire "intuition de comment vont apparaitre à notre entendement classique les résultats d'expériences effectuées au niveau atomique et en deça !" :be:), mais je reste un peu mal à l'aise face à ce "renoncement" philosophique.

 

Sans doute en faut-il, des renonceurs comme eux, des Dirac et des Feynman, pour faire avancer le schmilblik quantique, mais je trouve heureux qu'il y ait aussi des Bohr, Heisenberg, Bell, d'Espagnat, Omnes, Levy-Leblond,...qui ne renonçant pas à comprendre philosophiquement ce qu'il font, conservent la dimension humaine (*) à cette épopée de la connaissance qu'est la physique.

 

 

 

(*) Il n'y a là aucune espèce de jugement sur les physiciens non philosophes, en tant qu'humains. C'est juste un point de vue porté sur la façon dont ils considèrent leur activité de physiciens, par quelqu'un qui n'est ni physicien, ni philosophe. :cool:

Posté
Plutôt que d'essayer de «comprendre» l'étrangeté quantique, les physiciens maintenant travaillent à la définir et à la quantifier. Ils étudient, théoriquement et expérimentalement, l'intrication, la non-localité et la décohérence dans des systèmes d'une complexité croissante. Ce faisant, ils acquièrent une sorte de familiarité avec ces concepts. Ils développent une nouvelle sorte d'intuition, qui leur permer de deviner le résultat d'une expérience avant de la réaliser ou même de la simuler par le calcul. Savoir si une telle intuition quantique est différente de la «compréhension» est une question que nous laissons aux philosophes.

Le cerveau conçu à l'origine pour le monde macroscopique (hors RR et RG) semble s'adapter un petit peu au monde quantique, à condition d'être intelligent et surtout d'y être immergé et de pratiquer beaucoup.

Comme une intuition de substitution un peu.

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Le cerveau conçu à l'origine pour le monde macroscopique (hors RR et RG) semble s'adapter un petit peu au monde quantique, à condition d'être intelligent et surtout d'y être immergé et de pratiquer beaucoup.

 

Entends-tu par là que les physiciens quantiques acquièrent, par leur pratique, un avantage dans la survie compétitive, et qu'ils ont une descendance plus nombreuse que la moyenne, disséminant ainsi des caractères mutants aidant à la compréhension de la MQ, devenus transmissibles ? ... ;)

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Je parle d'une "adaptation" acquise, un "bricolage" adaptatif du cerveau, car qui sait à quoi il est bien capable de s'adapter ce gros réseau neuronal !

Mais il faut être assez intelligent pour ne pas devenir fou avec la MQ ;)

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Entends-tu par là que les physiciens quantiques acquièrent, par leur pratique, un avantage dans la survie compétitive, et qu'ils ont une descendance plus nombreuse que la moyenne, disséminant ainsi des caractères mutants aidant à la compréhension de la MQ, devenus transmissibles ? ... ;)

 

La compréhension de la MQ marquera l'achèvement du processus d'hominisation...

Posté
Je parle d'une "adaptation" acquise, un "bricolage" adaptatif du cerveau, car qui sait à quoi il est bien capable de s'adapter ce gros réseau neuronal !

 

Je ne suis pas sûr. Il semble bien que nos intuitions kantiennes sur l'existence du temps, de l'espace, soient assez tenaces au long des âges... :refl:

 

Et ma lecture de l'attitude des physiciens évoqués plus haut, que je qualifierais de Feynmanienne, je la lis plus comme un renoncement que comme une adaptation, un élargissement de la compréhension. A bien y réfléchir, c'est comme une démission épistémologique.

 

La phrase de "laisser cela aux philosophes" est assez révélatrice, en elle-même.

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Et ma lecture de l'attitude des physiciens évoqués plus haut, que je qualifierais de Feynmanienne, je la lis plus comme un renoncement que comme une adaptation, un élargissement de la compréhension. A bien y réfléchir, c'est comme une démission épistémologique.

Hum. Ce qui est clair, c'est que Feynman avait renoncé à résoudre les paradoxes qui surgissent quand on essaye d' appliquer les "intuitions classiques" aux problèmes quantiques. Je n' appelle pas ça une démission épistémologique, j'appelle ça faire preuve de bon sens.

 

Quand on lit (dans le discours prononcé à l' occasion de son prix Nobel) le sens de sa démarche, on voit qu'il a travaillé à éliminer tout ce qui ressemble à une représentation temporelle des phénomènes. Parce que ces concepts (de temps et d' espace "Kantiens") ne faisaient qu' obscurcir le tableau :

 

I would also like to emphasize that by this time I was becoming used to a physical point of view different from the more customary point of view. In the customary view, things are discussed as a function of time in very great detail. For example, you have the field at this moment, a differential equation gives you the field at the next moment and so on; a method, which I shall call the Hamilton method, the time differential method. We have, instead (in (1) say) a thing that describes the character of the path throughout all of space and time. The behavior of nature is determined by saying her whole spacetime path has a certain character. For an action like (1) the equations obtained by variation (of Xim (ai)) are no longer at all easy to get back into Hamiltonian form. If you wish to use as variables only the coordinates of particles, then you can talk about the property of the paths - but the path of one particle at a given time is affected by the path of another at a different time. If you try to describe, therefore, things differentially, telling what the present conditions of the particles are, and how these present conditions will affect the future you see, it is impossible with particles alone, because something the particle did in the past is going to affect the future.

Therefore, you need a lot of bookkeeping variables to keep track of what the particle did in the past. These are called field variables. You will, also, have to tell what the field is at this present moment, if you are to be able to see later what is going to happen. From the overall space-time view of the least action principle, the field disappears as nothing but bookkeeping variables insisted on by the Hamiltonian method.

 

Il me semble très,très injuste de résumer la démarche de Feynman par "on y comprends rien". Manifestement, il avait compris deux ou trois trucs. Ce "on y comprends rien" est à lire dans un contexte scientifique (on a pas de modèle scientifique plus profond que ce que je vous présente là) et non philosophique (il n' existe pas et n' existera jamais de concepts plus profonds que ceux qui sortent de l' état d' avancement courant de la théorie) , à mon avis. En ce sens, ceux qui renoncent sont clairement les disciples de Bohr, la complémentarité au sens que tu as développé étant le dernier clou sur le couvercle du cercueil de l' espoir d'y comprendre quelque chose ;)

 

"Laisser au philosophe" est je pense une manière ironique d' indiquer que c'est un problème sans solution, donc un excellent sujet philosophique, puisque n' importe quel point de vue sur la question est potentiellement aussi valable qu' un autre.

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