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Les planètes appartiennent à ceux qui se lèvent tôt !


Vakoran

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La Provence n'est plus ce qu'elle était : depuis une grosse semaine, pas une seule occasion de sortir voir le ciel ne s'est présentée. La faute à d'insistants nuages présents à toute heure du jour et de la nuit.

 

Toute heure du jour et de la nuit ? Non ! Car un créneau de quelques heures a, en ce mercredi 17 novembre, décidé de résister vaillamment à l'envahisseur nuageux. Bien informé par les sites météo, j'ai vu venir le coup et me suis préparé en conséquence...

 

Ainsi donc, mon réveil m'a cueilli à 3h ce matin pour une promenade sur mon site d'observation préféré entre 4h15 et 6h45. Arrivé sur place, c'est d'abord la déception. Les nuages sont toujours là, moins présents certes qu'hier soir, mais suffisamment pour que je perde mes repères célestes (déjà que le ciel à cette heure matinale n'a rien à voir avec celui du soir...). Malicieuse, une étoile filante semble alors m'inviter silencieusement à rester, comme une promesse. Et puis je ne vais pas rentrer me coucher maintenant !

 

Je monte donc le Dob et m'installe rapidement. Pourquoi rapidement ? Eh bien parce que l'un de mes objectifs est d'observer ma première Saturne, et que celle-ci est bien là, très basse à l'horizon Est, mais juste sous une masse cotonneuse épaisse qui recouvre tout le ciel jusqu'au manche de la casserole plantigrade. "Elle va s'élever et passer dans les nuages", me dis-je tandis que mes doigts déjà rendus gourds par le froid peinent à sortir les oculaires de leurs boîtes.

 

Je parviens juste à temps à pointer le tube vers la planète gazeuse. Au 25mm, celle-ci est toute petite ! Ca fait un drôle d'effet après n'avoir connu que Jupiter en planétaire... Je passe donc au 10mm et suis un peu déçu, mais au moins je comprends pourquoi : il y a pas mal de turbulence ce soir, et sur un objet aussi bas sur l'horizon, le résultat est franchement médiocre, les anneaux eux-mêmes ressortant mal. Et il est trop tard pour mieux faire : elle vient de plonger dans le matelas blanc qui couvre toujours cette partie du ciel.

 

Je me tourne alors vers l'horizon le plus dégagé et me console avec du connu : M42, toujours aussi belle et présentant une teinte turquoise foncée que je n'avais pas remarquée lors de ma première visite deux semaines plus tôt. Les détails de ses volutes me semblent également plus nets, plus fins. Bizarre, alors que je n'ai pas touché les réglages de mon télescope depuis la dernière fois. Les éminents astrams de Webastro auraient-ils raison lorsqu'ils affirment qu'un objet se dévoile de plus en plus au fil des observations ? On dirait que oui !

 

Je me tourne ensuite vers Sirius, qui crache une lumière nette et bleutée magnifique, avec une certaine émotion. Il faut dire que dans mon enfance, on m'a offert une projection du ciel géante qui couvrait tout un mur de ma chambre, et sur cette dernière, je m'amusais à regarder les formes des constellations et la position des étoiles les plus brillantes du ciel, faute de pouvoir partir tout seul les observer en vrai. Sirius m'avait toujours fasciné car j'avais bien vu qu'elle était la plus brillante du ciel. Et dans ma naïveté d'enfant, je me disais que je ne la verrais sans doute jamais de mes propres yeux car sur ma carte, elle apparaissait dans l'hémisphère Sud... et qu'elle resterait donc invisible à moins de franchir l'équateur ! Mine de rien, c'est une déception d'enfant qui vient de voler en éclats... et avec un fameux éclat !

 

Entre-temps, les nuages se sont un peu dissipés et je m'empresse de chercher la galaxie du Tourbillon, qui est l'un de mes objectifs de cette séance. Il faut dire qu'il n'est pas très facile de l'observer en soirée, en ce moment ! Je tombe facilement dessus et parviens à deviner sa forme caractéristique en vision décalée. Sa voisine est parfaitement décelable, mais je ne vois pas le bras de matière. Qu'importe, c'est un nouvel objet à mon tableau de chasse !

 

Le temps passe et quelques étoiles filantes et autres satellites artificiels (très difficiles à suivre au Dobson) plus tard, les nuages se sont totalement dissipés et Saturne est désormais un peu plus haute dans le ciel. J'ai bien fait de rester ! Les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Et effectivement, ma vision de la planète est incomparable avec celle du début de séance. A croire que je ne regarde pas le même objet. Cette fois, je pousse jusqu'au grossissement maximum (300x) que permet mon équipement, et je reste longuement à contempler cette superbe Saturne à la belle teinte jaune, avec ses anneaux bien distincts et son compagnon Titan. Il faut avouer que c'est un sacré spectacle, et je m'en veux un peu d'avoir été trop impatient à mon arrivée sur le site : elle ne méritait pas d'être observée dans de mauvaises conditions !

 

Le temps passe et j'alterne entre étoiles doubles, dont la magnifique Algiéba du Lion à la teinte dorée, Saturne, que je suis incapable d'abandonner plus de 10 minutes, et quelques tentatives sur des objets du ciel profond. Je suis alors un peu trop fébrile pour m'acharner longtemps sur des cibles difficiles, alors je fais dans la facilité, mais aussi en ce qui me concerne, dans la nouveauté : le double amas de Persée, plus facile à pointer à cette heure de la nuit qu'en soirée, je trouve. J'avoue préférer les amas globulaires (celui d'Hercule m'a fait de l'effet), mais les deux amas ouverts tout proches dans le même champ, c'est tout de même parfaitement splendide !

 

Et soudain, une lumière qui semble crier "regardez-moi !" apparaît sur l'horizon Est. Précédant le soleil, Vénus me fait signe. Ca tombe bien, je comptais aussi lui rendre visite ce matin. Pour le coup, le fait qu'elle soit très basse sur l'horizon lui donne un charme inattendu : la turbulence la pare de lumières clignotantes bleues, rouges, mais aussi jaunes et vertes parfois, l'impression de contempler une boîte à bijoux ondulante en forme de croissant ! Quelques dizaines de minutes plus tard, tout cela se stabilise et j'alterne sans cesse entre les deux stars planétaires de cette nuit inhabituelle.

 

L'aube se lève doucement alors que je range mon matériel. Sans que je m'en rende compte, les étoiles s'éteignent à une vitesse étonnante et seules les plus brillantes témoignent encore de ces quelques heures volées aux nuages envahissants. Vénus, joyau de l'aurore, semble me dire au revoir au-dessus de l'horizon en dégradé, et à une prochaine fois, pour de nouvelles observations toujours renouvelées, toujours surprenantes.

Posté

Bonsoir Vakoran!

 

Eh bien, tu nous racontes là une bien belle fin de nuit! Le ciel t'a vraiment gâté, et surtout parce que tu as eu la témérité de rester encore dehors malgré un ciel pas forcément beau au départ.

 

Aaah, les volutes de M42.. un poème à elles toutes seules! on pourrait rester des heures entières à les admirer.

Et puis notre petite Saturne qui nous revient dans le ciel du matin! nos retrouvailles avec elle sont toujours émouvantes. Elle possède une certaine aura cette planète, que les autres n'ont pas (l'effet des anneaux peut-être?).

 

Et tu n'as pas oublié nos chères petites doubles, ces bijoux d'étoiles colorées.. Algieba est superbe, c'est vrai.:wub:

 

Un grand merci pour avoir partagé cette soirée, qui plus est, fort joliment contée. :p

Posté

Merci Zaurel ! :)

 

Bon par contre mon défaut c'est que je ne sais vraiment pas être concis, j'écris toujours des romans. Rien à faire, je n'arrive pas à décrire ce que je vois et ressens sans en faire des tartines. :rolleyes:

Posté

Tu sais, je suis bien placée pour te comprendre! :be:

 

Mais c'est aussi plus charmant à lire qu'une liste d'objets par ordre alphabétique, par exemple.

Posté

Excellent CROA avec des objets très variés :)

 

Je rejoins Zaurel pour afirmer que Algiébia est une très belle étoile qui hélas n'est pas souvent la cible des observateurs :confused:

 

J'ai hate de retrouver la belle aux anneaux :rolleyes:

 

Merci bien Vakoran :)

Posté

Joli récit !!

Ah la première Saturne (enfin la deuxième pour toi :D;)), c'est toujours un souvenir inoubliable...au fait c'est quoi ton tube ?

Posté

Merci à tous pour vos réactions ! Il faut dire que quand je reviens d'une nuit d'observation, je n'ai qu'une hâte : écrire ce que j'ai vu. Pouvoir le faire sur un forum dont les participants vont pouvoir apprécier la séance d'observation à sa juste valeur, c'est très agréable.

 

@ Nunky : Mon instrument est un Dobson Skywatcher 254/1200. Je crois que le concept du Dobson me convient bien, j'aime chercher les objets sans aide et le fait de pointer vraiment soi-même son objectif a quelque chose de grisant, comme si on voyageait réellement dans la voûte céleste. A ce titre, j'ai bien aimé me faire le petit plaisir de partir d'une étoile quelconque d'Orion et de passer du temps à retrouver M42 tout à l'oculaire, comme si peu à peu, je prenais mes repères dans cette zone du ciel. Quand on n'a même plus besoin du chercheur pour savoir où l'on se trouve, on éprouve un sentiment d'accomplissement vraiment sympa.

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