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Périple au milieu des étoiles doubles


Benj Poup

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Arrivé sur la côte atlantique pour quelques jours de vacances, je pensais bénéficier de belles soirées sans Lune pour me frotter un peu au ciel profond. Pas de chance, la magnifique terrasse exposée plein sud et inondée de soleil pendant la journée s'avère, à la nuit tombé, noyée par la lumière d'un lampadaire. Jusqu'à minuit, l'impasse et ses maisons inoccupées baignent dans une jolie lumière orange. Ces conditions d'observations particulières ont un peu imposé la thématique de mes dernières soirées d'observation. Je laisse derrière moi les galaxies de printemps, et décide de consacrer mes soirées étoilées ... aux couples stellaires.

 

L'astronomie est une école de patience, me direz-vous. Et il suffirait d'attendre que minuit sonne pour profiter d'un beau ciel étoilé. Mais quand sonne le douzième coup, je découvre que mon lampadaire fait figure d'exception dans le paysage. Malgré son extinction, le ciel autour de moi luit d'un crépuscule artificiel qui s'étend tout autour de moi, en un magnifique panoramique : au nord, Saint Nazaire et son port, au sud, Pornic et Tharon-Plage. Je suis cerné par la pollution lumineuse !

 

Avant même d'affronter les étoiles, je dois d'abord commencer par apprivoiser un nouvel instrument : le Nexstar 6" emprunté à mon paternel. Le télescope est équipé d'un système Goto avec lequel je me familiarise sans trop de peines. Le système s'avère d'ailleurs plutôt efficace, et me semble plus intuitif que l'Autostar qui équipe les Meade, en dépit de quelques bizarreries que je ne manquerai pas d'évoquer.

 

En guise d'entame, je parcours les bases de données en mémoire. Les noms des étoiles et des objets à observer ne respectent pas forcément les dénominations habituelles - quelle constellation se cache, par exemple derrière ce "che" ? Je finis par découvrir une liste d'étoiles doubles dans laquelle je décide de piocher.

 

Tour de chauffe dans le Bouvier

 

Pour commencer, je sélectionne quelques étoiles du Bouvier. Pulcherimma, plus facilement identifiable sous le nom de Epsilon Boo, est plutôt bien placée. Je lance le Goto, et le tube s'oriente vers une étoile assez brillante. Double ? Il faut grossir 150x pour commencer à soupçonner la présence d'un compagnon, véritablement collé à l'étoile principale. Mais à 300x, le spectacle vaut le détour :

 

.2011_04_28_epsilon_boo_m.jpg

 

Epsilon Boo - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 5mm (300x)

 

L'étoile compagne, grâce à sa couleur bleutée, se détache des anneaux de diffraction de l'étoile principale, qui apparaît pour sa part blanc-jaune. Belle entrée en matière !

 

Dans le même secteur, Kappa Boo est une double beaucoup plus facilement séparée. Leur écart de luminosité est de 2 mag. et la séparation angulaire est de 13". Les deux étoiles présentent une coloration globalement blanc-bleutée.

 

Je file ensuite sur Xi Boo, une jolie double assez serrée (sép. 7"), mais facilement séparée à 150x :

 

.2011_04_28_xi_boo_m.jpg

 

Xi Boo - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 10mm (150x)

 

L'écart de magnitude est de 2.3, la principale étoile est blanche, et sa compagne légèrement orangée. En parcourant le Night Sky Observer's Guide (NSOG), j'apprends qu'il s'agit en fait d'un système quadruple. L'étoile située sur la droite du dessin appartient également au système.

 

Le Goto m'envoie ensuite en direction du Lion, vers Algieba (Gamma Leo). Les deux composantes sont brillantes et serrées, tirant toutes les deux vers des couleurs blanc-jaunes.

 

54 Leo est aussi une belle double, facilement séparée à faible grossissement :

 

.2011_04_28_54_leo_m.jpg

 

54 Leo - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 10mm (150x)

 

La composante principale est blanche, la compagne est blanc-bleutée. Peu d'étoiles sont visibles dans le champ de l'oculaire. La lumière du lampadaire y est certainement pour quelque chose...

 

Je glisse ensuite vers Porrima (Gamma Vir), étoile double brillante, et vraiment très très serrée (sép. 1.8"). A 300x, les deux étoiles visiblement de même éclat, semblent avoir du mal à se débattre d'une seule et même tache de diffraction. Vision étonnante !

 

L'ordinateur me perd dans le Cancer

 

Le Goto me suggère ensuite une balade vers Tegman, dans le Cancer. De quelle étoile s'agit-il exactement ? Sur le coup, je ne prends pas vraiment la peine de la retrouver dans le ciel pollué, laissant le soin au Goto de faire le travail à ma place. Le Goto incite donc plutôt à la paresse, et cet exemple illustre parfaitement l'idée que je me fais de ce système. A savoir : un gadget pratique pour repérer des objets ... que l'on connait déjà, et que l'on que l'on a pris soin de repérer au préalable ! Aujourd'hui, en relisant mes notes et et en parcourant mes cartes, je ne retrouve pas immédiatement Tegman - il s'agit en fait de Dzeta Cnc. Elle est annoncée comme quadruple dans les informations de la raquette de commande - mais seulement triple dans le NSOG. A l'oculaire, on ne voit que deux étoiles, assez serrées. En y regardant de plus près, la plus brillante semble présenter une tache de diffraction un peu allongée, ce qui indiquerait qu'elle est elle-même double (mais séparées de seulement 0.8"...)

 

Je poursuis ma virée dans le Cancer. Le Goto me propose d'aller découvrir Theta2 Cnc. Il s'agit d'une jolie double très très homogène. Les deux étoiles, facilement séparées, brillent d'un même éclat :

 

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Phi2 Cnc - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 10mm (150x)

 

Mais se pose alors un nouveau problème : Theta2 ne figure pas sur l'atlas de José Torres ... et je commence à redouter une confusion avec une autre étoile. En reprenant les coordonnées AD/Dec affichées sur la raquette, et en les reportant sur mon atlas, je tombe en réalité sur Phi2 Cnc, et non Theta 2 ! La personne en charge, chez Celestron, de la traduction des textes en français n'est visiblement pas très à l'aise avec l'alphabet grec !

 

Iota Cnc ne pose en revanche pas de difficultés d'identifications - ni à la raquette, ni à moi-même. C'est de loin l'objet le plus facile de la soirée. L'écart de luminosité et la différence de couleur sont évidents. C'est presque trop facile !

 

"Luke, votre collimateur est débranché, qu'est-ce qui se passe ?"

 

Ensuite, je dois admettre ma maladresse : me prenant le pied dans le fil du bloc d'alimentation, je débranche ma machine. Il ne me reste plus qu'à recalibrer le Goto ... Cette maladresse se transforme en étape imprévue dans mon parcours. Castor me sert en effet d'étoile-repère, et je décide de lui accorder un peu de mon attention, le temps d'un dessin :

 

.2011_04_28_castor_m.jpg

 

Castor - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 10mm (150x)

 

Il s'agit d'une double brillante et assez homogène, donc plutôt jolie et assez facile. Les deux étoiles paraissent blanc-bleutées.

 

Je reviens vers le Cancer, mais décide cette fois de m'affranchir du Goto, pour m'attaquer à des cibles repérées dans mon atlas. Partant de Iota Cnc, j'entame un cheminement compliqué, d'étoiles en étoiles, en direction de STF 1291 (Iota2 Cnc). Pas très à l'aise avec le champ de l'oculaire, je me perds un peu, avant de tomber sur une double très serrée (sép. 1.4"). Les deux étoiles sont faibles, d'éclat comparable, et sans couleur bien marquée.

 

Je pointe ensuite Dzeta2 Cnc aux coordonnées, étoile double facilement séparée. Puis, près de Xi Cnc, je pointe STF 1311, étoile double sympathique, assez homogène - les deux étoiles ne sont séparées de de 0.4 mag.

 

Mon parcours dans le Cancer s'achève avec STF 1298 (Sigma4 Cnc), une étoile double difficile, mais très jolie. La proximité entre les deux étoiles, et la faible luminosité de l'étoile compagne rendent cette dernière invisible au premier coup d'oeil. Mais il faut se donner la peine d'insister !

 

Mon périple touche à sa fin : je me casse les dents sur Iota Leo - trop serrée - avant de retrouver STF 1540, une large étoile double, un peu trop facilement dédoublée à mon goût.

 

Pour finir en beauté, je chemine vers STF 1552, une très jolie étoile triple :

 

.2011_04_28_stf1552_m.jpg

 

STF 1552 - dessin réalisé au T150/1500 + occ. 10mm (150x)

 

Un couple d'étoiles très serrées domine la scène. Une étoile brillante, avec, à ses côtés, une étoiles un peu plus faible. Et au loin, une 3ème étoile, qui par contraste, semble elle-même encore plus faible. Une jolie conclusion pour une soirée pourtant baignée de lumières électriques !

 

Benjamin Poupard - Une protubérance arachnéenne

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Merci à tous !

 

Les étoiles-doubles sont une vraie valeur-refuge pour les soirées aux conditions un peu limites (Lune gibbeuse, pollution lumineuse un peu trop présentes), et peuvent présenter de vrais challenges quand elles sont très serrées ou quand elles présentent de forts écarts de magnitude (mes préférées !).

 

Il existe quelques listes de belles étoiles doubles sur le net :

 

http://www.astroleague.org/al/obsclubs/dblstar/dblstar2.html

 

http://www.raycash.us/astroimages/85mult.htm

 

Ne manquez pas d'aller faire également un saut dans les pages du site web d'Alain Gerard - http://astrosurf.com/agerard/observ.html - qui, dans ses observations, a compilé un nombre incroyable d'étoiles doubles.

 

Il n'y a plus qu'à se lancer !

 

Benjamin

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Bravo à toi, avec un ciel pareil, ça ne donne pas forcément envie de faire de l'observation astro, sauf quand on est motivé :) sujet très intéressant les étoiles doubles, reste plus qu'à m'y lancer moi aussi ! (mais sans goto :be:)

 

Julien.

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