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Bessel et la distance des étoiles

 

250px-Friedrich_Wilhelm_Bessel.jpeg

 

Friedrich Wilhelm Bessel, né à Minden le 22 juillet 1784, mort le 17 mars 1846 à Königsberg

 

C'est une étoile double dans la constellation du Cygne qui a constitué la première borne sur les routes de notre Galaxie.

 

 

Dans l'histoire de l'astronomie, un des moments-clés a été la première mesure de la distance de quelques étoiles. Jusqu'alors, le ciel nocturne n'avait été qu'une voûte sans profondeur ; les Grecs la nommaient la "sphère des fixes". L'évènement décisif se produisit entre 1837 et 1840. Bien sûr, des hypothèses sur le sujet avaient déjà circulé auparavant. Ainsi, les astronomes savaient quelles étoiles étaient "sans doute" les plus proches. La recherche devrait se concentrer sur celles-ci car la seule méthode disponible alors nécessitait des années d'observations. Il ne fallait donc pas se tromper de cible. Cette méthode, c'était la parallaxe (1) : un effet causé non par l'étoile mais par le mouvement orbital de la Terre. Du fait de celui-ci, une étoile proche semble "se déplacer", pendant l'année, par rapport au fond des étoiles lointaines. Plus exactement, elle décrit une ellipse dont le demi grand axe mesuré en secondes d'arc est dit angle de parallaxe. A l'évidence, plus une étoile sera proche, plus cet angle sera grand ; il tendra vers zéro au fur et à mesure que l'on visera des étoiles de plus en plus lointaines.

 

L'hypothèse gagnante

 

Au XIXe siècle, quand l'astronome anglais James Bradley (1692 - 1762) avait examiné les menus déplacements apparents des étoiles sur la voûte céleste, en cherchant des indices sur leur distance, il avait conclu qu'aucune n'était proche au point de montrer une parallaxe de plus d'une moitié de seconde d'arc. Les années passèrent : les télescopes capables de la mesurer firent leur apparition vers 1830.

 

Nous sommes au nouvel observatoire de Königsberg, une ville à l'est de la Prusse (aujourd'hui, Kaliningrad). Son directeur est l'astronome allemand Friedrich Bessel, sans doute l'observateur le plus habile de l'époque (il avait observé plus de 75 000 étoiles jusqu'à la magnitude 9), déjà célèbre et très considéré. On lui doit de nettes améliorations quant aux modes de mesure des positions des étoiles (« considère que ton instrument est toujours défectueux tant que tu n’auras pas prouvé le contraire », avait-il l'habitude de dire) et la publication en 1818 des Fundamenta Astronomiae pro anno 1755, catalogue donnant les mouvements propres d'étoiles observées par Bradley, Piazzi et lui-même et tenu pour une étape capitale dans le progrès de l'astronomie d'observation. Il avait fait construire un des meilleurs télescopes au monde, l'« héliomètre », fabriqué à Munich par Joseph von Fraunhofer (2), destiné à l'origine à mesurer le diamètre apparent du Soleil mais aussi l'angle de séparation des petits corps du système solaire. Il eut l'idée de s'en servir pour rechercher des parallaxes.

 

Le problème qui se posait à lui était le choix des deux à trois étoiles candidates à l'observation. Son choix devait être particulièrement réfléchi car il risquait de gâcher des années d'observation pour rien. Il ne tomba pas heureusement dans l'erreur de Bradley qui était parti du principe qu'a priori une étoile très lumineuse est automatiquement proche. On sait maintenant que chaque étoile possédant une luminosité intrinsèque peut apparaître plus lumineuse qu'une étoile plus proche qu'elle. Il eut l'idée de se servir du critère des mouvements propres des étoiles pour faire son choix.

 

Étoiles errantes

 

On savait déjà depuis longtemps, et en particulier depuis 1718 avec Edmund Halley, que toutes les étoiles se déplacent dans l'espace selon une trajectoire propre. Ce mouvement réel, perpendiculaire à la ligne de visée, est dit mouvement propre ; on l'observe assez facilement depuis la Terre. Si une étoile a un mouvement propre important par rapport aux autres étoiles, c'est sans doute soit qu'elle est très rapide, soit qu'elle est plus proche que ses voisines. Bessel choisit d'étudier l'étoile 61 Cygni (3) dans la constellation du Cygne. Cette étude dura deux ans : Bessel fit 286 mesures qui lui permirent d'attribuer à 61 Cygni, en 1838, une parallaxe de 0,3'' très proche de la valeur donnée actuellement de 0,287'', ce qui conférait à l'étoile une distance de 10,9 années-lumière. C'était la première distance d'étoile mesurée avec certitude dans la Galaxie.

 

Un an après, en 1839, l’Écossais Thomas Henderson mesurait au Cap de Bonne Espérance la distance de l'étoile Alpha Centauri (4,3 années-lumière), puis, en 1840, l'Allemand Friedrich Struve calcula celle de l'étoile Véga dans la constellation de la Lyre (11,2 années-lumière).

 

Au début du XXe siècle, on ne connaissait la parallaxe que d'une trentaine d'étoiles. Juste avant la sonde Hipparcos (4), on était quand même parvenu à connaître la position et la parallaxe d'environ 7 000 étoiles. Aujourd'hui, grâce à Hipparcos, lancée le 8 août 1989 et dont l'activité s'est arrêtée le 15 août 1994, nous avons la position et la parallaxe à 0,002"" près de 120 000 étoiles dont la plupart sont à des distances supérieures à 100 parsecs. Son successeur, Gaïa (5), actuellement en préparation au sein de l'Agence Spatiale Européenne, devrait permettre d'affiner les données d'Hipparcos et d'ajouter un nombre considérable de nouvelles étoiles au catalogue.

 

 

___________________________________

 

 

(1) Origine du phénomène de la parallaxe. Le mouvement terrestre autour du Soleil provoque par projection sur le fond du ciel un mouvement apparent des étoiles proches par rapport aux étoiles lointaines.

 

parallaxe.gif

 

 

(2) Joseph von Fraunhofer (1787 - 1826), constructeur de l'héliomètre de Bessel et du télescope de Struve qui permirent de déterminer les distances de 61 Cygni et de Véga.

 

Joseph_von_Fraunhofer.jpg

 

 

(3) 61 Cygni est une étoile double (ou un système binaire) dans la constellation du Cygne dont le mouvement propre est particulièrement rapide. Bessel choisit de l'étudier pour cette caractéristique.

 

61-cygni.jpg

 

 

(4) Grâce à Hipparcos, l'« arpenteur du ciel », lancé le 8 août 1989 par la fusée Ariane et mis à la retraire 5 ans plus tard, l'astronomie moderne s'est dotée d'un catalogue de 120 000 étoiles.

 

hipparcos.jpg

 

 

(5) Gaia est le futur successeur d'Hipparcos. Il doit prendre sa relève dès l'année prochaine.

 

Gaia_Spacecraft410.jpg

Modifié par Kef
Posté

Bonjour Kef, :)

 

Je suis heureux de te saluer, Jérémie, en tant que nouvel historien de l'astronomie sur Webastro. :be: :be: :be: Ton sujet est très intéressant !... :) :) :) J'espère que ce n'est qu'un début et que tu vas nous en proposer d'autres bientôt. ;)

 

Roger le Cantalien. :rolleyes:

Posté

Ah oui, merci Kef. :)

 

C'est comme les mots croisés ça, quand on a la solution, c'est simple! Et oui,

y a des "gens" qui se sont torturé l'esprit pour nous. :D:D

Posté

Une petite remarque : Struve n'a pas mesuré la distance de Véga après Bessel, il l'a publiée après. Mais il l'avait mesurée avant, et avec une précision comparable (ce genre de mesures s'étale sur plusieurs années et Struve était très prudent... trop prudent, même).

Posté
vraiment bien, instructif. Merci.

 

Je me demande quelle est la precision prevue pour GAIA. Et quel domaine de l'astronomie va benificier le plus de cet apport.

 

Bonjour,

 

La précision de Gaia sera une dizaine de fois meilleure que celle de son prédécesseur Hipparcos. On prévoit grâce à elle de connaître le mouvement propre d'environ un milliard d'objets célestes allant jusqu'à la magnitude 20 ! Ça veut dire qu'en plus des étoiles, Gaia devrait aussi parvenir à dénicher des naines brunes (des étoiles avortées), et même peut-être quelques planètes extrasolaires.

 

Gaia et Hipparcos étant tous deux des satellites destinés à mesurer la position et le mouvement propre des étoiles, il va s'en dire que le domaine de l'astronomie qui en profite le plus est l'astrométrie, ou encore l'astronomie de position, qui a justement pour objet la position et le mouvement propre des astres.

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