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100 Ans de Rayons Cosmiques


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2012 est l’année du centenaire de la découverte des rayons cosmiques par le physicien autrichien Victor Hess. La découverte de l’existence d’un rayonnement cosmique, particules ionisantes atteignant la haute atmosphère telle une petite pluie continue, est une conséquence de la découverte de la radioactivité à la fin du 19ème siècle par Becquerel et Curie.

 

crshower2_nasa.jpg

illustration de rayons cosmiques (NASA)

 

Très vite, les physiciens observèrent que certaines roches pouvaient produire du rayonnement ionisant. Pour mieux comprendre le phénomène et mieux le cerner, ils entreprirent de placer des électroscopes (leurs détecteurs de l’époque) dans différents milieux. Certains en utilisèrent sous terre, d’autre au fond de l’eau, d’autres encore au sommet des montagnes, et Victor Hess, lui, eut l’idée avec d’autres en 1911 d’aller voir à très haute altitude ce qu’il pouvait y mesurer, grâce à un ballon d’hydrogène.

 

Et Hess découvrit que l’ionisation commençait par décroitre avec l’altitude, puis se mettait à augmenter très sensiblement jusqu’à 5300 m d’altitude, son maximum atteignable. Ce vol eut lieu exactement le 17 avril 1912 au-dessus de l’actuelle République Tchèque, le jour d’une éclipse partielle de Soleil, dans le but d’observer une éventuelle variation dans le signal d’ionisation mesuré pour en déduire une éventuelle origine solaire… Il n’était alors âgé que de 29 ans. Il reçut le prix Nobel en 1936 pour ces découvertes, seulement deux ans avant de pouvoir s’enfuir d’Autriche et émigrer aux Etats-unis.

 

hess+balloon+nature.jpg

Victor Hess dans son ballon en 1911 (Nature)

 

 

Depuis sa découverte, les recherches sur les rayonnements cosmiques ont évoluées vers des directions que Hess n’aurait jamais pu imaginer, depuis la découverte de l’antimatière jusqu’à la datation du carbone14… mais aussi vers la grosse physique des particules. Bien qu’aujourd’hui les collisions de particules soient étudiées principalement grâce à des accélérateurs de particules géants comme le LHC au CERN, la seule fenêtre d’étude des particules les plus énergétiques du monde ne peut se faire qu’en étudiant les rayons cosmiques. Et l’étude des rayons cosmiques primaires est une branche à part entière de l’astrophysique, notamment pour l’étude des phénomènes stellaires violents qui sont à l’origine de l’émission de quantité de particules énergétiques formant cette pluie qui nous tombe sur la tête…

 

Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient : le terme de rayons cosmiques (cosmic rays) a été inventé par le physicien américain Robert Millikan en 1925, plus de dix ans après le célèbre vol de Hess. Un vif débat agitait alors la communauté des physiciens sur la nature de ces rayonnements, Millikan jurait qu’il s’agissait de « rayons » comme des rayons électromagnétiques, alors que de son côté, Arthur Compton avait démontré qu’il s’agissait de réelles particules chargées, en ayant montré leur déflexion par le champ magnétique de la Terre. Même si c’est Compton qui avait raison, le terme de Millikan est resté.

 

L’étude des rayons cosmiques a apporté beaucoup de découvertes inattendues. La plus importante d’entre elles est certainement la découverte par Carl Anderson de l’antiélectron en 1932 en observant les traces de rayons cosmiques laissées dans une chambre à brouillard (chambre de Wilson). Ce n’est pas un hasard si le comité Nobel récompensa en même temps Hess et Anderson seulement quatre ans plus tard.

 

C'est à un physicien français que l'on doit la découverte de la production de particules secondaires sous forme de grandes gerbes : Pierre Auger, qui partage avec Victor Hess l'honneur d'avoir donné son nom à une expérience de détection de rayons cosmiques.

 

Cosmic_ray_flux_versus_particle_energy.svg.png

Spectre énergétique et fréquence des rayons cosmiques.

 

 

Dans les années 50, c’est toujours en étudiant les rayons cosmiques que l’on découvrit tout un zoo de particules, qui fécondèrent la théorie de la physique des particules telle qu’on la connait aujourd’hui : hypérons, pions, muons, kaons apparurent…

 

A partir des années 60, on commença à pouvoir déterminer la composition des rayons cosmiques primaires (ceux qui impactent l’atmosphère en créant toutes ces gerbes de particules) et on put déterminer la présence de noyaux d’atomes plus lourds que les très abondants hydrogène (protons) et hélium (particule alpha).

 

On parvient aujourd’hui à connaître les proportions d’isotopes de noyaux lourds dans le rayonnement cosmique, ce qui permet d’évaluer approximativement leur provenance, en terme d’objet (étoile, résidu de supernova, …) et d’environnement. Les physiciens des astroparticules cherchent à savoir comment de telles particules parviennent à atteindre des vitesses très proches de la vitesse de la lumière, donc une énergie cinétique colossale…

 

Pour fournir un ordre de grandeur, le rayon cosmique le plus énergétique jamais détecté était une particule dont l’énergie était celle d’une balle de tennis lancée à 160 km/h !, ce qui fait une énergie plus de 100 millions de fois plus grande que le plus énergétique proton accéléré au LHC…

 

Heureusement pour nous quand-même, ce type de particules d’ultra haute énergie est très rare. On estime qu’il en arrive sur Terre que quelques-unes par kilomètre carré par siècle. Et lorsqu’elles interagissent dans l’atmosphère, elles produisent des milliards de particules secondaires qui se répartissent à la surface de la Terre sur des dizaines de kilomètres carrés. En détectant l’arrivée de ces myriades de particules secondaires et en en mesurant l’énergie et la direction, les physiciens parviennent ainsi à reconstruire la particule primaire initiale ainsi que sa direction d’incidence, permettant alors de déterminer sa provenance astrophysique potentielle (galaxies actives, résidu de SN ou autre).

 

Auger_cosmic_ray_shower.jpg

 

Bien sûr, nous sommes traversés en permanence les rayons cosmiques (primaires ou secondaires), et de même que la radioactivité naturelle des roches qui nous entourent, nous subissons très légèrement des ionisations de nos cellules, pouvant amener d’éventuelles lésions, qui font intervenir le hasard le plus total. Mais un point important qui doit être noté concerne les hommes qui se déplacent au-dessus de l’atmosphère, les astronautes.

 

Eux subissent des flux de rayons cosmiques très importants, à tel point qu’ils dépassent bien souvent tous les seuils acceptables en termes de dose de radiation lors de séjours prolongés. L’existence du rayonnement cosmique implique également ce type de forte contrainte dans le cas de voyages lointains, vers Mars par exemple. Si cette exploration humaine de Mars n’est toujours pas lancée alors qu’elle nous était promise depuis bientôt trente ans, il n’est pas impossible que l’impact dosimétrique des rayons cosmiques sur les organismes n’y soit pas pour rien…

 

Mais les rayons cosmiques ont aussi des effets bénéfiques, ou en tous cas utiles, puisque c’est les rayons cosmiques qui produisent le carbone 14 dans l’atmosphère par réactions nucléaires sur l’azote. Et ce carbone 14 se retrouve ensuite naturellement absorbé par les plantes puis dans tout organisme vivant. C’est grâce à cet isotope « naturel » du carbone que l’on parvient à dater très précisément tout objet à base de matière organique en comparant la quantité mesurée de Carbone-14 par rapport au Carbone-12. Cette technique a réellement révolutionné l’archéologie au 20ème siècle.

 

Après 100 années, la recherche sur les rayons cosmiques est une science mature mais elle peut encore réserver des surprises de taille. Les rayons cosmiques sont aujourd’hui étudiés à l’aide de satellites, de ballons, et au niveau du sol sur de très grandes surfaces dans les déserts africains et sud-américains. Le but est de plus en plus d’identifier les sources de ces particules ainsi que les conditions physiques qui leur ont donné naissance, qui se révèlent le plus souvent beaucoup plus exotiques que ce qu’on pouvait imaginer.

 

Eric

 

 

source :

A century of cosmic rays

Michael Friedlander

Nature 483,400–401 (22 March 2012)

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Bonjour Éric,

 

J'ai eu l'occasion de visiter le laboratoire Pierre Auger dans la région de Malargüe en Argentine. Il s'agit d'un ensemble de 1600 détecteurs cherenkov répartis sur 3000 km2 qui servent à détecter les rayons cosmiques d'énergies ultimes (~10^20 eV). C'est vraiment très impressionnant de voir toutes ces cuves déployées à perte de vue et qui sont souvent placées dans des endroits très difficile d'accès. On ne peut d'ailleurs y aller qu'en 4X4.

 

P1040285.JPG

 

Chaque cuve est autonome et communique avec la salle de contrôle à Malargüe via un réseau hertzien.

 

En plus des cuves cherenkov, il y a 3 stations permettant de détecter la fluorescence atmosphérique provoquée par le passage des particules cosmiques. Il s'agit de grands miroirs focalisant la lumière sur une caméra constituée de photomultiplicateurs.

 

P1040292.JPG

P1040299.JPG

 

Ce fut un voyage passionnant, malheureusement, le temps couvert la nuit ne m'a permis d'apercevoir le centre galactique que pendant une brève éclaircie de quelques minutes. Juste assez pour me donner très envie de retourner dans l'hémisphère sud.

 

Dominique

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Bonjour,

 

Très intéressant !

 

La particule balle de tennis de super énergie est avant de rencontrer l'atmosphère un photon bien sûr ?

 

D'où ces balles de fusil quantiques peuvent-elle bien provenir ?

 

L'Observatoire Pierre Auger a montré que parmi les rayons cosmiques d'énergie ultimes détectés, il n'y a a priori ni photon, ni neutrinos. Il s'agit plutôt de protons et de noyaux lourds (fer notamment).

 

Quant à l'origine de ces particules ; en 2007 Auger avait publié un papier qui tendait à montrer une corrélation importante entre la direction des cosmiques et celle de galaxies à noyaux actifs. Depuis, la signification statistique de cette corrélation s'est affaiblie et les conclusions ne sont plus si claires.

 

On est là encore une fois dans un domaine très exploratoire de la physique et il faudra sans doute attendre une nouvelle génération d'expériences pour avoir une réponse claire : JEM EUSO par exemple.

 

Dominique

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Bonjour,

 

 

 

L'Observatoire Pierre Auger a montré que parmi les rayons cosmiques d'énergie ultimes détectés, il n'y a a priori ni photon, ni neutrinos. Il s'agit plutôt de protons et de noyaux lourds (fer notamment).

 

Quant à l'origine de ces particules ; en 2007 Auger avait publié un papier qui tendait à montrer une corrélation importante entre la direction des cosmiques et celle de galaxies à noyaux actifs. Depuis, la signification statistique de cette corrélation s'est affaiblie et les conclusions ne sont plus si claires.

 

On est là encore une fois dans un domaine très exploratoire de la physique et il faudra sans doute attendre une nouvelle génération d'expériences pour avoir une réponse claire : JEM EUSO par exemple.

 

Dominique

Merci ! Donc loupé pour les photons ultimes !

 

Sacrée vitesse d'arrivée donc pour ces balles de fusil/tennis sous forme de protons ou noyaux terminaux de fusion (Fe)... Quel pourcentage de c ?

 

Je suppose que l'analogie de la balle de tennis (180Km/h) s'appliquait au plus gros, cad le noyau de fer ?

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Sacrée vitesse d'arrivée donc pour ces balles de fusil/tennis sous forme de protons ou noyaux terminaux de fusion (Fe)... Quel pourcentage de c ? Je suppose que l'analogie de la balle de tennis (180Km/h) s'appliquait au plus gros, cad le noyau de fer ?

 

Pour fournir un ordre de grandeur, le rayon cosmique le plus énergétique jamais détecté était une particule dont l’énergie était celle d’une balle de tennis lancée à 160 km/h !, ce qui fait une énergie plus de 100 millions de fois plus grande que le plus énergétique proton accéléré au LHC…

 

J'ai pas la réponse à la première question mais puisqu'on parlait d'analogie, au LHC on prévoit d’accélérer des protons pour qu'ils atteignent l'énergie faramineuse de 7 Tev soit 7 fois l'énergie nécessaire pour qu'un moustique puisse se maintenir en vol !

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Grâce à Gougueule et à l'indispensable site Internet www.balle-tennis.fr :D j'apprends que le poids d'une de ces dernières est voisin de 0,0575Kg.

 

1) Qui me calcule l'énergie cinétique en Joules puis en eV de la baballe qui vole à 160Km/h ?

 

2) Qui peut en déduire la vitesse d'un noyau de fer de même énergie cinétique ? (Il faudra peut-être faire appel à la RR ?).

 

Merci ! Je suis un peu trop rouillé :rolleyes:

 

:be:

Modifié par iksarfighter
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Bon j'ai compris...

 

Pour 1) je devrais m'en sortir avec E = 1/2 mv²

 

Calcul approximatif :

 

E = 1/2 x 0,0575 x 1975,31... = 56,79 Joules = 3.5445533285997E+14 MeV

 

E = 3.5445533285997E+8 TeV (Ou 354 455 332.85997 TeV ou moustiques :D )

 

 

 

Pour 2) J'ai l'équation relativiste :

 

6b7e96cc4990c824922d00405cce2ff7.png

 

Masse m d'un noyau de Fe = 4,517 x 10(-26) Kg

(source : http://www.asanque.net/physiquechimie/seconde/exercices/chimie/C05ex.pdf)

 

Bon ma calculette Windows XP décroche, désolé...

Modifié par iksarfighter
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Posté (modifié)
Bon j'ai compris...

 

Pour 1) je devrais m'en sortir avec E = 1/2 mv²

 

Calcul approximatif :

 

E = 1/2 x 0,0575 x 1975,31... = 56,79 Joules = 3.5445533285997E+14 MeV

 

E = 3.5445533285997E+8 TeV (Ou 354 455 332.85997 TeV ou moustiques :D )

 

 

 

Pour 2) J'ai l'équation relativiste :

 

6b7e96cc4990c824922d00405cce2ff7.png

 

Masse m d'un noyau de Fe = 4,517 x 10(-26) Kg

(source : http://www.asanque.net/physiquechimie/seconde/exercices/chimie/C05ex.pdf)

 

Bon ma calculette Windows XP décroche, désolé...

 

Il faut parler en ordres de grandeur là :be:, les chiffres derrière la virgule n'ont pas grand sens...

En tout cas c'est le bon ordre de grandeur, puisqu'il s'agit d'environ 100 EeV, sachant qu'un exaeV (EeV) vaut 10^18 eV, soit 10^6 TeV, ce qui nous mène donc à 10^8 TeV...

 

Beaucoup de moustiques effectivement :rolleyes: On pourait changer d'unité et passer à l'Hirondelle, peut-être :be::D

 

Merci Dominique pour les photos de la Pampa Argentine et Jean Claude pour l'exhumation du Phys. Rev. de 1933 !

Modifié par Dr Eric Simon
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  • 2 semaines plus tard...
Pour illustrer les propos de Dr Eric Simon.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

 

p><p><img src=[/img]

 

Source: Les rayons cosmiques, les mésons, Louis Leprince Ringuet, 1945.

Bonsoir ,

Discussion intéressante ! J'ai acheté ce livre trouvé par hasard dans une brocante le mois dernier il est super ! J'ai appris beaucoup de choses même si il est de 1945 ...

j'ai vu des montages avec un aquarium et de la neige carbonique sur internet pour fabriquer une chambre à brouillard !

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Et pour en savoir plus vous pouvez télécharger gratuitement sur le site du Laboratoire de l'accélerateur Linéaire (LAL) les articles contenus dans le n0 3 de la revue "élémentaire", consacré précisément à l'histoire de la découverte des rayons cosmiques et décrivant également les expériences AMS et Auger

http://elementaire.web.lal.in2p3.fr/documents/numero3/numero3.html

Même si ces articles datent de 2006, ils restent très intéressants.

Voir en particulier les articles ''apéritif'' et ''histoire'' ainsi que l'interview du Prix Nobel Jim Cronin, l'un des pères de l'observatoire Pierre Auger.

Modifié par jplees74
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  • 1 mois plus tard...

Au risque d'up un vieux sujet, j'en profite pour poser une question : Il y a 2 ans bientôt j'étais à Osaka (Japon) pour visiter le musée des sciences et j'avais eu l'occasion de voir une expérience tout à fait intéressante avec une sorte de petit aquarium en forme de tranche de cylindre (cercle de 1m de diamètre sur 20cm de profondeur) aménagé en "table" où nous pouvions "voir" ce qui pourrait bien être des rayons cosmiques (ou autre chose que je ne sais plus) se manifester sous forme de trainées de bulles très fines.

 

En lisant ce sujet cela m'a rappelé que j'aimerais bien me souvenir de ce dont il s'agissait ! des idées ? on peut reproduire l'expérience chez soi ?

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En effet, il s'agit très probablement d'une chambre à brouillard. On en avait une en exposition dans mon ancien labo, c'est assez fascinant à regarder. On voit bien les rayons cosmiques, mais on voit surtout les effets de la radioactivité des matériaux environnants. On reconnait par exemple les désintégrations alpha très ionisantes qui donnent des traces courtes et bien larges.

 

Dominique

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