Phosphorescence sous-marine ?

[Kef]

Bonjour tout le monde,

 

Je rentre tout juste d'une magnifique semaine passée sur la Côte d'Azur, à côté de St Raphaël, dans l'Estérel, pour ceux qui connaissent. Chaque jour, le choix cornélien que j'avais à affronter : vais-je d'abord à la piscine ou à la mer ? Ah ! nan mais mettez-vous à ma place... Ça plus les séances intensives de bronzage sur la plage qui vous rendent flemmard pour le reste de la journée, vous l'aurez compris, mes vacances ont été extrêmement éprouvantes .

 

Enfin, je suis pas là pour vous raconter mes vacances mais pour vous faire part d'un drôle de phénomène que j'ai observé un soir, alors que je me baladais le long de la mer. A la base, j'étais parti observer les étoiles avec mes jumelles, et pour ça je m'étais trouvé un petit coin isolé, une sorte de jetée bien en avant dans la mer où j'étais sûr de ne pas être embêté par la pollution lumineuse - qui est d'ailleurs très faible dans ce coin-là, surtout pour moi qui vit à Paris toute l'année... Bref, Véga, Déneb, Altaïr, la Voie Lactée même que j'arrive à détecter, tout le monde est là et je suis aux anges. Je promène mes yeux sur ce beau petit poudroiement, et à un moment mon regard redescend sur terre... ou plutôt sur mer. Je vois à 300 mètres devant moi comme des éclairs qui jaillissent de sous l'eau. Au début, je crois que c'est la lumière d'un phare quelconque, mais je m'aperçois que les éclats de lumière sont très sporadiques et que de toute façon le phare le plus proche est trop loin. Qu'est-ce que ça peut bien être alors ? Les éclairs se transforment ensuite en une lumière verdâtre et continue qui éclaire toute une zone d'environ 100 mètres sur 400. Parfois la lumière augmente très fortement, atteignant une magnitude vraiment impressionnante. Je reste assez estomaqué du spectacle que je vois, tout en me posant des questions sur la nature de la chose... Est-ce que c'est crée par des organismes ? J'avais lu quelque part que c'était généralement annonciateur de tempêtes, mais ce soir-là le temps était parfaitement calme, et il n'y a eu aucune tempête le lendemain...

 

Alors, s'il-vous-plaît, expliquez-moi ! J'attends vos lumières... sous-marines bien sûr.

Modifié 30 juin 2012 par Kef

[Benoît]

C'est un phénomène fréquent et assez connu. Il s'agit de plancton phosphorescent qui émet une lumière verte (parfois bleutée) lorsqu’agité par des courants ou par les hélices d'un navire.

 

Dans le film "Apollo 13" Jim Lovell (par la voix de Tom Hanks) en parle alors qu'il était perdu au dessus de la mer du japon et qu'il avait eu une panne électrique. Il avait retrouvé son porte-avion grâce à la trace créée par le plancton agité par les hélices du navire.

Modifié 30 juin 2012 par Benoît

[Kef]

Ah d'accord. Donc si je comprends bien, un groupe de planctons situé, par exemple, entre un courant chaud et un courant froid va émettre cette phosphorescence, qui est en quelque sorte le signe de son excitation ?

[alain Lagorce]

j'ai déjà vu ça en Corse : il y avait autant d'étoiles dans la mer que dans le ciel !

[Benoît]

Je ne sais pas pour la température des courants, mais s'il y a un mouvement brusque (comme par exemple le brassage provoqué par les hélices d'un navire ou celui de la vague qui se brise sur un rivage) ce plancton émet une lumière verte.

[martialdf]

quand tu plonges de nuit et que tu remues les bras dans l'eau par exemple, il y a une phosphorescence tout autour, c'est dû à des micro-organismes me semble t'il

 

ça me rappelle une histoire : un jour un avion militaire avait subi une panne électrique.

Il avait pu retrouver le porte-avion grâce à la phosphorescence tout autour.

je vais essayer de retrouver ce fait sur le net

[Kef]

Chose amusante, il y a quelques semaines je lisais les Travailleurs de la Mer de Hugo, immense chef-d'oeuvre de la littérature romantique s'il en est. A un moment donné du roman, il est justement question de cette phosphorescence. Le personnage, Gilliatt, part seul vers les Douvres, un vaste écueil situé au large de Guernesey, en pleine Manche, afin de récupérer la machine à vapeur encore intacte d'un navire qui s'est échoué quelques jours plus tôt. Il y passe près de deux mois. Une nuit il est réveillé par une lumière étrange qui vient de la mer. Voici comment Hugo décrit le phénomène.

 

 

« Au milieu de la nuit, brusquement, et comme par la détente d’un ressort, il se réveilla.

 

Il ouvrit les yeux.

 

Les Douvres au-dessus de sa tête étaient éclairées ainsi que par la réverbération d’une grande braise blanche. Il y avait sur toute la façade noire de l’écueil comme le reflet d’un feu.

 

D’où venait ce feu ?

 

De l’eau.

 

La mer était extraordinaire.

 

Il semblait que l’eau fût incendiée. Aussi loin que le regard pouvait s’étendre, dans l’écueil et hors de l’écueil, toute la mer flamboyait. Ce flamboiement n’était pas rouge ; il n’avait rien de la grande flamme vivante des cratères et des fournaises. Aucun pétillement, aucune ardeur, aucune pourpre, aucun bruit. Des traînées bleuâtres imitaient sur la vague des plis de suaire. Une large lueur blême frissonnait sur l’eau. Ce n’était pas l’incendie ; c’en était le spectre.

 

C’était quelque chose comme l’embrasement livide d’un dedans de sépulcre par une flamme de rêve.

 

Qu’on se figure des ténèbres allumées.

 

La nuit, la vaste nuit trouble et diffuse, semblait être le combustible de ce feu glacé. C’était on ne sait quelle clarté faite d’aveuglement. L’ombre entrait comme élément dans cette lumière fantôme.

Les marins de la Manche connaissent tous ces indescriptibles phosphorescences, pleines d’avertissements pour le navigateur. Elles ne sont nulle part plus surprenantes que dans le Grand V, près d’Isigny.

 

À cette lumière, les choses perdent leur réalité. Une pénétration spectrale les fait comme transparentes. Les roches ne sont plus que des linéaments. Les câbles des ancres paraissent des barres de fer chauffées à blanc.

 

Les filets des pêcheurs semblent sous l’eau du feu tricoté. Une moitié de l’aviron est d’ébène, l’autre moitié, sous la lame, est d’argent. En retombant de la rame dans le flot, les gouttes d’eau étoilent la mer.

 

Toute barque traîne derrière elle une comète. Les matelots mouillés et lumineux semblent des hommes qui brûlent. On plonge sa main dans le flot, on la retire gantée de flamme ; cette flamme est morte, on ne la sent point. Votre bras est un tison allumé. Vous voyez les formes qui sont dans la mer rouler sous les vagues à vau-le-feu. L’écume étincelle. Les poissons sont des langues de feu et des tronçons d’éclair serpentant dans une profondeur pâle.

 

Cette clarté avait passé à travers les paupières fermées de Gilliatt. C’est grâce à elle qu’il s’était réveillé.

 

(...)

 

La phosphorescence, que Gilliatt surveillait et sur laquelle il avait l’oeil fixé, le menaçait peut-être, mais en même temps le servait. Sans elle il eût été prisonnier du sommeil et dupe de la nuit. Elle l’avait réveillé, et elle l’éclairait.

Elle faisait dans l’écueil un jour louche. Mais cette clarté, si inquiétante qu’elle parût à Gilliatt, avait eu cela d’utile qu’elle lui avait rendu le danger visible et la manoeuvre possible. Désormais, quand Gilliatt voudrait mettre à la voile, la panse, emportant la machine, était libre.

 

(...)

 

La phosphorescence l’éclairait encore, mais décroissait. Il est vrai que le jour commençait à poindre. »

 

Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer (partie II, livre II, chapitre X, « Les avertissements de la mer »)

 

Ceci dit, Hugo, en adoptant le point de vue interne de son personnage, se borne à une description de surface. A aucun moment il n'engage d'explication scientifique.

[Benoît]

quand tu plonges de nuit et que tu remues les bras dans l'eau par exemple, il y a une phosphorescence tout autour, c'est dû à des micro-organismes me semble t'il

 

ça me rappelle une histoire : un jour un avion militaire avait subi une panne électrique.

Il avait pu retrouver le porte-avion grâce à la phosphorescence tout autour.

je vais essayer de retrouver ce fait sur le net

 

C'est ce dont je parlais à la deuxième intervention de ce fil.

[Benoît]

Chose amusante, il y a quelques semaines je lisais les Travailleurs de la Mer de Hugo, immense chef-d'oeuvre de la littérature romantique s'il en est. A un moment donné du roman, il est justement question de cette phosphorescence. Le personnage, Gilliatt, part seul vers les Douvres, un vaste écueil situé au large de Guernesey, en pleine Manche, afin de récupérer la machine à vapeur encore intacte d'un navire qui s'est échoué quelques jours plus tôt. Il y passe près de deux mois. Une nuit il est réveillé par une lumière étrange qui vient de la mer. Voici comment Hugo décrit le phénomène.

 

 

Ceci dit, Hugo, en adoptant le point de vue interne de son personnage, se borne à une description de surface. A aucun moment il n'engage d'explication scientifique.

 

"Les Travailleurs de la Mer" est un livre absolument magnifique.

[Kef]

C'est vrai Benoît, je crois d'ailleurs que c'est mon roman préféré de Hugo .

[jubu]

Salut:)

 

J'ai également vécu cette magnifique expérience en Thaïlande, lors d'une plongée nocturne, sans lune (essentiel pour la magie) et cela au pied des petites collines dans la mer, du coté de Railay.

 

Il faut quand même dire que c’est, au début, un peu flippant, sauter dans une eau noire comme de l'encre, au pied d'une colline (on pense au bébêtes des tropiques et au roches éventuelles....).

Une fois motivé, un coup de torche dans l'eau et hop, à la flotte. La consigne étant effectivement de remuer au maximum le PHYTOPLANCTON pour le stimuler et la, ça devient féérique, c'est une plongée astro, on pourrait s'imaginer volant au milieu des étoiles, ou bien ambiance style Abyss ;c'est vraiment la sensation que j'ai eu: INOUBLIABLE.

Le petit plus: les velus du torse, comme moi , on le plaisir de voir le phytoplancton s'y accrocher, c'est d'autant plus sympa, on ressort du bateau telle une p’tite luciole.

 

Bref, excellent souvenir jusqu'à l'intervention d'une méduse sur l'intérieur de mon bras.... douleurs assez difficiles à supporter pendant la nuit.... dommage j'aurai pu m'endormir sur une merveilleuse image

 

En tout cas, c'est à faire, pour ceux qui ont l'occaz!

 

C'io;)

[apricot]

Bonjour ! Pour info, il n'y a pas que des planctons qui soient bioluminescents Il y a plein de bestioles marines qui fluorescent : outre des planctons il y a des bactéries (vibrio...), des calmars, des méduses (comme Aequorea victoria, la fameuse GFP) et même des poissons (comme celui des grandes profondeurs avec sa lanterne). Les flash que tu as observés pouvaient être autre chose qu'un nuage de plancton

[C14]

Bonjour ! Pour info, il n'y a pas que des planctons qui soient bioluminescents Il y a plein de bestioles marines qui fluorescent : outre des planctons il y a des bactéries (vibrio...), des calmars, des méduses (comme Aequorea victoria, la fameuse GFP) et même des poissons (comme celui des grandes profondeurs avec sa lanterne). Les flash que tu as observés pouvaient être autre chose qu'un nuage de plancton

 

J'ai vu aussi ce phénomène en mer: dans une eau chaude pleine de ces planctons, tout ce qui est en mouvement allume cette lumière verte:

-un banc de poissons: on a l'impression que le bateau arrive sur des brisants!

-encore plus beau une nuit: des dauphins accompagnant le bateau, devenus des torpilles phosphorescentes!

Je vous souhaite de voir un jour un tel spectacle

Amicalement.

C14