Je m'aperçois que je n'avais jamais rien posté ici de ce projet que je poursuis depuis... trois ans!
Bardou est un constructeur français d'instruments optiques (longues-vues, jumelles, microscopes, lunettes....) Fondée en 1819, l'affaire a prospéré au cours du XIXeS, remportant de nombreux concours. L'un des instruments les plus connus réalisés par Bardou est la grande lunette de Juvisy utilisée par Flammarion pour observer Mars. C'est une entreprise mondialisée avant l'heure, puisqu'elle réalisait de nombreux tubes destinés à l'exportation (principalement aux Etats-Unis). Alors que les lunettes françaises affichent sur le porte-oculaire un fier "Bardou et fils", les modèles exportés sont anonymés pour être franchisés à leur arrivée à destination.
C'est un de ces modèles que j'ai acquis, il y a donc trois ans, dans un piteux état comme vous pouvez le constater:
Le tube est complètement oxydé. Quant à la pièce en bois que vous voyez... c'est le porte-oculaire! Sans doute adapté par un ancien propriétaire pour passer des oculaires d'un certain diamètre.
L'annonce disait qu'il n'y avait qu'une seule lentille, je ne m'attendais pas à grand chose, sauf qu'au démontage, ô surprise! Je tombe sur un doublet lui aussi en très mauvais état. C'est un doublé collé de 83mm de diamètre, qui a accumulé des dizaines d'années de poussière et de crasse diverses, et dont le baume du Canada s'est complètement dégradé. Opération sauvetage en vue.
Pour un tel instrument, un porte-oculaire digne de ce nom est nécessaire. Je déniche sur la baie un ancien objectif de lanterne magique qui devrait faire l'affaire.
J'enlève le socle, inutile. Les lentilles se démontent facilement (tout se visse et se dévisse). Celle au sommet est inutilisable; en revanche le bloc inséré à l'intérieur est composé d'un doublet de 50mm qui pourra être réutilisé pour en faire un chercheur. Une fois lavé, il est de qualité tout à fait acceptable et fournit des images correctes avec un vieil oculaire grand champ.
La crémaillère est bloquée, arghhhhhhhhhhh! Allez, on démonte, on passe un petit coup de brosse à dent, de la laine d'acier fine, un peu de WD40. On laisse agir une dizaine de minutes, on remonte. Ah bah voilà, c'est déjà mieux! La crémaillère a retrouvé toute la souplesse de sa jeunesse passée!
Tant qu'on y est, on va lui enlever ces vilaines taches pas belles: de nouveau de la laine d'acier, on frotte, on frotte... Et ça brille! On voit nettement la différence entre les endroits traités et ceux qui ont encore leur ancienne patine...
La peinture noire est décapée et remplacée par une autre plus moderne et plus uniforme.
Il faut désormais s'attaquer au tube et ce n'est rien de le dire... La crasse a beaucoup de mal à disparaitre. Il faut y aller énergiquement avec un mélange bicarbonate de soude, laine d'acier et huile de coude. Un soupçon de Blanc de Meudon (ça ne s'invente pas !) permet d'obtenir une belle teinte dorée, avec un toucher velouté. Toutes les traces et griffes n'ont pas disparu mais fournissent au tube le cachet ancien d'un instrument qui a vécu. Un vernis est ensuite appliqué pour le protéger. J'ai inséré dans le tube deux diaphragmes de 60 et 40mm de diamètre.
La monture azimutale du télescope est une partie délicate. D'abord, elle était totalement bloquée. Après essai de plusieurs lubrifiants, le seul qui ait donné des résultats satisfaisants, c'est une graisse au lithium. La pièce, ensuite, est toute en coins et recoins; difficile dans ces conditions de pouvoir la nettoyer efficacement. C'est la seule pièce qui présente quelques références mystérieuses ("5" et "52")
La recherche du bon pied a été longue. J'avais d'abord opté pour une lourde vis en bois mais qui faisait franchement trop massif (mon dos s'en souvient encore...). J'ai ensuite choisi un trépied plus classique de lunette des années 60 mais le poids du tube faisait vriller les pieds, sans empêcher un gros "dur"en azimut.
La solution est venue très récemment de Jorris, qui vendait le trépied d'une lunette ancienne qu'il avait acquise. Et là, révélation. C'est le bon pied! Le diamètre du plateau correspond exactement au diamètre de la base de la monture. Ni une, ni deux, j'astique au Blanc de Meudon les plaques de laiton de la monture, puis j'applique une laque de protection avant de lustrer le bois à la cire d'abeille.
J'adapte ensuite le porte-oculaire pour utiliser des oculaires modernes en standard 31,75 ou Lichtenknecker de 31mm. J'utilise pour cela diverses bagues en PVC, seule vraie concession au XXIeS, qui plus est parfaitement réversible, quand j'aurai la possibilité de faire tourner des bagues filetées en laiton. J'ai même la possibilité d'équiper un tube allonge...
Et voici le résultat esthétique final.
A suivre: la rénovation de l'objectif !