Je vous propose ce Keskifovoir que je mijotais depuis le mois d'août et que j'ai failli abandonner. J'espère qu'il n'est pas trop tard...
La galaxie d'Andromède, appelée aussi Messier trente-et-un ou, en abrégé, M31 - mais aussi NGC 224 ou même MCG +07-02-16 - mais là c'est pour ceux qui veulent frimer... heu, qu'est-ce que je disais ? Ah oui ! La galaxie d'Andromède est un des objets les plus faciles à observer : elle est brillante (même visible à l'oeil nu) et relativement facile à pointer. Pour ces deux raisons, c'est une vedette du ciel d'automne. Cependant... il faut avouer qu'à part voir une tache floue, c'est souvent assez décevant en visuel. Rien à voir avec l'image magnifique que nous montrent les plus belles photos à grand champ. N'y a-t-il pas autre chose à voir que cette grande tache floue ? Si, mais à condition de savoir quoi chercher exactement. D'où ce Keskifovoir qui, comme les précédents, est destiné à donner des motivations pour l'observation. Il ne s'agit pas seulement de regarder la grande tache floue d'Andromède, il s'agit de l'observer.
Rappel des anciens "Keskifovoir" :
- Saturne 2007 : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=17289
- Jupiter 2007 : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=21145
- La comète Holmes 2007 : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=25341
- Mars 2007 : http://www.webastro.net/forum/showthread.php?t=25969
Keskifovoir sur M31 ?
Ce Keskifovoir s'adresse de préférence à ceux qui disposent d'un site d'observation de bonne qualité. En cas de pollution lumineuse, l'essentiel des observations décrites ici ne sera probablement pas possible. Un diamètre conséquent est préférable - eh oui, nous sommes en train de parler de ciel profond. Dans toute la suite, je suppose que l'observateur a un minimum d'expérience : il sait pointer M31, il sait utiliser la vision décalée, il sait reconnaître une très faible tache floue ; il connaît aussi la notion de magnitude (elle est détaillée dans un article de la WApédia).
Je ne parle ici que de visuel, sauf mention contraire.
1/ M31 : une grande galaxie spirale.
M31 est une galaxie spirale de type SA(s)b dans la classification de De Vaucouleurs : il n'y a pas de barre (SA), les bras spiraux démarrent au noyau (s) et les bras sont moyennement développés. (La classification de Hubble, moins complète, est : Sb.) Sa magnitude globale est de V=3,4. Elle mesure 191x62' (il s'agit des dimensions de la portion de M31 qui est plus brillante que la magnitude surfacique 25 par seconde d'arc carrée - c'est toujours ainsi que les catalogues professionnels délimitent les galaxies). Ses raies spectrales présentent un décalage vers le bleu qui est interprété comme un effet Doppler-Fizeau (et non cosmologique) dû à une vitesse radiale de -121 km/s par rapport au centre galactique : elle s'approche de nous (ce qui ne signifie pas qu'elle se dirige vers nous, mais nous ne connaissons pas sa vitesse tangentielle).
M31 est la principale galaxie du Groupe Local. Sa magnitude absolue est estimée à environ -21,1 (d'après le Sky Catalogue, vol. 2, qui la sous-estime peut-être un peu car il indique une distance plus petite que l'estimation actuelle), contre -20,5 pour notre Galaxie. Elle est située à environ 800 kpc (voir NASA Extragalactic Database, http://nedwww.ipac.caltech.edu/ , à la rubrique "Distances"). En fait, le Groupe Local est essentiellement formé de deux grandes spirales, M31 et notre Galaxie, chacune entourée de son cortège de galaxies-satellites, plus quelques galaxies naines. La galaxie du Triangle M33 n'est pas considérée comme satellite de M31, mais fait partie de la région dominée par cette dernière. D'ailleurs M33 est à peine plus lumineuse que le Grand Nuage de Magellan et nettement moins que les deux grandes spirales du Groupe Local.
Revenons à M31. Comme toutes les spirales, elle est composée d'un noyau, d'un bulbe, d'un disque et d'un halo. Le noyau est très bien visible au télescope, comme une sorte de grosse étoile floue plutôt brillante. Il est entouré d'un bulbe formé de vieilles étoiles évoluées. Le bulbe est la région la plus facile à observer au télescope. En ville et dans un petit diamètre, on ne voit que lui. Le disque s'étend de part et d'autre du bulbe sur une distance d'autant plus grande que le ciel est transparent (le diamètre du télescope n'a pas grande importance). Il est nettement plus faible. C'est lui qui contient les bras spiraux de M31, formés d'étoiles jeunes et lumineuses, d'amas d'étoiles, de nébuleuses, etc. Tout cela apparaît très bien sur les photos, mais pas vraiment en visuel. Quoique... Enfin, le disque de la galaxie est contenu dans un immense halo sphérique invisible, qui contient quelques très vieilles étoiles isolées ainsi que plusieurs centaines d'amas globulaires (environ 500). Et bien sûr, pas mal de matière sombre dont nous ignorons encore la nature...
Que faut-il chercher à observer dans M31 ? Voici quelques idées :
Les galaxies satellites :
Identifier M32 et M110 (voir plus loin). Que peut-on dire de leur noyau ?
Les limites de M31 :
Essayer, en utilisant la vision décalée, de noter l'extension maximale de la galaxie. Jusqu'où la voyez-vous ? Parfois, les jumelles sont le meilleur instrument pour cela.
Les bandes sombres qui bordent le disque au nord :
Ces bandes délimitent les bras spiraux. La bande la plus proche du bulbe est aussi la plus contrastée. Elle est visible par effet de contraste avec la pâle lumière du disque. La transparence du ciel est cruciale pour l'observation. Sous un ciel de ville, aucune chance de percevoir cette bande sombre. Sous un ciel transparent en rase campagne, isolé de toute ville, non seulement la bande sombre est facile et très longue, mais elle est accompagnée d'une deuxième bande parallèle, côté extérieur. Et sous un très bon ciel, il y en a même une troisième, encore plus loin. Notez la forme de ces bandes sombres : leur finesse, leur longueur, leur courbure...
NGC 206 :
NGC 206 est un nuage stellaire similaire par exemple au nuage de l'Écu (ce n'est pas un amas ouvert ni une nébuleuse). Il est visible au sud-ouest du noyau, plus loin que M32 (voir carte plus loin). Dans un télescope de 200 mm sous un ciel de plaine "normal", c'est la seule nébulosité visible dans le disque de M31. Un plus grand diamètre permet de le distinguer plus facilement. À partir de quel diamètre le voyez-vous ? Quelle est sa forme ? Est-il uniformément brillant ?
Les bras de M31 :
Peut-on détecter les bras de M31 ? Je n'en ai vu partiellement qu'un seul au 300 mm et même au 495 mm : en regardant bien, le bras sud est visible comme un large crochet très peu contrasté (plus facile au 495 mm). Je vous laisse essayer...
Voici un schéma qui illustre ces observations :
a - noyau de M31.
b - bulbe de M31 ; c'est la seule partie de M31 visible depuis un ciel urbain.
c - partie brillante du disque de M31 ; c'est la seule visible depuis un ciel péri-urbain.
d - extension du disque de M31 vue sous un ciel de plaine (en gros - ce n'est pas symétrique sur le schéma parce qu'il est mal fait...)
e - extension très faible du disque de M31, qui rejoint et parfois dépasse M32 (je l'ai vue au 300 mm sous un ciel pur en Lozère uniquement).
f - NGC 206.
g - "crochet" peu contrasté dans la nébulosité, il s'agit en fait d'un des bras.
h - la plus contrastée des bandes sombres.
i - la deuxième bande sombre, plus difficile, réclame un bon ciel de plaine.
j - la troisième bande sombre, réclame un ciel excellent (je ne l'ai vue qu'en Lozère).
2/ Les satellites de M31.
La galaxie d'Andromède contient, comme notre Galaxie, plusieurs galaxies satellites. Cependant, les siens sont peu remarquables. Ainsi, si l'on classe les galaxies du Groupe Local par luminosité, les deux principaux satellites de notre Galaxie (les deux Nuages de Magellan) sont les numéros 4 et 6, tandis que les deux principaux satellites de M31 (M32 et M110) sont classés 7 et 8.
M32 est une naine elliptique de type cE2, de magnitude V=8,1 et de dimensions 8,7x6,5'. Elle a été découverte par G. Le Gentil en 1749. Son décalage vers le bleu est plus faible que celui de M31, ce qui prouve que M32 se déplace par rapport à la galaxie d'Andromède dans la direction opposée à nous. Si elle tourne autour de lui, elle va donc passer derrière. Cependant, M32 s'approche de nous, mais cela est dû au mouvement d'ensemble de M31 qui l'emporte sur son mouvement orbital (du moins en ce qui concerne la vitesse radiale). M32 possède une particularité remarquable : elle a perdu ses étoiles périphériques par suite de l'intense attraction gravitationnelle qu'elle subit à proximité de la grande spirale. Il s'agit donc d'une elliptique compacte (d'où le 'c' dans sa classification).
M110 est parfois nommée NGC 205. C'est parce que la dernière édition du catalogue de Messier s'arrêtait à 103 objets. En fait, Charles Messier avait observé NGC 205, mais il est mort avant d'avoir publié une quatrième édition. Durant le vingtième siècle, on a ajouté à son catalogue les objets qu'il avait observé après la troisième édition, mais cela ne s'est pas fait d'un seul coup, et NGC 205 est le dernier objet ajouté. Aussi, les anciens livres ne tiennent pas compte de la désignation M110, et parfois aussi des livres plus récents qui s'y réfèrent. Le Burnham's Celestial Handbook, qui date de 1966 (1978 pour sa plus récente édition), la nomme NGC 205 mais précise bien que Messier l'a découverte en 1773. M110 est une elliptique naine de type E5p, elle mesure 21,9x11,0' et brille à la magnitude V=8,1. Le p indique qu'elle est particulière. Quelle est sa particularité ? Je ne sais pas. Peut-être le fait qu'elle contient un petit nuage de poussière interstellaire associé à des étoiles jeunes, ce qui est inhabituel dans une elliptique (où la formation d'étoiles s'est normalement arrêtée). Comme M32, elle s'approche légèrement de nous, mais moins vite que M31, ce qui indique là aussi que dans son mouvement par rapport à M31, elle se déplace dans le sens opposé.
Au télescope, M32 paraît toujours bien plus petite que les dimensions données ci-dessus. D'ailleurs, dans un petit instrument et à faible grossissement, il est facile de la confondre avec une étoile si on manque d'expérience (ou si on a une optique médiocre qui empâte les étoiles). M110 a la même magnitude que M32 mais elle est nettement plus étendue, de sorte que sa brillance de surface est plus faible, c'est en fait une galaxie sensiblement plus difficile que M32. Dans un petit diamètre, si le ciel laisse à désirer elle peut rester invisible.
Et les autres satellites de M31 ? Les plus faibles s'appelent Andromeda I, Andromeda II, Andromeda III, etc. : il s'agit de galaxies naines découvertes lors des dernières décennies et qui sont sans doute hors de portée de nos instruments, sauf peut-être en CCD ? Néanmoins, deux autres satellites plus lointains - mais ce sont bien des satellites de M31 - sont visibles dans un télescope d'amateur. Regardez cette carte :
On y voit la région nord-est de la constellation d'Andromède (magnitude limite 9). Les méridiens sont représentés tous les 30m d'ascension droite, et les parallèles tous les 5° de déclinaison. Le champ d'un chercheur courant fait environ 5°, ce qui correspond en gros à un carreau. On y voit quelques-uns des classiques de la constellation : l'amas ouvert NGC 752, dédié aux petits diamètres ; la galaxie NGC 891, si dépendante de la transparence du ciel ; la nébuleuse planétaire M76, facile à repérer à partir de 51 And puis Phi Per ; bien sûr M31 et ses deux satellites ; mais aussi trois petites galaxies au sud de Cassiopée : NGC 147, NGC 185 et NGC 278. Les deux premières sont des satellites éloignés de M31. Ce sont également des objets difficiles, car de faible brillance de surface. (La troisième est une galaxie bien plus lointaine et pas très difficile.)
La plus facile des deux est NGC 185, une elliptique (E3p) de magnitude 9,2 et de dimensions 11,7x10,0'. Magnitude 9,2 : c'est mieux que pas mal de galaxies Messier ! Oui mais cette galaxie est très étendue, et présente donc une faible brillance de surface. NGC 147 est une elliptique (E5p) de magnitude 9,5 et de dimensions 13,2x7,8'. W. Herschel a découvert la première (en 1787) mais n'a pas vu la seconde, c'est mauvais signe... C'est son fils John qui l'a découverte en 1829. POur donner une idée, voici les brillances de surface en magnitude par minute d'arc carrée des galaxies décrites ici :
- M32 : 12,7.
- M31 : 13,6.
- M110 : 13,9.
- NGC 185 : 14,7.
- NGC 147 : 14,7.
Ah, finalement elles ont la même brillance de surface... Si NGC 185 est incontestablement moins difficile, c'est peut-être parce qu'elle est globalement plus brillante (magnitude totale) et aussi qu'elle possède une portion centrale plus lumineuse ? En tout cas, une magnitude surfacique de 14,7 est particulièrement faible (M33 est à 14,2 est c'est déjà une galaxie faible !)
Je vous les propose à titre de challenge. Je les ai vues (faiblement) dans un 210 mm sous un bon ciel de plaine. Même au 300 mm elles restent faibles. Je soupçonne que la qualité du ciel est au moins aussi importante que le diamètre. Essayez de noter leur forme, leur allongement, la différence d'éclat entre elles, etc.
3/ Novae, supernovae et céphéides.
M31 est une grande spirale contenant tous les objets que l'on rencontre dans notre Galaxie : nébuleuses planétaires, amas ouverts, globulaires, etc. Elle contient bien sûr des milliards d'étoiles. Ses étoiles sont trop faibles pour nos télescopes, sauf peut-être à très grand diamètre (voir plus loin). Il y a des exceptions.
Tout d'abord, si une supernova explosait dans M31, elle atteindrait la magnitude 6 environ et deviendrait presque visible à l'oeil nu. Eh bien c'est déjà arrivé ! En 1885, on a découvert une étoile de magnitude 6 tout contre le noyau. Le premier à l'avoir vue fut le professeur L. Gully, le 17 août, à Rouen. Hélas, il était en train de tester un nouveau télescope et crut à un problème optique ! La découverte officielle est donc créditée à l'américain E. Hartwig, datée du 20 août. L'étoile nouvelle fut nommée S Andromedae. Cet objet a fait couler beaucoup d'encre car, à cette époque, on ne connaissait pas le phénomène de supernova. On ne savait même pas si M31 était un objet extra-galactique ou non. Justement, l'existence de S And semblait prouver que M31 n'était pas un objet extra-galactique, sinon comment expliquer son énorme luminosité ? Si c'était une simple nébuleuse galactique, la luminosité de S And ne poserait plus de problème.
Depuis 1885, aucune supernova n'a été trouvée dans M31. Pourtant, une grande spirale de ce type devrait en héberger régulièrement. Peut-être est-ce pour demain ? Malheureusement M31 ne se présente pas de face et une bonne partie de la galaxie reste considérablement obscurcie par la matière interstellaire. Quoiqu'il en soit, si vous trouvez une étoile de trop dans la galaxie, ne l'attribuez pas hâtivement à un défaut d'optique !
Outre une supernova, on a observé également de nombreuses novae. Bien sûr, elles sont beaucoup plus faibles : elles dépassent rarement la magnitude 15. Burnham précise qu'il doit en exploser 30 par an (dont une petite partie seulement sont visibles). La recherche de novae dans M31 est facile à entreprendre en imagerie : il suffit de fabriquer une image de référence, puis de photographier régulièrement la galaxie et d'utiliser la fonction "blink comparateur" du logiciel d'analyse d'images. Mais est-ce intéressant ? Je me souviens d'une discussion, il y a une dizaine d'années, sur la liste Aude-l (liste de diffusion de l'association AUDE, qui regroupait des utilisateurs de caméras CCD) où l'on avait parlé de la détection de novae dans M31. Si je me souviens bien, selon les professionnels de la liste cela n'avait aucun intérêt sauf exception. On pourra lire à ce sujet cette page : http://cfa-www.harvard.edu/iau/CBAT_M31.html .
J'ai indiqué dans le titre de ce paragraphe les céphéides. Tout le monde connaît l'histoire : E. Hubble découvre des céphéides dans M31, mesure leur période et, en utilisant la relation période-luminosité, en déduit leur distance. Stupeur (en fait non, j'exagère) : elle est énorme ! Cela prouve que M31 est un objet extra-galactique. Et donc que probablement la plupart des « nébuleuses spirales » sont d'autres galaxies. Or le ciel en contient des millions, des milliards... La découverte de la distance des céphéides de M31 est à l'origine de l'une des plus grandes découvertes scientifiques de l'humanité, et c'est pour ça qu'il me paraît important d'en parler ici, bien que peu d'amateurs puissent les détecter. Mais c'est possible !
Les céphéides de Hubble ont des magnitudes qui oscillent autour de 20. Au maximum, elles peuvent culminer à 19. C'est tout à fait à la portée d'une caméra CCD refroidie et d'un télescope de 200 mm. Le principal problème risque d'être la résolution : pourra-t-on séparer les étoiles de M31 ? Je me suis longtemps posé la question, je sais maintenant que la réponse est oui, car je me suis déjà amusé à décortiquer de bonnes images CCD trouvées sur Internet, et j'en ai vues. Pour ceux qui seraient tentés par la manipe, voici ce qu'il convient de faire :
- Poser longtemps sur le champ situé immédiatement au sud de NGC 206 (voir Burnham's Celestial Handbook, pages 136 et 138).
- Une fois l'image obtenue, identifier les céphéides en s'aidant des photos du livre.
- Recommencer toutes les semaines (les plus brillantes céphéides ont des périodes longues - c'est normal, c'est même ça, la relation période-luminosité - souvent de plus d'un mois).
- Dépouillement : lorsque suffisamment d'images auront permis d'obtenir les magnitudes et la période des céphéides, il suffira d'utiliser la relation période-luminosité (voir par exemple Astronomie, méthodes et calculs, A. Acker, Masson) pour en déduire leur distance (et vérifier que Hubble ne s'est pas trompé ! ).
Voici un extrait de la page 136 :
4/ Les amas globulaires de M31.
Nous avons observé des galaxies et des étoiles, ainsi qu'un nuage stellaire. Quels sont les autres objets de M31 visibles dans du matériel d'amateur ? Les nébuleuses diffuses sont trop petites, trop faibles, les nébuleuses planétaires encore plus. De même pour les amas ouverts. Seuls les amas globulaires sont à la portée de nos télescopes. Et c'est même plus facile qu'on le croit ! Enfin... surtout pour l'un de ces amas.
Chez nous, il y a Omega Centauri, le plus gros amas globulaire (en taille réelle, pas seulement apparente) de la Galaxie. D'ailleurs il se pourrait même qu'il s'agisse d'un objet extra-galactique. Eh bien M31 possède aussi son monstre, il s'appelle Mayall II, ou encore AG 000-001 (dans le catalogue complet des amas globulaires de M31). Cet amas a été découvert seulement en 1953 par U. Mayall et O. Eggen sur une plaque du télescope de Schmidt de Palomar. Voici une carte des environs de M31 qui montre la position de cet amas (magnitude limite 11,5) :
(Remarque : toutes les cartes qui suivent ont le nord en haut. Elles ont été réalisées avec le logiciel Guide.) Mayall II est indiqué sous sa dénomination AG 000-001. Vous l'avez trouvé ? Il est tout en bas à droite, loin du disque de M31. N'oublions pas que ce disque est contenu dans un halo plus vaste : M31 s'étend en réalité plus loin que sur les photos. Sur la carte, les méridiens sont dessinés tous les 5m, et les parallèles tous les degrés. Un carreau fait en gros 1° de côté (c'est vrai en déclinaison mais pas tout à fait en ascension droite). Ça donne une idée de l'échelle.
Au passage : les étoiles notées en vert sont des étoiles doubles. Pour varier les plaisirs, voici une liste des couples pas trop difficiles :
- STF 41 : étoiles de magnitude 8,6 et 11,2 séparées de 16".
- STF 44 : 9,2 et 9,9 séparées de 12" (l'écart augmente).
- A 1507 : 9,3 et 13,3 séparées de 19".
- HO 492 : 9,1 et 11,7 séparées de 2,9".
- ES 1488 : 9,1 et 9,8 séparées de 6,9".
- STF 72 : 8,4 et 9,3 séparées de 24".
(Les autres couples sont soit trop faibles, soit trop serrés.)
Revenons à Mayall II. Sa magnitude est de 13,8. S'il ne montre pas son diamètre, il apparaîtra comme une étoile de magnitude 13,8 donc devrait être accessible à un télescope de 200 mm. Je ne l'ai jamais cherché à ce diamètre, mais je l'ai vu au 300 mm et l'observation est facile. Il est sûrement possible de l'observer depuis un site souffrant de pollution lumineuse, mais avec un plus grand diamètre, du fait de son apparence quasi stellaire. Pour le repérer, voici comment je chemine :
- Je détecte d'abord les deux étoiles notées A et B. Facile : elles sont dans le prolongement de la galaxie. Je détecte aussi l'étoile C.
- Je pointe à mi-chemin entre B et C. Un grossissement moyen doit me montrer le triangle (presque) équilatéral a-b-c. Facile de le reconnaître, l'étoile b étant une sorte de triple (optique, bien sûr) : b-b'-b" - voir carte suivante.
- Il reste à prolonger [ac] de la même longueur en tournant un petit peu. Ayant déjà dessiné le champ, je le reconnais.
Voici la carte détaillée :
(Méridiens tous les 1m et parallèles tous les 0°10', magnitude limite 15,0.) Comparez la région de Mayall II avec ce dessin effectuée avec un Orion Optics 300/1200 à x240 :
Mayall II forme un triangle isocèle avec une étoile de magnitue 12,2 et un couple optique de magnitudes 13,2+13,3. En outre, il est entouré de deux étoiles plus faibles qui dessinent des sortes d'oreilles de Mickey. Attention : un assez fort grossissement est nécessaire pour le séparer des "oreilles de Mickey".
Une remarque : Mayall II n'est pas le seul amas globulaire extra-galactique visible dans un télescope d'amateur. Plusieurs amas des Nuages de Magellan sont plus faciles. Le plus brillant d'entre eux, NGC 1835 (dans la Dorade), atteint la magnitude 9,8 (et il mesure 1,2' de diamètre). Un cas surprenant : les amas globulaires de la galaxie naine Fornax (ESO 356-4) sont bien plus faciles que celle-ci ! Selon le Night Sky Observer's Guide la galaxie est invisible en visuel (sa brillance de surface est très, très, très faible). Par contre, cinq amas globulaires sont à la portée de grands diamètres (au moins 300 mm), dont NGC 1049 (magnitude 12,9).
Oui mais pour le ciel de nos latitudes ? Eh bien il existe un autre amas globulaire extra-galactique, le plus facile d'entre eux en fait. En effet, M54 (Sagittaire) n'appartient pas à notre Galaxie mais à la naine elliptique du Sagittaire (nommée SgrDEG, DEG pour "dwarf elliptical galaxy" - à ne pas confondre avec la naine irrégulière du Sagittaire, SgrDIG), une minuscule galaxie découverte en 1994 et distante de seulement 25 kpc, donc plus proche de nous que les Nuages de Magellan (et encore plus faible, énormément plus faible, que la naine Fornax). M54 est de magnitude 7,7 : c'est le plus brillant des amas extra-galactiques. N'empêche, il est situé dans le ciel austral (déclinaison négative). Mayall II reste le plus brillant de ceux situés dans le ciel boréal (déclinaison positive).
5/ M31 dans un grand diamètre.
D'autres amas globulaires sont visibles dans et autour de M31. Plusieurs dizaines atteignent une magnitude de 14 ou 15. On pourra consulter à ce sujet le site Globular Clusters in the Andromeda Galaxy : http://www.astronomy-mall.com/Adventures.In.Deep.Space/gcm31.htm . La revue Ciel Extrême a publié un article complet sur l'observation des amas globulaires de M31 dans le numéro 36 (C. Bazin, X. Camer, B. Laville et L. Reynaud), ainsi qu'une suite dans le numéro 38 par B. Laville. En outre, Mayall II a fait l'objet d'un dossier spécial dans le numéro 35.
Voici une carte de repérage de l'amas globulaire AG 338-076, alias G76, le deuxième amas le plus brillant (magnitude 14,3) :
(Mêmes échelle et magnitude limite que la carte de Mayall II.) Et un dessin réalisé avec le même matériel que celui de Mayall II :
La carte de Mayall II montrait un autre amas globulaire, catalogué AG 000-002. Celui-là est nettement plus faible puisqu'il ne fait que la magnitude 15,8. Mais comme il est stellaire, il est visible au télescope de 495 mm (qui dépasse légèrement la magnitude stellaire 16 en temps normal). En voici un dessin :
Les flèches indiquent l'amas. Le dessin montre également la petite galaxie UGC 330, de magnitude B=15,0. Elle était faible mais évidente, allongée. J'aime beaucoup ce dessin parce qu'il présente trois échelles de distance différentes : des étoiles de notre Galaxie, un amas globulaire de M31, et une galaxie d'arrière-plan (UGC 330). Il faut savoir qu'il existe plusieurs galaxies d'arrière-plan tout autour de M31, toutes plus faibles que la magnitude 14. Leurs décalages vers le rouge indiquent des distances de l'ordre d'une centaine de mégaparsecs : elles sont plus de 100 fois plus éloignées de nous que la galaxie d'Andromède.
Qu'apporte de plus un grand diamètre sur M31 ? Voit-on mieux les bandes sombres ? Peut-être. Mais ce qui m'a frappé dans M31 vue au télescope de 495 mm pour la première fois, c'est sa texture parfaitement uniforme, comme laiteuse. C'est très beau, même si on ne voit pas d'autre détail. La galaxie ne tient pas dans le champ, mais ne montre rien de plus. C'est que, à pupille de sortie égale, la clarté est la même quel que soit le diamètre du télescope, aussi M31 ne paraît pas plus brillante (on reçoit plus de lumière, mais on grossit plus). Ce qui apparaît en plus dans un télescope de très grand diamètre, ce sont les étoiles de la galaxies, du moins ses étoiles les plus lumineuses. Ses supergéantes - les Canopus, Deneb ou Rigel du coin - atteignent la magnitude 16/17. Pour les détecter, il faut atteindre cette magnitude, ce qui est possible avec un 600 mm, mais aussi jouir d'un ciel stable, presque sans turbulence. Sous ces conditions, j'ai vu dans un télescope de 600 mm quelques-unes des étoiles de NGC 206 ! Il paraît que leur nombre augmente dès que la turbulence disparaît. Lors des nuits parfaites, M31 peut alors se résoudre partiellement en étoiles à l'oculaire. Partiellement : juste quelques supergéantes réparties dans des endroits précis des bras de la galaxie.
Comme quoi, notre tache floue avait effectivement pas mal de choses à montrer !