Date : jeudi 27 septembre, un peu le vendredi aussi, passé minuit.
Lieu : Paris intra-muros, XVè arrondissement non loin du XIVè, balcon orienté ouest-nord-ouest.
Instrument : Celestron CPC 9.25, à lui seul mérite que l'on raconte son histoire mouvementée, ce sera l'objet d'un autre sujet.
Pour ceux qui ne s'en rendraient pas compte, il s'agit d'une expérience de l'extrême, à savoir, l'observation du ciel au cœur d'un véritable enfer de pollution lumineuse. Désolé, je n'ai pas encore de SQM à même de satisfaire une légitime curiosité : quel niveau d'horreur atteint-on en cette "ville lumière", ville de l'amour à condition que ce dernier ne soit pas orienté vers la voûte céleste ? Les aficionados du site meteo-paris ont de temps en temps l'occasion d'apprécier le panorama depuis mon balcon, avec vue sur une célèbre "Dame de fer" dûment mise en exergue par l'agence immobilière qui me fit choisir ce lieu quand je dus en changer il y a trois ans. Heureusement, je suis assez haut, je donne sur un jardin, fermé par un immeuble semblable au mien, à une cinquantaine de mètres, et les autres immeubles fermant le jardin masquent tous les lampadaires des rues voisines (mais pas complètement le bruit : pompiers, police, ambulances à toute heure du jour et de la nuit, je plains ceux qui ont un appartement donnant sur la rue !).
Mise en station : mon choix s'est porté, un peu par hasard, sur le mode "sky align", et, ma foi, ça fonctionne plutôt bien. Il faut pointer trois étoiles, pas trop proches les unes des autres ; à vrai dire, je n'ai pas beaucoup de choix (on doit en voir moins d'une douzaine en tout), Arcturus, Alkaïd (queue de la Grande Ourse) et Dubhe (autre extrémité de la Grande Ourse, c'est à dire de la Casserole céleste). On pointe chacune à la raquette, d'abord au chercheur (réglé de jour sur la Tour ; tiens, on pourrait reconnaître les gens malgré les presque trois kilomètres de distance !), puis plus précisément au télescope, muni pour cela d'un Meade MA 12 mm réticulé. Ceux qui qualifient le son de la motorisation de "bruit de moulin à café" sont manifestement de vrais amateurs de café authentique, du moins quand il s'agit d'une vitesse élevée. Pour les mouvements lents, c'est pour ainsi dire inaudible. L'ordinateur ne se trompe pas pour reconnaître les trois étoiles, et j'aurai l'occasion de vérifier que le suivi est correct. La collimation, effectuée au début de l'été, a tenu bon.
C'est parti pour les choses sérieuses, et ce soir, on est assuré de ne pas s'en mettre plein les mirettes, on va juste essayer de savoir à quoi ressemblent des objets connus, vus dans toute leur splendeur dans le ciel d'encre de la Province profonde, sous la brumasse illuminée par quelques millions de réverbères pour beaucoup mal réglés. Ah oui, j'ai déjà vu mieux comme transparence, j'aurais pu d'ailleurs en profiter l'avant-veille, mais quand on se lève tôt le lendemain, il faut se résigner... Je chausse le Nagler type 2 12 mm (rapporté ici depuis qu'un Nikon l'a détrôné pour le ciel provincial), ce qui me donne donc un grossissement de 200 x environ, et un champ de 25' .
Je ne citerai pas les observations par ordre chronologique, plutôt par type d'objet observé.
Commençons par des étoiles doubles, la cible la moins susceptible de pâtir des lueurs parasites :
M40 : pour la curiosité, parce qu'on en parlait dans un autre sujet. Facile, deux étoiles quasi-identiques, assez peu brillantes mais dans un coin isolé, largement écartées.
Epsilon de la Lyre : les deux doubles sont bien visibles dans le même champ, avec leurs axes perpendiculaires entre eux. J'ai dû attendre assez tard (plus de minuit) pour que ce ne soit plus caché par le balcon de l'étage au dessus.
Albireo : pour le plaisir des yeux, avec ce diamètre, c'est brillant et coloré.
Epsilon du Bouvier : un bon test à cause de la différence importante de luminosités, assez facile malgré tout. La secondaire reste visible en permanence. Pourtant, il reste des réglages à faire sur cette optique (vous en saurez plus quand je raconterai ses aventures) !
Du vrai ciel profond, maintenant :
M57 : ce n'est pas loin du premier epsilon précédent, donc une cible à tenter. Eh bien, à condition d'avoir la vue bien adaptée à l'obscurité (toute relative), elle ressort plutôt bien ! L'anneau est évident, il montre quelques détails, en vision décalée toutefois.
M56 : on pourrait s'attendre à ce qu'un globulaire soit relativement plus facile, il n'en est rien, c'est une vague lueur qui paraît fugitivement granuleuse quand on insiste, à moins que ce soit "l'œil de la foi"...
M27 : une autre planétaire brillante, eh bien non, j'ai eu un mal fou à distinguer une légère surbrillance. Je n'ai pas essayé avec un filtre, ce sera pour une autre fois.
NGC6543 : une petite planétaire (surnommée "l'œil de chat" pour ceux qui ne connaîtraient pas). Elle est évidente, brillante, légèrement bleutée (mais le contraste avec le ciel orangé doit aider). On devine même par moments l'étoile centrale. J'ai essayé en ajoutant une barlow x2, cela n'ajoute pas grand chose.
M81 : oui, une galaxie, n'ayons pas peur. On voit la partie centrale, rien de bien folichon, mais on la voit. J'ai essayé M82, en revanche, là, je n'ai rien vu du tout.
Pour conclure, je dirai qu'il est possible de s'amuser un peu malgré les conditions déplorables. Bien sûr, on ne peut remplacer un bon ciel pour les objets faibles. Et le GoTo est indispensable pour les pointer. Alors essayons aussi avec un filtre (UHC ou OIII), vivement qu'Orion soit visible, et aussi la Lune, car depuis que j'utilise ce télescope, je n'ai pas encore pu l'observer avec.